19/06/14

Piraterie informatique: redéfinir le développement en ‘bidouillant’

Hacker Bio Lab_Flickr_Ars Electronica_rubra
Crédit image: Flickr/Ars Electronica/rubra

Lecture rapide

  • Le piratage pourrait transformer les pauvres en pionniers plutôt qu’en simples adoptants de la technologie
  • Les gens peuvent accéder à des informations sur le matériel et les utiliser à leurs propres fins
  • Mais les ateliers et les démonstrations sont tout aussi importants que les informations

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

Il est ressorti d’une réunion que la diffusion d’une ‘mentalité de pirate’ pour une résolution pratique des problèmes avec les équipements disponibles peut aider à redémarrer le développement – mais seulement avec une gestion coordonnée des informations et des ateliers sur le piratage.

Le nombre d'ateliers et d’espaces appelés hackspaces qui appuient cette mentalité du bricolage augmente dans le monde en développement,  déclare Denisa Kera, chercheuse à l'Université de Singapour, qui a organisé un ‘hackathon’, un ‘marathon du piratage’, et une série de conférences sur le ‘paradigme d’ouverture’ lors de la réunion Tech4Dev 2014 qui s’est tenue à Lausanne, en Suisse, du 3 au 6 Juin dernier.

Selon elle, de tels espaces ont vu le jour à Accra, au Ghana; à Katmandou, au Népal; et sur "des sites partout à Taiwan et en Indonésie".
 
"La mentalité de pirate peut être un outil donnant beaucoup d’autonomie et de moyens, et elle peut aussi être pédagogique".
Marc Dusseiller, Hackteria

Toutefois, Marc Dusseiller, co-fondateur de la Hackteria biohacker collective, déclare à SciDev.Net qu'il est encore difficile de mettre les gens en rapport avec les informations ouvertes concernant le matériel qui pourraient les aider à créer des solutions utiles — en particulier ceux qui vivent dans les communautés pauvres et ceux qui n’ont aucune relation avec les universités ou les hackspaces existants.

Les pirates s’accordent en général pour estimer que davantage d’ateliers et d’espaces de hacking accroîtraient l'impact de ce genre d’approche sur le développement, en donnant aux populations locales l'expérience pratique du ‘piratage’ informatique.
 

Développement du hacking

Selon Denisa Kera, la communauté des pirates (ou hackers) se démarque des professionnels du développement plus traditionnel. "[Ils] ont eu l'idée que nous étions différents parce que tous les articles que nous avons présentés [lors de notre session de la conférence] ne portaient pas sur la façon dont les gens ‘adoptent’ la technologie, mais sur la façon dont ils la mettent au point eux-mêmes", a-t-elle dit.

L’un de ces articles est venu de Nur Akbar Arofatullah, chercheur à l'Université de Yogyakarta, en Indonésie, inspiré par un atelier local sur le hacking pour personnaliser un microscope utilisant un logiciel libre (open source) en vue de créer un kit de microscope webcam. Il l’utilise à présent  pour montrer aux communautés locales que l'eau  des ruisseaux des environs contient des organismes microscopiques, ce qui leur donne des informations sur l'hygiène.
 
Nur Akbar Arofatullah évoque la difficulté pour les scientifiques de son institution quand il s’agit d’acheter du matériel. Et il résume la philosophie qui sous-tend son travail: "Si nous ne pouvons pas en acheter, essayons d’en fabriquer nous-mêmes, et apprenons de nouvelles techniques utiles lors du processus".
 

Ouverture aux pauvres?

Mais lors de la réunion, des délégués ont également soulevé la question de savoir si le hacking ou le matériel libre (open source) est d’une quelconque utilité pour des gens pauvres qui ne sont pas encore en contact direct avec la science.
 
Gabriella Levine, conceptrice à la Tisch School of the Arts de New York, aux Etats-Unis, est très favorable à l’idée du matériel libre et plaide en faveur de son adoption. Pour elle, une base de données centralisée d’informations ouvertes sur le matériel aiderait les gens à accéder plus facilement à l'information.
 
 "Je pense qu’on a besoin d’une standardisation des normes et d’une sorte d'organisation centralisée — un site web, un wiki ou même simplement une liste contenant des détails sur tous les projets de matériel open source", déclare Gabriella Levine, qui est également présidente de Hardware Open Source Association, un organisme à but non lucratif qui soutient et plaide pour cette communauté.
 


L'association suggère des moyens de normaliser les informations sur le matériel libre, ou open-source, par exemple à travers un rapport intitulé Introduction au matériel open source, qui doit être publié vers la fin cette semaine.
 
Mais Gabriella Levine ajoute que les informations brutes ne ssuffiront pas à elles seules, et que les ateliers resteront essentiels.
 
En fin de compte, selon Marc Dusseillier, il s’agit de diffuser  la mentalité pirate de sorte que les gens puissent contester la façon actuelle de faire les choses.
 
Selon lui, “la mentalité de pirate peut être un outil donnant beaucoup d’autonomie et de moyens, et elle peut aussi être pédagogique". Il ajoute: “en organisant des ateliers, comme celui-ci, nous pouvons promouvoir cette mentalité, dire aux gens: vous pouvez vous aider vous-mêmes, vous n’êtes pas forcés de dépendre des produits et des entreprises".