04/03/09

Financement consacré à l’enseignement supérieur: Faits et chiffres

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Sian Lewis examine les  variations du financement de l’enseignement supérieur par les bailleurs de fonds dans les pays en développement au cours des cinquante dernières années.

L’enseignement supérieur (ES), y compris la recherche menée dans les universités, joue un rôle crucial dans le développement. Il permet de générer  du  capital humain nécessaire dans des domaines clés tels que la santé, l’agriculture et l’ingénierie, et renforce les moyens d’autosuffisance d’un pays.

Par exemple, certains universitaires affirment que l’une des raisons pour lesquelles la ‘révolution verte’ des années 1960 et 1970 a connu plus de succès en Asie qu’en Afrique est que les pays asiatiques disposaient de plus de moyens technologiques  a l’échelle locale. Les universités d’agronomie et les centres de recherche agronomique locaux – bon nombre d’entre eux ont été mis sur pied par le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) – ont été en mesure d’adapter la nouvelle technologie aux réalités locales.

Les pays les moins développés ont d’un point de vue historique bénéficié d’une aide étrangère importante qui devait contribuer à améliorer leurs fragiles systèmes d’ES, en particulier au cours des années 1950 et 1960, quand le monde en développement est devenu un champ de bataille par procuration pour la Guerre froide. Les Etats-Unis et l’Europe de l’Ouest ont  largement financé l’ Amérique latine  l’Asie dans l’espoir d’y promouvoir des modèles économiques capitalistes et réduire la menace du communisme, alors que la Russiea, de son coté, oriente son aide vers l’Afrique et Cuba  pour contrer l’influence des USA. Chaque camp a concentré une partie de ses moyens financiers au soutien des systèmes universitaires dans ces pays.

La perte de l’etat de grâce

Mais deux décennies plus tard, l’ES est tombé en disgrâce. En partie parce que les pays bailleurs de fonds et les pays bénéficiaires de l’aide ont considéré que c’était un service public coûteux et inefficace, profitant aux riches et aux privilégiés et produisant trop de diplômés en sciences sociales pour des perspectives d’emploi assez faibles.

Les problèmes liés à la ‘fuite des cerveaux’ faisaient également partie des causes de la disgrâce – en effet, les institutions africaines et caribéennes en particulier éprouvent encore beaucoup de difficultés pour retenir sur place leurs personnels une fois ces derniers formés.

 Et cela s’est reflété dans le changement de priorités chez les bailleurs de fonds, qui se sont concentrés ‘allègement à court terme de la pauvreté dans les domaines de l’alimentation, des soins médicaux et des interventions en cas d’urgence. De nombreuses universités, en particulier en Afrique, étaient devenues un peu plus que des tours d’ivoire à la recherche du prestige, coupées des besoins réels de leur environnement, et étaient considérées comme incapables de contribuer aux efforts de développement.

Dans les années 1980 et 1990, les arguments de ‘retour sur investissements’ ont progressivement pris de l’importance aux yeux de bon nombre de grands organismes de financement. Une étude très citée de la Banque mondiale datant de 1986 a estimé que le taux de rentabilité sociale – l’augmentation des revenus nationaux découlant d’une année supplémentaire d’éducation — pour l’ES était de 13 pour cent en moyenne inférieur aux rendements de l’enseignement de base dans les pays en développement. [1] Une étude ultérieure portant sur 98 pays pour la période 1960 – 1997 a découvert que le taux de rentabilité sociale type de l’enseignement primaire était de 18, 9 pour cent, contre à 10,8 pour cent à peine pour l’ES. [2]

En 1994, la Banque mondiale a insisté sur le fait que la priorité ne devrait pas être accordée à l’ES dans les stratégies de développement [3] et a réduit ses dépenses pour l’ES – de 17 pour cent des fonds qu’elle consacrait à l’éducation en 1985-1989 à sept pour cent à peine en 1995-1999.

Figure 1: Prêts de la Banque mondiale consacrés à l’enseignement supérieur baissés en 1994 et 2000

Source: Chiffres des prêts antérieurs de la Banque mondiale à l’enseignement

D’autres bailleurs de fonds ont fait de même. Le Forum mondial de l’éducation de l’an 2000 qui s’est tenu à Dakar, au Sénégal, a confirmé le manque d’intérêt de la communauté internationale pour l’ES dans le monde en développement, ne retenant que l’enseignement primaire comme moteur pour l’améliorations du bien-être social en général.

Les politiques adoptées par les gouvernements des pays en développement ont reflété le désintérêt des grands bailleurs de fonds pour l’ES. D’après les résultats d’une étude effectuée en 2005 par l’Université de Harvard, l’ES ne figurait pas au nombre des stratégies de réduction de la pauvreté de la majorité des pays africains.

Et cette situation a eu d’autres conséquences fâcheuses. Les institutions d’enseignement supérieur dans de nombreux pays africains se battent pour conserver même de faibles taux d’inscription d’étudiants (qui en 2003 s’élevaient à moins de un pour cent des jeunes gens ayant terminé leurs études secondaires pour de nombreux pays). Et un nombre incalculable d’infrastructures d’enseignement supérieur, y compris les laboratoires de recherches et les bibliothèques universitaires, se sont délabrées à cause du manque de financement.

La recherche a été aussi durement touchée. Les résultats de la recherche africaine ont décliné dans les années 1990 – pendant que le reste du monde avançait – et restent parmi les moins performants de la planète. 

Le retour de l’aide consacrée à l’ES

Au cours de ces cinq dernières années, une association de plusieurs facteurs a joué pour faire rentrer l’ES dans les agendas des principaux bailleurs de fonds. Des études de plus en plus nombreuses suggèrent que les mesures économiques conventionnelles des rendements des investissements dans l’éducation ne reflètent pas fidèlement la valeur sociale ajoutée par l’ES, qui comporte la création d’emplois ainsi que l’esprit d’entreprise et la mobilité (la capacité de circuler à travers les secteurs d’emplois). De plus, elles ignorent les effets positifs de la recherche – une activité principale dans l’ES – sur les économies des pays.

La communauté de développement reconnaît beaucoup plus à présent les avantages économiques de l’ES, comprenant que parmi ces derniers figurent la création d’un savoir public, l’échange de compétences entre l’industrie et le monde universitaire et une meilleure technologie. Certains universitaires attribuent justement l’émergence de l’Inde sur la scène économique mondiale aux efforts qu’elle a fournis pendant plusieurs décennies pour offrir à ses citoyens un ES de grande qualité et orienté vers les matières techniques. Cet objectif a été largement atteint grâce aux instituts indiens de technologie, qui ont été créés après l’indépendance de l’Inde en 1947 avec des moyens financiers provenant des bailleurs de fonds.

Et dans un village planétaire où le savoir donne du pouvoir, ‘etre à la traîne du savoir’ peut avoir de graves conséquences. Dans une telle économie du savoir planétaire, l’ES peut aider les pays en développement à rivaliser avec des sociétés technologiquement plus avancées. [4] Et avec les restrictions dues à la propriété intellectuelle qui limitent les transferts de technologies, les pays en développement ne peuvent désormais plus compter sur les retombées pour aborder leurs problèmes de développement.

Face à des menaces modernes telles que le changement climatique, le changement du tableau réel de la mortalité et de l’insécurité alimentaire, la formation d’une main d’œuvre qualifiée indispensable pour mener et appliquer des recherches strictement localisées devient encore plus importante.

Les idées ont également évolué par rapport à la ‘fuite des cerveaux’. Les pays en développement comprennent  les avantages à faire revenir les ‘cerveaux’ une fois que ces derniers ont reçu une formation plus poussée à l’étranger – le soit disant ‘mouvement des cerveaux’ (voir ‘Les incidences politiques du nouveau visage de la fuite des cerveaux‘). Mais atteindre cet objectif dépend de la capacité de ces pays a mettre à leur disposition des infrastructures de recherche de bonne qualité dans les universités locales.

La diaspora elle-même peut procurer des avantages économiques et privés au pays – la Chine et l’Inde ont des liens solides avec leurs diasporas et l’Afrique commence à suivre aussi cette voie. Le Réseau des érudits éthiopiens, par exemple, organise un forum destiné à permettre aux éthiopiens de la diaspora et aux scientifiques travaillant en Ethiopie d’échanger des connaissances sur des problèmes locaux, y compris la santé de l’enfant.  

Le changement des mentalités

Un rapport publié en l’an 2000 par la Banque mondiale et l’Organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), confirme le changement des mentalités. D’après ce rapport, l’ES dans les pays en développement était dans une situation "périlleuse" et tant que l’ES ne  pouvait garantir un développement rapide, des progrès soutenus étaient impossibles à réaliser sans ce type d’enseignement. [5] 

En 2005, la Commission pour l’Afrique, mise sur pied par le gouvernement britannique, a clairement suggéré à la communauté internationale de reconnaître l’utilité de l’ES pour le développement. Elle a recommandé aux bailleurs de fonds d’accroître la capacité de l’ES en Afrique  en investissant dans ce secteur et les a exhortés à octroyer US$ 500 millions par an (et jusqu’à US 3 milliards sur dix ans) aux centres d’excellence scientifique et technologique.

En 2008, la Banque mondiale est allée plus loin, en reconnaissant la nécessité d’une "approche du développement plus axée sur le savoir" en Afrique et en admettant qu’une telle approche exige que l’accent soit davantage mis sur l’ES. [6] Elle oeuvre déjà avec de nombreux partenaires dans ses projets de développement de l’ES, en accordant des prêts de US$ 327 millions en moyenne par an – principalement à des projets en Amérique latine et dans les Caraïbes (43 pour cent) et en Asie de l’est et dans le Pacifique (21 pour cent), y compris à des projets visant à accroître l’accès à l’ES et sa gestion au Chili, au Népal et au Vietnam.    

Mais la Banque mondiale n’est pas la seule à intervenir financièrement – en effet, de nombreux gouvernements et des fondations privées investissent actuellement de grosses sommes d’argent  pour stimuler l’ES dans le monde en développement (voir Tableau1).

Type d’aide

Définition

Principaux bailleurs de fonds

Aide bilatérale

Aide directement octroyée par le gouvernement d’un pays à un autre pays

France (AFD), Allemagne (GTZ), Japon (JICA), Pays-Bas (Nuffic), Espagne (AECID), Suède (SIDA), R-U (DFID), Etats-Unis (USAID)

Aide multilatérale

Aide ou prêts accordés par le gouvernement d’un pays à une agence internationale

Banque mondiale, Commission Européenne, banques régionales de développement (BAD, BAD, BAD)

Fondations privées

Organisations caritatives qui distribuent des fonds privés et non officiels/publics

Fondation Bill et Melinda Gates , Fondation Carnegie, Fondation Rockefeller, Fondation Ford, FondationJohn D. et Catherine T. MacArthur, Fondation William et Flora Hewlett, Fondation Andrew W. Mellon, Fondation Kresge.

Table 1: Principaux types d’aide reçus pour soutenir l’ES et principaux bailleurs de fonds. Acronymes: Agence Française de Développement (AFD), UK Department for International Development (DFID), Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ), l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA), l’Organisme hollandais de coopération internationale pour l’enseignement supérieur (Nuffic), l’Agence suédoise de développement (SIDA), l’Agence américaine pour le développement international (USAID), la Banque asiatique de développement (BAsD), la Banque africaine de développement BAD), la Banque interamericaine de développement (BID), l’Agence espagnole pour la coopération internationale au développement (AECID)

Prenez, par exemple, la France qui est sans doute le plus grand bailleur de fonds bilatéral de la planète  dans le secteur de l’ES, avec l’octroi de presque US$ 1361 millions à titre d’aide publique au développement de l’ES dans les pays en développement en 2007 (voir Tableau 2).

Elle se sert de l’aide pour encourager les réformes universitaires, en particulier en encourageant les universités d’Afrique francophone à restructurer leurs diplômes afin de répondre aux normes internationales. L’aide française essaie également de renforcer les  moyens scientifiques. Des experts estiment qu’au moins la moitié de cette aide française est consacrée aux bourses, principalement aux bourses d’études supérieures en France, mais une partie aussi aux études dans des pays en développement.  

Le projet phare de la France en Afrique sub-saharienne est le projet 2iE, à savoir l’Institut international de l’ingénierie de l’eau et de l’environnement d’Ouagadougou, au Burkina Faso. Il réunit des chercheurs venant d’universités partenaires dont six d’Afrique et sept de France. US$ 8 millions de l’aide française ont également permis de procéder à la réforme de cette institution autrefois mal en point, et de former plus de 3000 techniciens et cadres de direction pour les secteurs privé et public.

Bailleur de fonds

1995

 

1998

 

2001

 

2004

 

2007

 

France

Aucune donnée

 

380,25

 

415,38

 

1045,29

 

1361,17

 

Allemagne

78,17

 

504.59

 

445,77

 

860,9

 

1054,66

 

Japon

223,82

 

83,27

 

401,87

 

804,53

 

338,48

 

Pays-Bas

6,78

 

68,56

 

23,24

 

119,64

 

279.92

 

Commission européenne

5.2

 

Aucune donnée

 

72,11

 

159,81

 

241,71

 

Turquie

Aucune donnée

 

Aucune donnée

 

Aucune donnée

 

133,79

 

150,07

 

Autriche

76,11

 

69,28

 

52,98

 

70,27

 

129,46

 

Belgique

47,79

 

29,68

 

39,85

 

82,57

 

115,43

 

Etats-Unis

Aucune donnée

 

6,65

 

110,74

 

33,36

 

87,38

 

Corée

Aucune donnée

 

1,26

 

6,75

 

27,42

 

81,67

 

Espagne

29,24

 

43,25

 

43,66

 

41,03

 

75,04

 

Grèce

Aucune donnée

 

3,87

 

5,14

 

17,22

 

56,52

 

Royaume-Uni

40,06

 

10,81

 

3,65

 

1,41

 

54,37

 

Norvège

Aucune donnée

 

0,57

 

51,71

 

28,79

 

50,78

 

Australie

246,44

 

82,48

 

23,85

 

15,67

 

49,65

 

Portugal

17,69

 

9,88

 

10,58

 

43,07

 

47,49

 

Canada

100,94

 

37,11

 

50,48

 

80,33

 

32,84

 

Nouvelle-Zélande

27,12

 

Aucune donnée

 

20,86

 

19

 

21,94

 

Italie

67,5

 

3,59

 

12,99

 

17,22

 

21,42

 

Suisse

9,65

 

4,4

 

5

 

3,93

 

11,04

 

Suède

16,73

 

9,05

 

15,97

 

17,38

 

10,18

 

Pays membres du CAD, Total

993,58

 

1349,06

 

1743,98

 

3322,71

 

3800,62

 

Table 2: Aide publique au développement (APD), en US$ millions, consacrée à l’enseignement supérieur et provenant des principaux bailleurs de fonds, y compris le montant total de l’APD provenant des pays membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE.

Source: Extraits des Statistiques de l’OCDE

Figure 2: APD, en US$ millions, consacrée à l’enseignement supérieur provenant de 10 grands bailleurs de fonds

Source: Extraits des Statistiques de l’OCDE

Les Etats-Unis ont également été des partisans de longue date de l’appui à l’ES dans le monde en développement. L’African Graduate Fellowship Program de l’USAID a fonctionné de 1963 à 1990 et a été suivi par l’Advanced Training for Leadership and Skills project de 1991 à 2003. A eux deux, ces programmes représentent des investissements de US$ 182 millions, finançant plus de 3200 étudiants africains en quête de diplômes d’études supérieurs dans plus de 200 universités américaines. 85 à 90 pour cent  de ces étudiants ont regagné leurs pays d’origine après la fin de leur formation.

Plus récemment, le Programme d’enseignement supérieur pour le développement (HED) de l’USAID a financé des partenariats entre les Etats-Unis et des universités de pays en développement. Depuis 1987, le HED a noué des relations avec plus de 300 partenaires dans près de 60 pays. Ces partenariats comprennent des échanges et des stages entre des universités américaines et mexicaines, des partenariats entre des écoles de santé publique en Afrique de l’est et des universités américaines et une coopération entre l’université de l’Ohio et l’université agronomique du Pendjab en Inde pour  un programme de recherche sur de nouvelles cultures et de nouveaux produits alimentaires.

Le Japon et la Suède sont d’autres fournisseurs d’aide bilatérale consacrée à l’ES dans les pays en développement. Le Japon a de bons antécédents en matière de soutien à certaines institutions d’enseignement supérieur à travers le monde en développement, en particulier en Asie de l’est, et a récemment initié un nouveau projet visant à soutenir des projets de recherche conjoints entre des chercheurs japonais et des institutsde recherche basés dans des pays en développement.

De la même façon, l’Université de Dar es Salaam  est passée de quelques centaines d’étudiants en 1975 à plusieurs milliers aujourd’hui et est un centre de recherches de premier plan dans des domaines allant de la technologie de l’information à la biologie marine – en grande partie grâce à l’appui de la Suède.

Le Royaume-Uniapporte aussi son appui à des partenariats entre des institutions d’ES en ayant, par exemple, consacré £ 15 millions (US$ 22 millions) au programme de partenariats de développement dans le domaine de l’enseignement supérieur (DELPHE) pour la période 2006-2013. Dirigé par le British Council et l’Association des universités du Commonwealth, DELPHE finance des partenariats et des projets pour diverses institutions , avec 245 institutions d’ES à travers le monde. Les projets portent sur l’agriculture, l’environnement, la santé et les technologies de l’information et de la communication, et également sur la formation de personnels et d’étudiants, la restructuration des cours et des ateliers sur la communication.

L’appui à l’ES dans les pays en développement est loin d’être limité aux aides gouvernementales – les fondations privées y jouent également un grand rôle. Par exemple, la Fondation Bill et Melinda Gates finance la collaboration entre l’académie nationale américaine des sciences et plusieurs académies des sciences en Afrique  pour rendre les scientifiques locaux plus aptes à éclairer les décisions gouvernementales avec des conseils fondés sur des données probantes.

Et plusieurs autres fondations américaines ont collaboré à la mise sur pied du Partenariat pour l’enseignement supérieur en Afrique (PHEA). Le PHEA a apporté une contribution de plus de US$ 150 millions de 2001 à 2005 pour le renforcement de capacités fondamentales et l’appui à des initiatives spéciales dans des universités africaines, et a par la suite déboursé US$ 200 millions supplémentaires (voir ‘US$ 200 millions promis à des universités africaines‘).

Le PHEA met l’accent sur les technologies de l’information, les recherches et les analyses réalisées dans l’ES, les réseaux régionaux de recherche et d’études supérieures, et le leadership universitaire. Son consortium régional, qui a lancé un réseau satellitaire visant à fournir un accès bon marché et fiable au réseau Internet pour les universités africaines, est un projet qui a fait l’objet de beaucoup de publicité.

Les solutions endogènes

Il y a un certain nombre de moyens par lesquels les pays en développement peuvent, sans dépendre de l’aide directe, exercer  une influence sur les connaissances et les techniques provenant de l’extérieur de leurs frontières pour améliorer l’ES localement. L’établissement de partenariats entre des universités locales et étrangères est peut-être la stratégie la plus répandue – et sans doute la plus efficace.

Le Centre de recherches et de formation sur le paludisme de l’Université de Bamako, créé par le gouvernement malien en 1992, s’est développé grâce à l’appui des instituts nationaux américains de la santé, de l’OMS, de l’Université de Marseille , en France et de l’Université La Sapienza, en Italie.   C’est aujourd’hui un centre de recherche bien équipé qui a favorisé la formation de scientifiques de tous les pays voisins tout en contribuant efficacement à la surveillance du paludisme et à la lutte contre cette maladie.

Les coopérations régionales peuvent également stimuler l’ES au-delà des frontières d’un seul pays. L’une façon d’y parvenir peut  etre le développement d’une solide institution nationale qui crée une ‘sphère d’attraction’ régionale à mesure que sa réputation grandit. L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, au Sénégal, et plus récemment l’Université du Cap, en Afrique du sud, ont toutes les deux suivi cette voie.

Hormis ces exemples, des universités peuvent travailler en réseau pour compléter les activités les unes des autres. L’Alliance pour une révolution verte en Afrique est un partenariat dirigé par l’Afrique qui soutient des universités locales et des instituts de recherche dans la formation de scientifiques  spécialisés  dans les cultures prioritaires destinées aux petits exploitants agricoles 

De même, l’Université ouverte mondiale de l’alimentation et de l’agriculture, soutenue pat le GCRAI, collabore avec 30 universités en Afrique, en Asie et en Amérique latine et avec des centres régionaux du GCRAI pour conduire des programmes de Master en agriculture, alimentation et ressources naturelles.

De nouveaux centres d’excellence peuvent être construits  sur demande, comme l’Institut africain de science et de technologie d’Abuja, au Nigeria – bien que l’opinion reste divisée quant à savoir si cette approche peut produire les résultats souhaités (voir ‘Les Centres d’excellence : non idéaux pour la science en Afrique‘).

Inviter les fournisseurs étrangers à mettre sur pied des programmes sur mesure est une autre option que certains pays – ceux d’Asie du sud-est en particulier – ont prise. Mais, quand bien même celle-ci peut assez bien marcher, comme dans le cas de l’Université de Nottingham- Ninbo, en Chine, il subsiste plusieurs obstacles en matière d’orientation  à surmonter  pour  les gouvernements locaux, y compris les questions de délivrance des autorisations, des accréditations et de reconnaissance (voir ‘Travailler avec les universités étrangères pour mettre en réseau les capacités‘).

Les problèmes courants

Il  ne fait pas de doute que l’ES est de retour dans l’agenda grâce à la volonté d’un grand nombre de bailleurs de fonds influents, bien que le financement provenant de la communauté internationale reste faible.

Or, la situation reste désespérée dans de nombreux pays. La mauvaise qualité des infrastructures est souvent citée comme un obstacle à l’utilisation de l’ES à des fins de développement. Parmi les autres obstacles figurent le coût de l’ES, les jeunes gens qui ont terminé leurs études secondaires étant mal préparés pour l’université, la mauvaise gestion des universités et le sureffectif  des étudiants.

Ce qui est plus inquiétant, c’est le fait que les gouvernements de nombreux pays en développement ne semblent  presses de soutenir eux-mêmes l’ES et  tardent a passer   aux actes (d’après l’étude réalisée en 2005 par l’Université de Harvard, seulement trois gouvernements ont pris l’ES en considération dans leurs stratégies de réduction de la pauvreté, et ri seulement deux ont programmé une ‘augmentation  du financement accordé à cet enseignement).

Encourager la propriété locale est un grand défi pour les bailleurs de fonds, en partie parce que la gestion des programmes de coopération bilatérale a tendance à être centralisée dans les pays riches. Les institutions bénéficiaires de l’aide se plaignent souvent que les bailleurs de fonds établissent des agendas de recherche qui  repondent a leurs propres intérêts, au lieu d’aborder les problèmes locaux. La solution consiste à trouver la formule appropriée pour un  etablir un vrai partenariat.

Le problème résulte en partie des différences qui existent entre l’allocation d’un financement de ‘base’ et l’allocation d’un financement lié à un projet. Le financement de base, lorsqu’il est motivé par une demande, serait sans doute meilleur pour le renforcement de capacités,  au moment où les partenaires locaux définissent les priorités et les projets. Mais, en réalité, on trouve rarement cette approche motivée par la demande. A exception près du SIDA, qui finance les infrastructures de base nécessaires pour améliorer les programmes de  recherche (y compris les laboratoires, les bibliothèques, les infrastructures et la formation en  matière de recherche) dans au moins une université  spécialisée dans la  recherche dans chaque pays partenaire (voir ‘Les bailleurs de fonds doivent contribuer à la mise en place d’un cadre viable pour la recherche‘)

Une pression de plus en plus forte exercée sur les chercheurs et les institutions d’ES pour qu’ils produisent des résultats socialement utiles se reflète également dans la manière dont les bailleurs de fonds distribuent l’aide. Ils privilégient souvent, en effet, la recherche appliquée dans des domaines clés tels que la santé et l’agriculture, avec des universités qui doivent obtenir des résultats concrets en vue d’assurer leur financement. Nombreux sont ceux qui trouveraient cette procédure positive, bien qu’elle soit restrictive aux yeux de certains chercheurs.

 L’absence de cohésion chez les bailleurs de fonds qui ont tendance à gérer des programmes indépendants, a conduit à un renforcement tous azimuts de l’ES dans les pays en développement, lequel de l’avis de bon nombre de gens conduit à un gaspillage de ressources.

La solution pour le long terme

Jos Walenkamp, directeur du savoir et de l’innovation à l’organisme néerlandais de coopération internationale pour l’enseignement supérieur, et son collègue Ad Boeren, ont suggéré aux bailleurs de fonds de coordonner leurs programmes pour stimuler l’impact et la durabilité, et d’ajuster le renforcement de capacités et les programmes sectoriels  afin de  cibler des objectifs politiques spécifiques. [7] Ils ont également demandé un meilleur suivi et une meilleure évaluation par les gouvernements bénéficiaires des aides, ainsi qu’une plus active promotion du ‘mouvement des cerveaux’.

D’après d’autres chercheurs, il est également important que les bailleurs de fonds s’engagent pour un soutien à long terme. Quelle que soit la façon dont l’aide est versee,  un renforcement du soutien    des bailleurs de fonds à l’ES dans les pays les moins développés sera nécessaire – si ce n’est pour répondre à la demande croissante dans le domaine de l’ES dans certaines parties du monde en développement. Un certain nombre de pays supportent difficilement cette pression,  qui conduit a l’éclosion de  ‘méga-universités’ telle que l’Université nationale du Mexique, qui reçoit plus de 200 000 étudiants chaque année – qui ne représente qu’une fraction des étudiants qui y postulent.   

Sian Lewis est éditorialiste à SciDev.Net.