20/02/09

L’impact de la crise financière internationale sur l’aide au développement

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Linda Nordling prévient que la crise financière mondiale pourrait bientôt compliquer l'accèsaux financements extérieurs.

Avec la crise financière mondiale qui sévit, les scientifiques africains devraient chercher des financements dès à présent, pendant qu'il y a encore de l'argent dans le système.

Le financement étranger est crucial pour la science africaine. C'est grâce à cette manne qu'une grande partie de ce qu'il y a de mieux de la science en Afrique peut exister – les essais cliniques récents du gel PRO 2000, porteurs d'espoir pour les femmes désireuses de se protéger contre l'infection du VIH en est un exemple concret (voir Des chercheurs annoncent enfin un espoir qu'un gel soit mis au point contre le VIH)

Les subventions de l'étranger autorisent aussi la reconstruction des universités et la reconstitution des communautés de recherche sur le continent – même si la dépendance envers les donateurs étrangers qui en découle reste source de polémique.                                              

Une baisse dans les financements étrangers semblait bien peu probable il y a quelques années, les bailleurs de fonds se bousculant pour venir en appui à la science africaine. Mais avec la crise financière mondiale, les choses s'annoncent fort différentes.

La science en pâtira-t-elle ?

En octobre 2008, l'anthropologue kenyan Richard Leakey a prévenu que la portée de la crise financière sur la science serait " dévastatrice, tout simplement". Non seulement les sociétés et les gouvernements auront moins de ressources à consacrer à la recherche et développement (R&D), mais il était à prévoir que les philanthropes et les organismes d'aide diminuent leurs aides, a-t-il avancé.

Pour Leakey, le déclin commencerait à se faire sentir au cours de cette année. Certes, le financement est susceptible de devenir un peu plus difficile d'accès cette année ; mais les effets pourraient être beaucoup moins visibles que prévu.

Les fondations qui financent leurs subventions grâce aux intérêts qu'ils reçoivent sur leurs avoirs placés dans les marchés financiers de la planète ont bien sûr été durement touchées. Mais bon nombre d'entre elles ne procèdent pas à des réductions budgétaires immédiates. Ainsi, la Fondation Bill et Melinda Gates, qui a perdu 20 pour cent de ses avoirs l'année dernière,  projette toujours de dépenser plus en 2009.

Si augmenter les dépenses veut dire éroder la base des avoirs de la fondation plus rapidement que prévu, qu'il en soit ainsi. Tel est le message de Bill Gates dans une lettre à l'intention du personnel en janvier.   "L'objectif de notre fondation est de réaliser des investissements dont les retours pour la société sont très élevés et non de dépenser le moins possible afin de faire durer ce fonds le plus longtemps possible," écrit-il.                                                                  

D'autres organisations caritatives américaines, dont les membres du Partenariat pour l'Enseignement supérieur en Afrique, se positionne de la même manière. Ils affirment ainsi que leurs dépenses ne baisseront pas en 2009. Un porte-parole de la Fondation Carnegie a toutefois déclaré qu'au-delà de la fin de l'exercice financier au mois de septembre, la situation n'était pas si claire.

En revanche d'autres acteurs ont procédé à des coupes. Le Wellcome Trust, association caritative médicale du Royaume-Uni, a vu son actif chuter de £15,1 milliards en septembre 2007 à £13,1 milliards l'année suivante. La faiblesse de la livre est un problème supplémentaire, rendant plus onéreux le financement des projets internationaux, et notamment africains. La fondation affirme  débourser £590 millions sous forme de subventions cette année – soit une baisse de £30 millions sur l'année 2007/08. La concurrence pour obtenir des financement sera d'autant plus rude, prévient-on.

Les promesses des gouvernements

Si le secteur philanthropique connaît une année de vaches maigres, l'impact de la crise financière sur les organismes gouvernementaux d'aide au développement reste incertain. Avant la crise financière, les promesses d'augmentation dans les budgets accordés à la science en Afrique n'étaient pas rares.  

La majorité d'entre eux semblent rester engagés dans ce domaine. Ivan Lewis, ministre britannique du développement international, a récemment réitéré l'engagement de consacrer 0,7 pour cent du produit intérieur brut (PIB) de son pays à l'aide au développement d'ici 2013. Quant à l'Agence canadienne pour le Développement international,  elle entend doubler l'aide à l'Afrique d'ici 2011.

Mais nombreux sont ceux qui doutent de ces propos :ayant fait preuve de mauvaise volonté en période d'abondance, comment les gouvernements pourraient-ils tenir leurs promesses par des temps plus difficiles ?

En outre, si les enveloppes consacrées aux aides pourraient effectivement augmenter, ces augmentations pourraient être alloués à d'autres domaines que la science. Trevor Manuel, ministre sud-africain de la science, affirme que la crise frappera durement les pays en développement. Elle pourrait rendre plus nécessaire encore l'aide humanitaire alimentaire ou médicale,  situation qui pourrait ainsi priver de ressources des projets moins pressants, tels que la réforme universitaire.

Les temps difficiles à venir

Sur le terrain pendant ce temps, les instituts de recherche se préparent pour affronter des temps difficiles. "Le PIB de nombreux pays s'orientant vers la baisse, nous nous montrons plus prudents", explique Liz Ogutu, responsable de la mobilisation des ressources pour l'Institut international de Recherche sur l'Elevage.

Les projets déjà pleinement lancé dans un cycle de financement, a l'instar de l'Initiative du Millénaire pour la science en Ouganda, n'ont pas de souci à se faire – pour l'instant. Mais les choses s'annoncent sans conteste plus difficiles pour les programmes dans l'obligation de remplacer des subventions qui approchent de leur terme – comme l'Initiative du millénaire pour la science pour les mathématiques en Afrique, bénéficiaire d'une subvention de la Fondation Mellon qui arrive à échéance cette année.  

Malgré tout, une note positive se dessine pour ceux parmi les chercheurs africains qui auront la capacité de rivaliser avec des équipes étrangères dans la recherche de financements. Les mesures de lutte contre la crise promulguées en loi par le Président Barack Obama au début de ce mois (février) comportent une imposante mesure de relance du financement de la recherche biomédicale. Les fonds seront distribués par l'Institut national américain de la santé (National Institutes of Health), qui octroie de nombreuses subventions aux chercheurs africains sur le continent.  

Des pressions politiques surfacent néanmoins pour que l'argent soit alloué à l'intérieur des Etats-Unis. Pourtant, pour Kei Koizumi, analyste du budget de R&D auprès de l'Association américaine pour l'Avancement des sciences,  "le financement de la science a traditionnellement été relativement épargné par les pressions du type 'Consommer américain' touchant les autres dépenses comme les projets d'approvisionnement du gouvernement ou de transport."

A tête reposée, il paraît donc peu probable que l'année 2009 ne soit synonyme de la catastrophe annoncée par Richard Leakey. Certes, le répit pourrait n'être que momentané. Interrogés sur l'ampleur des futurs dégâts de la crise financière, les bailleurs de fonds et les bénéficiaires ont tous déclaré que tout dépendra de la durée de la récession. Les principaux bailleurs de fonds pourraient probablement la surmonter pour un an –deux peut-être. Mais il est bien difficile d'en prédire les conséquences, si la crise dure plus longtemps encore. 

Linda Nordling est l'ancienne rédactrice en chef de Research Africa.