05/06/15

Q&R: “Avec le viagra, il est possible de combattre le paludisme”

Mosquito
Crédit image: Flickr/Sanofi Pasteur

Lecture rapide

  • Le viagra permet d’instruire la rate de bloquer les globules rouges infectés par le Plasmodium falciparum
  • Ce résultat est obtenu à travers un processus d’augmentation de la rigidité des globules rouges
  • Mais le procédé ne permet que de bloquer les mécanismes de transmission du paludisme

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En renforçant la rigidité des globules rouges infectés par le parasite Plasmodium falciparum, responsable du paludisme, le Viagra favorise leur élimination de la circulation sanguine.

Il pourrait donc réduire la transmission du parasite de l'homme au moustique.

Cette découverte a été réalisée par des chercheurs du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), de l’Inserm, de l'Institut Cochin et de l'Institut Pasteur, en collaboration avec une équipe de la London School of Tropical Medicine and Hygiene.

Leurs travaux sont publiés dans la revue PLOS Pathogens le 7 mai 2015.

SciDev.Net a interrogé Catherine Lavazec, chercheur au CNRS et l’un des co-auteurs de l’étude, sur ses résultats et ses applications potentielles.

 
Pouvez-vous nous présenter en quelques phrases, la quintessence de votre étude?
 
Nous nous intéressons à la transmission du parasite du paludisme entre l’homme et le moustique et plus principalement à la circulation dans le sang de ces formes responsables de la transmission.

Le parasite est à l’intérieur d'un globule rouge, qui peut circuler pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines dans le sang et nous nous intéressons à augmenter la rigidité de ces cellules, afin que la rate les élimine de la circulation sanguine.

Il est important de savoir que les globules rouges, parasités ou non, sont déformables, ce qui évite leur élimination par la rate : cet organe, qui filtre le sang en permanence, ne retient en effet que les globules rouges rigides, vieux ou anormaux.

L’idée, c’était d’augmenter la rigidité d’un globule rouge affecté par le parasite, pour le faire éliminer par la rate.

On a étudié les mécanismes cellulaires qui permettent de réguler la déformabilité de la cellule et on l’a identifié.

C’est une voie de signalisation, qui s’appelle l’AMP cyclique. Une fois que le mécanisme a été identifié, on a cherché à trouver des molécules connues susceptibles d’inhiber ce mécanisme.

Parmi ces  molécules, il y a des inhibiteurs qui s’appellent phosphodiestérases et parmi ces inhibiteurs, il y a le Viagra.

On a donc pensé à tester le viagra et on a obtenu des résultats très positifs.

Donc avec le viagra, on peut augmenter la rigidité des globules rouges affectés et ces globules rouges devraient être bloqués par la rate lorsqu’ils sont dans la circulation.

 
Evidemment, vous confirmez que la méthode de lutte que vous préconisez ne vise pas à traiter le paludisme, mais à en empêcher la propagation?
 
Exactement. Il ne s’agit pas d’un traitement.

Cette méthode vise simplement a éviter la propagation et a éviter d’être contagieux une fois qu’on a contracté le paludisme, soit après une crise de paludisme, soit avec les porteurs symptomatiques, qui ne présentent donc par définition aucun symptôme, mais qui peuvent perpétrer la transmission.

 
Il est important de rappeler qu’il s’agit d’une étude in vitro. Auriez-vous l’intention de mener une étude in vivo?
 
Tout à fait. Mais pour l’instant, on en est encore à l’étape de projet, puisque cela prend du temps et il faut des autorisations éthiques, ainsi que des financements.

Sinon, oui, c’est quelque chose que nous avons l’intention de faire.
 

A l’heure actuelle, au-delà des résultats empiriques de cette étude, y a-t-il des applications pratiques potentielles ?
 
Il faudrait déjà attendre les résultats de l’étude in vivo, pour montrer que ce qu’on a vu in vitro marche également chez l’homme.

Ensuite, réaliser des études à plus grande échelle. Cela va sûrement prendre quelques années.

En ce moment, au laboratoire, on continue d’essayer de comprendre dans le détail les mécanismes cellulaires, et on réfléchit à trouver une molécule proche de la molécule du Viagra, mais qui n’aurait pas des effets sur l’érection.

 
N’y a-t-il pas un risque à dire au public que le viagra peut aider à lutter contre le paludisme?
 
Tout ce que nous disons, c’est que c’est une piste intéressante pour bloquer la transmission du paludisme.

Il est important de le souligner. 

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Vous pouvez poser directement vos questions à Catherine Lavazec via Watsapp, au +221 77 104 04 91.

Références