10/09/10

Sécurité de l’eau et changements climatiques : Faits et chiffres

La rareté de l'eau touche déjà de vastes parties du monde Crédit image: Flickr/suburbanbloke

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Les changements climatiques impacteront la sécurité de l’eau dans les pays en développement. Lucinda Mileham explore les priorités pour relever ce défi.

L’eau douce est une ressource rare. Seulement 2,5 pour cent des 1,4 milliard de kmd’eau sur la Terre est propre à la consommation humaine, et la majeure partie de cette eau douce est inaccessible, puisqu’environ 70% se trouve dans les glaciers, la neige et la glace. Les 8 millions de km3 d’eaux souterraines constituent la plus importante source d’eau douce, et seulement 0,3% des ressources en eau douce (105.000 km3) se trouve dans les rivières, les ruisseaux et les lacs [1].

Le débat autour de la disponibilité de l’eau douce est de plus en plus axé sur la sécurité de l’eau, une question qui concerne l’accès des populations à une eau saine et abordable pour satisfaire leurs besoins ménagers, assurer la production alimentaire et mener leurs activités. [2]

L’insécurité de l’eau peut être la conséquence de sa rareté physique, elle-même le résultat de facteurs climatiques ou géographiques, d’une utilisation excessive ou d’une surexploitation. Elle peut également être liée à des raisons économiques, aux infrastructures ou à l’insuffisance des capacités qui empêchent l’accès aux ressources disponibles, ou se produire dans des cas où la pollution ou la contamination naturelle a rendu ces ressources inutilisables. 

L’insécurité et la rareté de l’eau concernent déjà de grandes parties du monde en développement. Au cours du siècle dernier, on a enregistré une multiplication par six de la demande mondiale de l’eau. Environ trois milliards de personnes (environ 40% de la population mondiale) vivent dans des zones où la demande est supérieure à l’offre. [2] 

Figure 1: Certaines régions du monde sont déjà menacées par la rareté de l’eau Enlargefull-size image (131kB)

Carte adaptée de [2]

Cette situation devrait s’aggraver au cours des décennies à venir à mesure que la population augmente, et que les économies, l’agriculture et l’industrie se développent.

Un climat en mutation

L’autre menace qui pèse sur la sécurité de l’eau tient aux changements climatiques. La Terre connaît un réchauffement sans précédent, avec des températures d’environ 0,5 degrés Celsius plus chaudes par rapport à la moyenne durant la période 1961-90.

Les changements climatiques ont déjà eu un impact sur les ressources en eau dans le monde. Ainsi, le niveau moyen de la mer dans le monde a augmenté de 1,75 mm chaque année au cours de la seconde moitié du vingtième siècle, [3] et on assiste à une fonte généralisée des glaciers non polaires, ce qui réduit le débit des cours d’eau en saison sèche, et accroît les températures de la terre et de la mer.

L’énergie solaire piégée dans l’atmosphère par les gaz à effet de serre est à la base du cycle hydrologique. Chaque hausse vient ainsi intensifier le cycle, modifiant la pluviométrie et provoquant l’exacerbation des événements climatiques extrêmes tels que les sécheresses et les inondations.

L’impact des changements climatiques sur la sécurité de l’eau est déjà palpable. A l’échelle mondiale, la superficie des terres classées par le GIEC comme ‘très arides’ a plus que doublé depuis les années 70. [4] Cela s’accompagne de l’aggravation des inondations dans les altitudes moyennes-hautes, des sécheresses plus longues et plus fréquentes dans certaines régions de l’Asie et de l’Afrique, et des phénomènes El Niño plus fréquents et plus intenses, autant de choses qui contribuent à modifier l’équilibre entre la demande et l’offre des ressources en eau.

La sécurité de l’eau dans le monde en développement est particulièrement vulnérable aux effets des changements climatiques. En raison de leur situation géographique notamment, ces pays subissent de plein fouet les changements climatiques, en partie à cause de la faiblesse de leurs revenus et de leurs capacités institutionnelles qui limite l’ampleur de leurs stratégies d’adaptation à l’évolution des ressources en eau, et aussi parce qu’ils dépendent étroitement des industries fondées sur l’eau, comme l’agriculture.

En Afrique, l’effet combiné des températures élevées, de la hausse de l’évaporation et d’une baisse de la pluviométrie a réduit de jusqu’à 40 pour cent le débit de plusieurs grands cours d’eau et provoqué des sécheresses récurrentes dans la corne de l’Afrique (voir Figure 2). [5,6]

Figure 2: Impacts et vulnérabilités dus aux changements climatiques en Afrique. Beaucoup sont la conséquence des variations intervenues dans les ressources en eau Enlargefull-size image (190kB)

Anna Ballance, UNEP/GRID-Arendal, 2002

Un avenir incertain

Il est difficile de prévoir les effets futurs des changements climatiques (voir Encadré 1)

Encadré 1 : Incertitudes

Le plus grand obstacle venant compliquer l’évaluation des effets futurs des changements climatiques sur la sécurité de l’eau tient à l’incertitude des prévisions. Cette incertitude tient à la variabilité interne du système climatique, l’incertitude quant aux émissions futures et aux scénarios de développement, celle relative à la façon dont les modèles traduisent ces émissions en changements climatiques, et les questionnements quant à la précision des modèles hydrologiques. [7]

La modélisation climatique utilise généralement des modèles de circulation générale (MCG) à résolution brute (plus de 150 km²), mais dans certaines régions l’incertitude des simulations climatiques est telle qu’aucun signe clair de changement ne peut être avancé, ce qui suscite de profondes interrogations sur la pertinence de ces données sur les projections des variations de l’hydrologie régionale.

Les modèles climatiques régionaux (MCR) à la résolution plus fine (moins de 50 km²) peuvent fournir des données d’entrée plus robustes pour les modèles hydrologiques. Ces modèles ont considérablement évolué depuis le début des années 90, mais rares sont ceux qui ont été développés dans le monde en développement ou y ont été appliqués.

L’absence des données de terrain constitue un obstacle majeur à la modélisation régionale du climat

Wikimedia Commons/Babakathy

L’absence des données de terrain de grande qualité, nécessaires à la validation des modèles, est l’un des obstacles majeurs à la modélisation climatique régionale. Des informations fiables sur les paramètres locaux et régionaux comme les précipitations, l’évaporation et les températures, sont utiles pour les modèles de bilan hydrique et établir des prévisions.

Dans plusieurs pays en développement, les observations de terrain sont extrêmement rares ou indisponibles. Il faut absolument des améliorations substantielles des réseaux de suivi pour la validation des modèles climatiques régionaux si nous voulons améliorer notre compréhension du système climatique et des impacts des changements climatiques sur les ressources en eau.

Toutefois, il est presque certain que les températures vont augmenter, les prévisions des modèles pour une gamme de scénarios d’émissions permettant d’envisager une hausse des températures dans le monde entre 1,1 et 6,4 degrés Celsius d’ici la fin du siècle. [4]

Selon le GIEC, il existe d’abondantes preuves que les ressources en eau douce pourraient être gravement affectées par les changements climatiques (voir Tableau 1).

Changement prévu
Probabilité

Impact sur la sécurité de l’eau

Plus de canicules
Très probable
Demande accrue d’eau d’irrigation et d’eau potable
Problèmes de qualité de l’eau, comme les algues
 
Des inondations plus fréquentes ou intenses
Très probable
Dommages causés aux infrastructures de stockage de l’eau
Pollution accrue de l’eau

Réduction potentielle de la rareté de l’eau dans certaines régions

Coûts élevés de fonctionnement des systèmes d’alimentation en eau

Intrusion d’eau salée dans les régions côtières
Augmentation de la superficie touchée par la sécheresse
Probable
Réduction de la disponibilité de l’eau
Réduction des ressources en eaux souterraines
Menace sur la qualité de l’eau
Risque accru de maladies hydriques
Demande accrue d’eau d’irrigation
Des cyclones tropicaux plus intenses ou plus fréquents
Probable

Dommages causés aux systèmes de stockage/approvisionnement en eau

Coupures d’électricité entraînant des perturbations du service public de l’eau

Pollution accrue de l’eau
Risque accru de maladies hydriques
Montée du niveau de la haute mer
Probable
Dommages causés aux systèmes de stockage/fourniture d’eau
Intrusion d’eau salée dans les régions côtières
Salinisation des eaux souterraines et des estuaires
Fonte des glaciers
Forte probabilité
Variations saisonnières des débits des cours d’eau
Risques élevés de crues subites
Demande accrue d’eau d’irrigation
Hausse des températures de l’eau
Forte probabilité
Pollution accrue de l’eau

Problèmes de qualité de l’eau, comme les algues, et teneur réduite en oxygène dissout

Coûts élevés de fonctionnement des systèmes d’alimentation en eau

Variations du débit et de la décharge des cours d’eau
Probable
Variations des disponibilités saisonnières en eau
Risque accru de crues subites
Impacts sur la recharge des eaux souterraines
Variations des disponibilités d’eau pour l’hydroélectricité
Variabilité accrue de la pluviométrie
Très probable
Variations des disponibilités saisonnières en eau
Variations dans le stockage de l’eau
Demande accrue d’eau d’irrigation

Tableau 1 : Les changements climatiques prévus par le GIEC, et l’impact attendu sur les disponibilités en eau, son accessibilité et son usage (établis à partir des données de référence [4] et [7]).

En 2008, le GIEC avait prévu avec grande confiance que les effets négatifs des changements climatiques sur les ressources en eau dépasseraient les avantages, la superficie totale des zones exposées à un stress hydrique croissant d’ici 2050 représentant plus du double de celles exposées à un stress hydrique décroissant. [7]

Une telle insécurité de l’eau peut avoir des effets dévastateurs sur la prospérité économique d’un pays et le bien-être de ses citoyens (voir Encadré 2).

Encadré 2 : Impacts de l’insécurité de l’eau sur le développement

La sécurité de l’eau peut avoir un impact profond sur le développement d’un pays, l’eau étant source de vie à la fois directement à travers sa consommation et indirectement à travers son utilisation dans l’agriculture et l’industrie. Ceci est particulièrement vrai dans les pays en développement où les activités rurales sont indissociables de la disponibilité et de l’utilisation de l’eau.

L’aggravation de la rareté et de l’insécurité de l’eau entraînera un plus grand nombre de décès dus à la sécheresse et aux maladies hydriques, des conflits politiques sur des ressources limitées, et la perte des espèces d’eau douce. [4]

La hausse de la fréquence et de la gravité des événements climatiques extrêmes et des catastrophes naturelles pourrait avoir un effet dévastateur. Les pays en développement enregistrent déjà plus de 95 pour cent de tous les décès dus aux catastrophes naturelles. En 2009, ces catastrophes ont fait 10.655 morts, touché plus de 119 millions de personnes, et entraîné des pertes économiques chiffrées à US$ 41,3 milliards, surtout dans le monde en développement. [8]

Ainsi, après le passage de l’ouragan Mitch en 1998, les inondations au Nicaragua ont été à l’origine d’une multiplication par six de l’incidence du choléra. [9] Dans certaines régions tropicales, les cyclones et les inondations créent des terrains propices pour les moustiques vecteurs du paludisme et de la fièvre de la dengue.

Les inondations ont également un impact sur les activités agricoles et l’élevage. Les inondations en Afrique de l’Est ayant fait suite à El Niño en 1997-98 ont entraîné des pertes catastrophiques de bétail à cause de la fièvre de la Rift Valley, suivi d’une interdiction par les Etats du Golfe de tout commerce avec cette région, une mesure dont les coûts se chiffrent autour du milliard de dollars [9].

L’agriculture sera l’un des secteurs les plus durement touchés par l’insécurité de l’eau due aux changements climatiques. En Afrique et en Asie, 85 à 90 pour cent de l’eau douce est affectée aux activités agricoles. Un approvisionnement en eau plus instable dans ces régions endommagerait les cultures, dégraderait les terres et réduirait la production alimentaire, aggravant la malnutrition et la famine.

L’intrusion de l’eau salée dans les ressources en eaux souterraines sur les côtes peut également réduire la sécurité alimentaire, surtout dans les cas où elle est exacerbée par la surexploitation à l’intérieur des terres. Ce phénomène se produit déjà dans le Delta du Yangtze en Chine et dans le Delta du Mékong au Vietnam, les deux deltas les plus productifs du monde. [6]

Faire face aux changements

Comment les pays en développement peuvent-ils faire face à cette évolution de la qualité, de la quantité et de l’accessibilité de l’eau ?

A long terme, les actions d’atténuation des effets des changements climatiques à travers la réduction des niveaux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère seront essentielles. Mais ces changements sont déjà une réalité. Ainsi, même s’il était possible de réduire aujourd’hui les émissions à zéro, les ressources en eau seraient déjà affectées.

Les besoins en stratégies d’adaptation sont considérables. En pratique, cela signifie qu’il faut mettre un accent sur une gestion plus efficace et plus durable de l’eau.

Les pompes à pédales extraient les eaux souterraines pour la petite irrigation

Flickr/Mukul Soni

Aujourd’hui, plusieurs pays n’exploitent qu’une faible proportion de leurs ressources disponibles en eau douce. L’exploitation de ces ressources pourrait réduire le stress hydrique dans de nombreux pays en développement, surtout si elle est accompagnée d’une utilisation plus efficace.

Heureusement, l’atteinte d’un tel objectif ne nécessite pas forcément le recours à de nouvelles technologies. Les gestionnaires de l’eau utilisent une vaste gamme d’outils pour faire face à la variabilité des ressources en eau, allant de la haute technologie, en passant par les usines de dessalement de l’eau qui transforment l’eau de mer en eau potable, aux pompes à pédales traditionnelles qui extraient les eaux souterraines pour la petite irrigation (voir Tableau 2).

Stratégie

Contribution à l’amélioration de la sécurité en eau

Technologies disponibles (non-exhaustif)

Exemple
Extraction des eaux souterraines

Accroît la disponibilité de l’eau à court terme mais peut la réduire à long terme si les aquifères ne sont pas rechargés. La sur-extraction peut entraîner une réduction de la qualité et de l’accessibilité de l’eau.

Pompes manuelles ; pompes à pédales ; puits ; forages ; galeries ouvertes ; qanats

Une pompe à pédales est une pompe à succion actionnée par le pied et qui peut extraire l’eau située à plusieurs mètres sous la terre. L’organisation non gouvernementale International Development Enterprises (IDE) a révolutionné l’utilisation des pompes à pédales en Inde. En 2009, 750.000 pompes IDE fonctionnaient dans le pays et 50.000 autres sont vendues chaque année.

Captage d’eau

Accroît la disponibilité et l’accessibilité de l’eau en fournissant une autre source d’approvisionnement

Construction de contours pour acheminer l’eau ; barrages de retenue ; rigoles avec valves (en anglais, gully plugs) ; digues; toits de maisons ; citernes ; basins de surface ; captage du brouillard

Les ‘Johads’ sont de petits barrages de retenue en terre qui captent et conservent les eaux de pluie. Entre 1984 et 2000, plus de 3000 johads répartis dans plus de 650 villages du Rajasthan ont été réhabilités. Ces efforts ont augmenté le niveau des eaux souterraines d’environ six mètres. Cinq cours d’eau qui s’asséchaient après la mousson sont devenus pérennes.

Traitement et recyclage des eaux usées

Le traitement améliore la qualité et permet la réutilisation, surtout pour l’irrigation, améliorant ainsi la disponibilité de l’eau.

Cribles ; réservoirs de sédimentation ; filtres ; désinfection ; traitements chimiques ; étangs de stabilisation ; terres humides

Le programme national tunisien de réutilisation d’eau lancée dans les années 80, utilise les eaux récupérées à des fins industrielles, pour la recharge des nappes phréatiques, l’irrigation, et le développement des zones humides. D’ici 2020, le volume d’eau récupérée devrait atteindre 290 millions de m3 par an, et le pays compte porter les superficies irriguées avec des eaux de récupération à entre 20.000 et 30.000 hectares (entre 7 et 10 pour cent de sa superficie irriguée). [10]

Dessalement

Améliore la disponibilité de l’eau mais, vu les coûts élevés, pourrait ne pas améliorer l’accessibilité de façon équitable.

Filtres à sable et autres types de filtres ; osmose inverse

Une usine de dessalement a ouvert ses portes au mois de juillet à Madras en Inde et grâce à l’osmose inverse, elle purifie l’eau de mer et devrait fournir 1000 litres d’eau potables par jour pour un coût légèrement supérieur à US$ 1 [11]

Stockage de l’eau

Améliore la disponibilité de l’eau en fournissant des sources de rechange pendant les périodes de sécheresse.

Barrages et réservoirs ; zones humides ; aquifères ; étangs et citernes

Au Burkina Faso, des milliers de petits réservoirs ont été construits pour fournir l’eau à usage ménager, pour l’élevage et la petite irrigation. Plusieurs de ces réservoirs ont permis aux communautés de s’adapter à la vie en milieux arides.

Transfert d’eau

Améliore l’accessibilité aux ressources en eau en transférant les ressources des zones riches en eau vers les régions où la demande est supérieure à l’offre.

Pompes rotatives ; les ‘dragons blancs’ (longs tuyaux flexibles)

Les pompes rotatives utilisent la puissance de l’eau qui coule sur une chute de quelques mètres pour porter une partie de cette eau à une hauteur supérieure. Au début de l’année 2010 AIDFoundation a installé 160 pompes rotatives qui fournissent l’eau à plus de 50.000 personnes . On estime que plusieurs dizaines de milliers de pompes rotatives sont utilisées dans le monde.

Conservation de l’eau du sol

Améliore l’utilisation de l’eau en la rendant plus efficace et en équilibrant mieux l’offre et la demande.

Semis direct ; gestion des déchets de cultures ; rotation des cultures ; compost ; engrais verts ; paillis ; argiles

La technologie du semis direct permet à l’agriculteur de semer après une préparation minimale du sol, éliminant ainsi la nécessité de labourer et réduisant la préparation nécessaire avant le semis. Entre 1991 et 2008, la superficie exploitée par semis direct en Argentine est passée de 300.000 à 22 millions d’hectares, améliorant la fertilité du sol, créant environ 20.000 emplois agricoles et garantissant l’offre alimentaire ce qui a permis de stabiliser les prix alimentaires sur le marché mondial. [12]

Irrigation efficace

Réduit la demande globale de l’eau, améliore l’utilisation de l’eau.

L’irrigation goutte à goutte ; organoponicos’ ou jardins urbains ; changements dans la programmation de l’irrigation

L’installation de sept systèmes d’irrigation efficaces dans le cadre d’un projet pilote à Pintadas au Brésil, a augmenté les revenus des agriculteurs de jusqu’à US$ 80 dollars par mois.[13]

Pratiques agricoles

Réduction de la demande globale d’eau, amélioration de l’utilisation des ressources en eau.

Nouvelles distributions de culture ; nouvelles variétés de cultures ou d’espèces animales ; rotation des cultures ou des pâturages

En Inde, l’ICRISAT a développé et mis sur le marché des variétés de sorgho, de millet perle, de pois chiche, d’ambrevade et d’arachide plus résistantes à la sécheresse que les variétés existantes.

Tableau 2 : Moyens technologiques disponibles pour l’amélioration de la gestion des ressources en eau.

Les décideurs politiques peuvent également recourir à des stratégies d’ordre juridique, économique et communicationnel pour améliorer l’efficacité de la gestion des ressources en eau (voir Tableau 3). Des incitations d’ordre économique comme l’installation de compteurs peuvent contribuer à la conservation de l’eau, et les projets éducatifs peuvent mieux sensibiliser sur les effets potentiels des changements climatiques sur les ressources en eau.

Stratégie

Contribution à l’amélioration de la sécurité de l’eau

Droits à l’eau
Clarifie le droit d’accès aux ressources en eau
Les marchés de l’eau
Réoriente l’eau vers des usages hautement valorisés
Importations d’eau virtuelle

L’importation d’aliments, ‘eau virtuelle’, de pays plus avantagés ou efficaces dans leur gestion de l’eau réduit la demande nationale d’eau d’irrigation

Mesure et tarification de l’eau
Réduit l’utilisation de l’eau et favorise la conservation
Réduction des tarifs sur les technologies efficaces

Promeut l’adoption des technologies efficaces de gestion de l’eau et réduit l’utilisation de l’eau

Gestion des nappes phréatiques locales

Assure l’équilibre entre l’offre et la demande dans tous les secteurs du bassin local

Information et sensibilisation

Améliore la compréhension des impacts des changements climatiques sur les ressources en eau et permet une planification et une utilisation meilleure des ressources.

Prévisions météo saisonnières

Promeut une agriculture durable et une utilisation plus efficace de l’eau et permet une meilleure planification

Education

Améliore la compréhension des impacts des changements climatiques sur les ressources en eau et permet une meilleure planification et une utilisation optimisée des ressources.

Tableau 3 : Stratégies économiques, juridiques et communicationnelles d’amélioration de la sécurité de l’eau.

Aucune des options présentées ci-dessus n’est une panacée. Le choix de l’outil est fonction du contexte local, et les stratégies d’adaptation vont nécessiter un ensemble intégré de solutions à des échelles variées (voir Encadré 3).

Encadré 3 : Stratégies intégrées de renforcement de la sécurité de l’eau

Etude d’un cas à coûts élevés : l’Arabie saoudite

L’Arabie saoudite dépend exclusivement de la pluviométrie, des eaux souterraines et de l’eau de mer dessalée pour répondre à ses besoins en eau qui, en 2000, s’élevaient à 17,320 millions de mètres cubes (MMC)

Les usines saoudiennes de dessalement ont coûté environ US$ 10 milliards

Flickr/Waleed Alzuhair

Si les ressources en eaux souterraines y sont abondantes, plus de 2.000 milliards de mètres cubes, elles se reconstituent très lentement, avec seulement 2,763 MMC chaque année. L’extraction massive et la mauvaise gestion de ces ressources a entraîné la baisse du niveau des nappes phréatiques et de la qualité de l’eau.

Dans les années 90, l’Etat a compris qu’il fallait protéger et conserver les ressources en eau. Il s’est lancé dans la promotion de systèmes d’irrigation modernes et efficaces, la modification des subventions agricoles, la mise en place d’une tarification de l’eau, la lutte contre les fuites, la construction des barrages et des usines de dessalement, et le recyclage des eaux usées traitées.

Ces mesures ont permis de limiter l’usage excessif des eaux fossiles souterraines, réduit la dégradation de l’environnement, encouragé la conservation de l’eau et créé un cadre solide de gestion du stress hydrique.

Mais la facture de ces mesures a été colossale. Les usines de dessalement à elles seules auraient coûté US$ 10 milliards.

Etude d’un cas à faibles coûts : le Ghana

A contrario, le Ghana a mis l’accent sur des pratiques traditionnelles peu onéreuses pour faire face à l’insécurité de l’eau induite par les changements climatiques. Aujourd’hui, la pluviométrie au Ghana est inférieure à celle d’il y a 40 ans. Dans le bassin d’Offin, les petits agriculteurs connaissent une pluviométrie plus variable, avec une baisse jusqu’à 45 pour cent du débit des cours d’eau, et l’assèchement des puits, entraînant une baisse des rendements et de mauvaises récoltes.

Pour faire face, les familles ont commencé à réutiliser les eaux usées pour l’irrigation, adopté les techniques traditionnelles de captage des eaux de pluie sur les toits, et remplacé les cultures traditionnelles ‘gourmandes en eau’, comme le cacao, par des cultures résistantes à la sécheresse, comme le manioc. Les autorités locales distribuent également des filtres à un prix abordable pour améliorer la qualité de l’eau, et ont institué une amende contre les personnes surprises en train de couper la végétation le long des rivières et ruisseaux pour lutter contre l’envasement et les faibles débits.

Des milliers de petits réservoirs et d’étangs ont été construits pour fournir de l’eau à usage domestique, pour l’élevage et la petite irrigation. Le gouvernement promeut activement l’appropriation et la gestion par les communautés des ressources en eau, assurant une formation et une aide financière, et promouvant le recours à des techniques traditionnelles de communication pour sensibiliser les communautés sur l’utilisation, la conservation et le développement des ressources en eau.

La capacité des pays à s’adapter à une insécurité croissante dépend de plusieurs facteurs. Premièrement, il peut exister une limite physique à l’adaptation ; ,il peut par exemple être impossible de s’adapter en cas d’assèchement total des cours d’eau.

Ensuite, il peut y avoir des contraintes d’ordre économique. Il peut être physiquement possible de s’adapter, mais hors de prix.

Il peut également y avoir des limites politiques à l’adaptation. Ainsi, bâtir de grands barrages peut être politiquement sensible.

Enfin, la capacité des agences de gestion de l’eau peut présenter des limites institutionnelles. Plusieurs pays en développement souffrent d’un manque de coordination entre les agences et les différents secteurs, d’une gouvernance inefficace de l’eau, et d’une insuffisance de compétences.

Des priorités d’ordre politique

En dépit de ces obstacles, certaines priorités d’ordre politique restent incontournables si les pays en développement veulent faire face à l’insécurité de l’eau dans le contexte des changements climatiques.

La première consiste à accorder la priorité à la gestion des ressources en eau. Cela peut sembler évident, mais plusieurs pays ne sont pas dotés de politiques de l’eau à long terme. De telles politiques devront intégrer tous les secteurs qui dépendent de l’eau, de l’agriculture et la pêche à la manufacture et l’utilisation de l’eau en milieu urbain.

L’amélioration des nappes phréatiques et de la gestion des ressources sont également d’une importance capitale. Le GIEC préconise une gestion intégrée des ressources en eau en tant que cadre d’adaptation aux changements climatiques dans tous les systèmes socio-économiques, environnementaux et administratifs.

L’implication des acteurs locaux et la promotion des approches communautaires sont essentielles si l’on veut s’assurer que les différentes solutions d’adaptation sont adoptées et produisent des résultats durables. Cela nécessite une meilleure compréhension des activités dépendantes de l’eau dans le monde en développement et leur vulnérabilité aux risques liés au climat et l’impact de la sécurité de l’eau sur la sécurité alimentaire et des activités humaines.

Une autre priorité consiste à trouver une solution au déficit de connaissances sur l’impact des changements climatiques sur l’eau. Les données de terrain sont éparses et, dans plusieurs cas, les réseaux d’observation rétrécissent. Le GIEC a mis l’accent sur la ‘nécessité d’améliorer la compréhension et la modélisation des changements climatiques liés au cycle hydrologique à des échelles pertinentes pour la prise de décision’. [7] Il estime également que les données sur les impacts des changements climatiques liés à l’eau sont insuffisantes.

Sans des investissements supplémentaires dans la collecte des données et le renforcement des capacités et des connaissances, l’incertitude associée aux changements à prévoir restera élevée, et les estimations de l’évolution hydrologique resteront imprécises. Or, tant que nous ne pourrons pas prévoir cette évolution avec davantage d’exactitude, nous ne serons pas suffisamment outillés pour planifier l’avenir.

Références

[1] UNEP Vital Water Graphics: An Overview of the State of the World’s Fresh and Marine Waters (2002)

[2] Molden, D. (ed.) Water for Food, Water for Life: A Comprehensive Assessment of Water Management in Agriculture. London: Earthscan, and Colombo: International Water Management Institute (2007)

[3] Church, J. A. and White, N. J. A 20th century acceleration in global sea-level rise. Geophysical Research Letters 33 (2006)

[4] Parry. M. L. et al (eds) Contribution of Working Group II to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change.Cambridge University Press (2007)

[5] Arnell, N. W. Climate change and global water resources. Global Environmental Change 9, s31 (1999)

[6] Cabot, C. Climate change and water resources[286kB]. WaterAid (2007)

[7] Bates, B. C. et al (eds) Climate Change and Water: Technical Paper of the Intergovernmental Panel on Climate Change[7.11MB]. IPCC Secretariat: Geneva (2008)

[8] Vos, F. et al. Annual Disaster Statistical Review 2009: The Numbers and Trends[2.45MB]. Centre for Research on the Epidemiology of Disasters (2010)

[9] DFID The Impact of Climate Change on the Health of the Poor[386kB] DFID Key Sheet (2004)

[10] Carriger, S. Managing the Other Side of the Water Cycle: Making Wastewater an Asset. Global Water Partnership[335kB] (2009)

[11] Natarajan, S. Innovative India water plant opens in Madras. BBC News South Asia (2010)

[12] Trigo, E. et al. The case of zero-tillage technology in Argentina[562kB]. IFPRI Discussion Paper 00915 (2009) 

[13] Obermaier, M. et al. Adaptation to climate change in Brazil: The Pintadas pilot project and multiplication of best practice examples through dissemination and communication networks[56kB]. Proceedings of RIO 9 World Climate Event (2009)