09/10/14

La numérisation des ‘cartes du palu’ pour sauver des vies

Malaria reporting
Crédit image: UNICEF/Iman Morooka

Lecture rapide

  • ARMA est une entreprise panafricaine qui cartographie les zones fortement touchées par le paludisme, sa prévalence et la météo
  • Des données centralisées aident les pays à identifier les périodes de transmission et à préparer des réponses
  • Le projet a également développé des compétences chez le personnel local de lutte contre le paludisme

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Munyaradzi Makoni se penche sur une collaboration scientifique en cartographie entre l'Europe et l'Afrique, avec un impact important sur la lutte contre le paludisme.

[CAPETOWN] Le paludisme est l’une des maladies les plus meurtrières du monde. En 2010, on a estimé à 660 000 le nombre de personnes qui ont perdu la vie à cause de  cette maladie – la majorité d’entre elles étant des enfants en Afrique, un continent où un enfant meurt de paludisme toutes les minutes. [1]

Jusqu'à récemment, toutefois, il était difficile d'accéder à des informations sur les emplacements des zones fortement touchées par le paludisme en Afrique ou sur la façon dont ils sont influencés par le temps qu’il y fait.

Les informations sur la distribution du paludisme sur le continent étaient éparpillées dans des documents publiés et non publiés, moisissant souvent dans des bibliothèques.
 
Mais à présent, grâce à une base de données de la cartographie numérique du paludisme qui réunit toutes les données disponibles sur le paludisme, cette maladie n'a plus le statut de 'tueur aveugle' des décennies précédentes.

ARMA — Atlas des risques de malaria en Afrique  – a été lancé en 1996, avec un appui initial de US$ 10 000 du Programme spécial de l'OMS pour la recherche et la formation sur les maladies tropicales, dont l’objectif était de cartographier les informations sur la prévalence du paludisme à travers l’Afrique. La première phase du projet (1997-1998) s’est efforcée de produire un atlas précis du risque de paludisme en Afrique sub-saharienne.

Le projet a été mis en place en tant qu’une entreprise panafricaine, n'appartenant à aucun organisme spécifique, mais coordonnée par le Medical Research Council, d'Afrique du Sud, dans l'esprit d'une collaboration ouverte.
 
Un groupe de scientifiques, basés dans des institutions à travers l'Afrique et l'Europe, ont travaillé ensemble sur le projet.

D’autres financements sont venus de donateurs, dont le Centre canadien de recherches pour le développement international, le Wellcome Trust, le TDR et l'Initiative multilatérale sur le paludisme (MIM), et le Partenariat Faire reculer le paludisme.

Des institutions africaines ont apporté leur contribution en termes d'expertise, de temps du personnel et d’insfrastructures.
 
Cinq centres régionaux –utilisant chacun un système normalisé de collecte de données — ont été créés à travers l'Afrique.

Les pays ouest-africains d’expression française avaient un bureau à Bamako, au Mali, alors que ceux d’expression anglaise avaient une base à Navrongo, au Ghana.
Yaoundé, au Cameroun, a abrité le bureau pour l'Afrique centrale; Nairobi, au Kenya, a accueilli le bureau pour l’Afrique de l'Est et Durban, en Afrique du Sud, celui pour l'Afrique australe.
 
Le projet a développé une expertise chez le personnel local de lutte contre le paludisme pour lui permettre de référencer les données recueillies, et il a formé des épidémiologistes, des médecins et des chercheurs.

Au total, il a formé 33 personnes à l’utilisation des SIG (systèmes d'information géographique) et des bases de données, 23 à l’étude des effets des changements climatiques sur la propagation de la maladie et 45 à l’interprétation des résultats pour les personnes qui pourraient vouloir en faire usage.

Huit personnes ont obtenu des maîtrises et des doctorats sur le paludisme.
 

Le paludisme en bits et octets

Le projet de cartographie a trouvé sur la prévalence du paludisme des informations issues de sources publiées et non publiées, pour identifier les zones à risque de moustiques vecteurs du paludisme, la prévalence de la maladie et les conditions météorologiques qui favorisent la transmission.

La base de données de l’ARMA contient plus de 13 000 enquêtes sur la prévalence du paludisme, recueillies sur plus de 12 000 sites: avec 37% en Afrique australe, 33% en Afrique de l'Ouest, 25% en Afrique de l'Est et 5%  en Afrique centrale.

Les données demeurent réelles, mais aucun  matériau nouveau n’y a été ajouté.
 
Le projet a ensuite diffusé cette information auprès des décideurs politiques nationaux et internationaux, offrant 3000 cartes de distribution du paludisme en format affiche à des programmes de lutte contre le paludisme, à des services de santé et à des institutions de recherche basées dans des pays où le paludisme est endémique.
 
Alors qu’auparavant l'absence d’archives centralisées avait rendu le choix de solutions appropriées très difficile, les nouveaux systèmes de données aident les pays à identifier les périodes de transmission, à mettre en œuvre des programmes de lutte et à adapter des mesures de lutte en fonction des contextes spécifiques — ce qui permet également d’épargner de précieuses ressources.

Rajendra Maharaj, directeur de l'Unité de recherche sur le paludisme, au Conseil de recherches médicales, en Afrique du Sud, affirme que le projet jouit d’un solide héritage dans l’appui qu'il apporte pour la planification des programmes de lutte contre le paludisme.
 
Konstantina Boutsika, une chercheuse en épidémiologie et en santé publique de l'Institut tropical et de santé publique suisse (Swiss TPH), à Bâle, en Suisse, où la base de données est actuellement hébergée, affirme que les cartes d’origine sont toujours disponibles par téléchargement sur le site Web d'ARMA, étant donné que c'est un CD-Rom développé par le Conseil de recherches médicales d'Afrique du Sud, en vue de faciliter l’accès aux données du projet ARMA.

Le comptage des points

Konstantina Boutsika, qui est à la tête d'ARMA depuis 2006, déclare qu’un fait marquant du projet est la première évaluation précise du fardeau du paludisme en Afrique, qui a été rendue possible par les progrès réalisés dans le domaine de la modélisation géographique. "Nous pouvons maintenant apporter des réponses utiles en ce qui concerne le paludisme", estime-t-elle.

ARMA a permis l’accès à ses résultats à travers les rapports techniques publiés régulièrement sur ​​son site Internet, en anglais et en français.

Les principaux bénéficiaires du projet ont été identifiés comme étant les scientifiques, le personnel des programmes de lutte contre le paludisme et les communautés locales.

Rajendra Maharaj affirme que le projet permet d'atténuer la maladie et la mortalité, surtout chez les enfants et les femmes enceintes et a contribué aux efforts en vue de l’atteinte du sixième Objectif du millénaire pour le développement, pour ce qui est de ​​la lutte contre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies.

ARMA était également l'un des 700 projets – sélectionnés pour leur exemplification des solutions pratiques aux défis – présentés lors de l’EXPO 2000, l’exposition universelle qui s’est tenue à Hanovre, en Allemagne.

Le programme doit son succès à sa forte équipe d'enquêteurs venant d’organisations participantes, explique Rajendra Maharaj: "La grande leçon qui en a été tirée était la collaboration entre les pays, laquelle est essentielle pour la lutte le contre le paludisme".

Des combats au succès

 
Les choses n'ont, toutefois, pas du tout été faciles. Le principal défi à relever était la collecte de données non numérisées, explique Rajendra Maharaj.
 
"Mais cette difficulté a été surmontée grâce au travail d'équipe, par lequel des paludologues de tous les horizons ont travaillé au sein des ministères, des institutions universitaires et scientifiques pour se procurer des données qui ont été stockées dans des boîtes d'archives, des bibliothèques universitaires et des dossiers des gouvernements", dit-il.

Et Konstantina Boutsika ajoute que l'obtention de financement pour soutenir le programme a été difficile parce que l'harmonisation de plusieurs bases de données a nécessité de gros investissements.
 
Lorsque le financement de la recherche a tari en 2006, le projet a reçu un second souffle de la Fondation Bill & Melinda Gates et du Swiss TPH, et a été transféré de Durban à Bâle, où la phase II a été lancée. En 2009, l'équipe en charge des logiciels au Swiss TPH a fusionné les bases de données des phases I et II de ARMA et a développé une nouvelle interface web.

Depuis lors, la base de données de ARMA a été dans le domaine public accessible aux utilisateurs enregistrés et peut être téléchargée sous différents formats. Konstantina Boutsika déclare que des chercheurs continuent individuellement à collecter des données en Afrique et à utiliser la base de données de ARMA comme une base réflexion.