10/06/14

Bénin: La recherche au service de la valorisation du fromage wagashi

Wagashi Cheese
Crédit image: Flickr/Ptipois

Lecture rapide

  • Un organisme de recherche sur les fromages traditionnels a lancé une initiative de certification du wagashi, un fromage traditionnel béninois très populaire
  • L'objectif est de permettre un accroissement des revenus des producteurs, pour l'essentiel, des femmes
  • Mais la certification se heurte à des problèmes récurrents de financement

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Le wagashi, un fromage traditionnel très prisé dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, fait l'objet de plusieurs travaux scientifiques, en vue de sa certification.
 
L'absence de preuves scientifiques permettant d’établir une certification répondant aux normes de sécurité alimentaire empêche en effet cet aliment de jouir d'une large distribution.
 
Le wagashi est un fromage à pâte molle fabriqué traditionnellement par les femmes dans les communautés peules du Bénin.
 
Largement disponible sur les marchés locaux du Bénin – dans des formes et qualités variées –, le fromage est cependant exclu de la plupart des grands supermarchés où les rayons des produits laitiers sont approvisionnés avec du fromage importé d'Europe, affirme Giuseppe Licitra, scientifique spécialisé sur les questions relatives au lait.
 
“Les supermarchés ne sont pas disposés à acheter de wagashi, car il ne convient pas aux produits standardisés du modèle occidental”, explique-t-il.
 
Giuseppe Licitra a créé l’organisme de recherche le World Wide Traditional Cheeses Association (WWTCA) –  composé de chercheurs des instituts de recherches européens CoRFiLaC et INRA – en 2009 avec le but d’accroître les revenus des productrices de wagashi via ses recherches.

Accroissement des revenus

En partenariat avec l'ONG béninoise l’Alliance Bénin-Italie, le WWTCA a lancé un projet en 2008 pour améliorer la qualité du wagashi, avec pour objectif de mettre au point un standard du wagashi, alimentairement sûr et pour la première fois commercialisable dans les supermarchés du Bénin.
 
Tout en gardant la fabrication au "niveau du village”, la production de wagashi de plusieurs communautés a été normalisée, puis le wagashi a été collecté, stérilisé, emballé sous vide et réfrigéré dans un centre de distribution à Péhunco.
 
Au prix de 4000 FCFA, soit deux fois le prix du wagashi acheté sur les marchés locaux, le wagashi Péhunco a trouvé un marché de niche avec certains restaurants, mais la plupart des supermarchés ont refusé de vendre le produit à moins que la certification de la sécurité alimentaire soit établie, selon le WWTCA.
 
L’établissement d'une telle certification nécessiterait plus de recherches – et donc plus de financement – sur les processus de fabrication du wagashi, qui sont uniques, comparés à la fabrication du fromage européen, explique encore Giuseppe Licitra.
 
Selon lui, même si le wagashi n'est pas fait à partir de lait pasteurisé – une norme dans plusieurs pays occidentaux pour des fromages qui ne sont pas affinés pendant plusieurs mois –, le processus implique un traitement thermique qui a aussi un effet stérilisant.
 
Le coagulant – extrait d’une plante locale le Pommier de Sodome (calotropis procera) –  donne au fromage une consistance compacte unique qui lui permet d'être bouillie et élimine donc les micro-organismes et prolonge sa durée de vie, qui atteint un mois.
 
Mais à moins que les processus microbiologiques impliqués aient subi des études scientifiques approfondies, le développement de la certification ne sera pas possible, souligne Licitra.
 
"Le wagashi est un fromage unique et le processus de production implique l'équivalent de la pasteurisation qui rend le fromage sûr", affirme Giuseppe Licitra. "Le véritable objectif des normes de certification est la sécurité alimentaire, mais il y a des façons différentes de sécuriser la consommation des produits laitiers, autres que la pasteurisation, et il faut d'autres études pour le prouver.”
 
La sous-valorisation de wagashi est surtout une sous-valorisation des recherches effectuées au Bénin sur le sujet, estime Philippe Sessou, professeur assistant à l’université d’Abomey-Calavi, qui a mené plusieurs études microbiologiques sur le wagashi.
 
Manquant de financement, ses programmes de recherche n’ont pas été équipés des moyens les plus modernes pour mener des études microbiologiques, regrette-t-il, ajoutant qu’il cherche actuellement de nouveaux financements pour continuer ses travaux.
 

Financements publics

 
“Les outils et moyens de diagnostic utilisés pour réaliser les multiples travaux sur le wagashi ne sont pas des plus récents ou alors, ils sont insuffisants. Une confirmation des résultats actuels obtenus mérite d’être faite grâce aux outils et moyens modernes existants”, affirme-t-il.
 
Le manque de recherches approfondies explique en partie pourquoi les recherches existantes n’ont jusqu’à présent pas réussi à attirer l’attention des politiques pour se traduire dans des programmes de développement des chaînes de valeur ajoutée, dit-il, appelant à une plus grande coopération entre les chercheurs et les décideurs.
 
“Il faut instaurer une plateforme multi-acteurs regroupant les décideurs politiques, les bailleurs, les acteurs de la filière et les scientifiques pour élaborer ensemble les stratégies de valorisation de ce produit adaptées au contexte socio-économique des communautés rurales, en s’appuyant sur les résultats existants ou confirmés”, explique encore Philippe Sessou.
 
Un tel programme est essentiel à la promotion non seulement du wagashi, mais des moyens de subsistance des agricultrices, explique pour sa part Louise Aylara, présidente de l'Association nationale Béninoise des Femme agricultrices (ANAF).
 
"Il n'y a pas de marchés bien organisés à travers lesquels les productrices pourraient vendre le wagashi. Le développement des filières pour ces produits est important pour les femmes – parce que ce fromage est exclusivement produit par des femmes – et il devrait y avoir de nouvelles études pour le développement de ces sources de revenus", ajoute-t-elle.
 
 
En fin de compte, les gouvernements et les organismes de financement devraient être plus conscients du potentiel économique des produits alimentaires traditionnels pour les communautés rurales, estime Giuseppe Licitra.
 
"Les petits producteurs n'ont pas d'argent pour faire des recherches pour valoriser leurs produits. C'est seulement les gouvernements et les institutions qui peuvent combler cette lacune et sauver ces produits culturels dans les zones défavorisées. Sinon, nous perdrons non seulement ces produits qui sont précieux pour les communautés rurales, mais la diversité des aliments et nous allons tous finir avec un régime à base de plastique industriel", estime-t-il.