28/02/17

Paludisme: Découverte d’une souche africaine résistante

Equatorial Guinea Mosquito 2
Crédit image: Mycteria

Lecture rapide

  • Une souche résistante du parasite P. falciparum a été mise au jour
  • Les experts appellent à renforcer la surveillance mondiale de la résistance
  • Toutefois, ils estiment qu’il n’y a pas lieu, pour l’heure, de s’alarmer

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Dans une étude publiée par le New England Journal of Medicine, une équipe internationale de chercheurs a mis au jour un cas de résistance à l’artémisinine sur le continent africain.
 
L'artémisinine est le traitement de choix contre le paludisme dans la majorité des pays où la maladie est endémique, notamment en Afrique.
 
Associée à un autre antipaludéen, l’artémisinine élimine normalement les parasites du sang au bout de trois jours.
 
Or, en 2008, les premières souches résistantes sont apparues au Cambodge, tandis qu’en 2014, des chercheurs de l’Institut Pasteur à Paris et de l’Institut Pasteur du Cambodge, avec des équipes de l’université de Columbia (USA), du CNRS à Toulouse et du NIH/NIAID (USA) démontraient qu’un gène qu’ils avaient précédemment identifié (K13) est le déterminant majeur de la résistance des parasites Plasmodium falciparum à l’artémisinine.
 
Une récente étude conduite par des chercheurs de l’Institut Jiangsu des maladies parasitaires, en Chine, a confirmé qu'une souche du parasite était porteuse d’une nouvelle mutation dans le gène "K13", le principal agent de la résistance à l’artémisinine en Asie.
 
Les résultats d’une série d’analyses ont permis d’établir l’origine africaine de la nouvelle mutation.
 
Tout a commencé en janvier 2013, date à laquelle le paludisme à falciparum a été diagnostiqué chez un ressortissant chinois de 43 ans (identifié dans l’étude comme CWX) dans un hôpital de la province de Jiangsu, en Chine.
 

“Il n’y a pas de conséquence immédiate en termes de santé publique, pas plus qu’il n’y a de changement de traitement à recommander.”

Didier Ménard
Institut Pasteur du Cambodge

Le patient était retourné en Chine en décembre 2012, après avoir travaillé pendant 20 mois d’affilée en Guinée équatoriale, où il avait été soigné six fois contre la maladie.
 
Avant son arrivée en Guinée équatoriale, il n'avait aucun antécédent de paludisme, précisent les chercheurs.
 
Lors de son admission dans les services de santé de la province de Jiangsu, la microscopie a révélé la présence de parasites P. falciparum dans son sang, avec une densité initiale de 4221 par microlitre.
 
Le patient a ensuite reçu un traitement à base d'une combinaison de dihydroartemisinine et de piperaquine sous observation directe.
 
La parasitémie a diminué au cours des trois jours suivants, mais des parasites ont encore été détectés au troisième jour après le traitement.
 
Au septième jour, aucun parasite n'avait été détecté.
 
En revanche, trois autres isolats provenant du même pays étaient négatifs pour les parasites asexués dès le troisième jour.
 
Afin de déterminer si la souche des parasites de CWX était originaire de Guinée équatoriale, les chercheurs ont effectué un séquençage complet du génome et l'ont comparé à ceux de 245 isolats de P. falciparum collectés dans le monde entier.

Ces analyses ont montré que la souche de CWX était d'origine africaine et n'avait pas été récemment importée d'ailleurs dans le monde.
 
Les chercheurs estiment que la résistance à l'artémisinine en Guinée équatoriale et dans les pays présentant une dynamique de transmission du paludisme similaire était essentielle pour surveiller l'émergence potentielle de la résistance de l'artémisinine en Afrique.
 
Toutefois, selon Didier Ménard, de l’unité d'épidémiologie moléculaire du paludisme à l’Institut Pasteur du Cambodge, il n’y a pas lieu de céder à la panique.
 
"Le message de la communauté scientifique consiste à dire qu’il est possible que des souches africaines soient résistantes à l’artémisinine, mais il ne s’agit que d’un seul cas, apparu en 2013", a déclaré le chercheur dans une interview à SciDev.Net.
 
"Il n’y a donc pas de conséquence immédiate en termes de santé publique, pas plus qu’il n’y a de changement de traitement à recommander", a-t-il poursuivi.
 
Didier Ménard estime que pour l’instant, cette découverte reste un épiphénomène et ne signifie pas que toutes les souches en Afrique sont désormais résistantes à l’artémisinine. 
 
"On en a trouvé une, c’est une nouvelle information. C’est tout. Il ne convient pas de tenir un discours alarmiste", a estimé le chercheur.
 
L’artémisinine est le principal traitement contre le paludisme, notamment en Afrique et la communauté scientifique redoute une généralisation de la résistance à ce traitement.
 
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, le paludisme a touché 214 millions de personnes et fait 429.000 morts en 2015.