16/01/14

L’ingénierie médicale réinvente une utilité au portable

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Crédit image: Flickr/Michael Branson Smith

Lecture rapide

  • Le nouvel appareil mis au point à partir de composants d’un téléphone portable ordinaire, peut constituer une excellente initiative aux coûteux microscopes utilisés dans les laboratoires d’analyse
  • Il présente l’avantage d’être portatif et simple d’utilisation et devrait permettre de mieux lutter contre les maladies tropicales négligées
  • Il sera testé sous peu en Tanzanie, ainsi que dans plusieurs autres pays africains, où le téléphone portable est très populaire.

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En isolant la caméra d'un téléphone portable (une webcam aurait aussi pu servir à cette fin, précisent-ils), les chercheurs sont parvenus à mettre au point un mini-microscope (MM).
 
Pour cette recherche, l'équipe composée de huit experts et dirigée par Johan Lundin, expert en technologie médicale et Ewert Linder, responsable de l'unité de parasitologie à l'Institut Karonlinska, à Stockholm, s'est attelée, dans un premier temps, à une sorte de réinvention du microscope à travers une technique de recyclage et de simplification.
 
Johan Lundin explique avoir été inspiré par la NASA, l'Agence spatiale américaine.
 
"Il y a quelques années, j'ai lu des articles sur une expérimentation de la NASA qui portait sur la miniaturisation d'un microscope," explique-t-il à Scidev.Net.
 
"La NASA, poursuit-il, avait utilisé une caméra, dont elle avait enlevé toutes les lentilles, afin d’exposer les échantillons à analyser directement au capteur d'images de cette caméra : c'est ce qui m'a inspiré et je me suis dit qu’il n’y a pas de raison de ne pas utiliser le même procédé pour le diagnostic."
 
Pour sa propre application de cette technique de la NASA, Johan Lundin (déjà crédité pour la mise au point de technologies liées à la microscopie, notamment pour le dépistage des cancers), s'est mis en tandem avec son collègue Ewert Linder.
 
L'invention qui a résulté de leurs efforts est un appareil d'imagerie en miniature dont la résolution – la capacité de restituer en image l'objet de la microscopie – est fonction de la puissance du capteur de la caméra.
 
Johan Lundin résume ainsi le défi qu'ils s'étaient lancé : "Nous voulions créer un instrument à haute résolution, et nous nous disions que si nous y parvenions, à bas prix, nous pourrions utiliser cet instrument sur le terrain."
 

Popularité du portable

 
Au départ, ce qui a joué à l'avantage des chercheurs est l’omniprésence de nos jours des portables munis de caméras. Le développement de l'industrie technologique a conduit à la réduction du prix des portables et en outre, les photo-caméras de la dernière génération sont très performantes avec des capteurs de grande puissance pouvant délivrer des images de haute résolution.

Il ne restait alors à Johan Linder et son équipe que de justifier, au-delà de l'opportunité technologique, la nécessité pratique d'un mini-microscope bon marché. Sur ce point, ils affirment vouloir explorer une solution au casse-tête des maladies tropicales dites négligées.
 
Pour Isidore Bonkoungou, microbiologiste responsable de l'unité de bactériologie-virologie au Laboratoire National de Santé Publique (LNSP) au Burkina Faso, "les maladies tropicales négligées" représentent un catalogue nominal sous lequel l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) classe un certain nombre de maladies.
 
Au Burkina, comme dans la plupart des pays d'Afrique subsaharienne, il existe des programmes nationaux visant à éradiquer ces maladies. Mais l'efficacité de ces programmes est souvent entamée par la difficulté à diagnostiquer ces maladies avec précision. Et c'est pour aider à triompher de cet obstacle que l'équipe de Johan Lundin s'est lancé le défi de mettre au point le mini-microscope.
 
Après l'étape de l'invention de l'appareil, les chercheurs scandinaves ont ensuite procédé à son essai pratique. Ils ont placé directement sur le capteur du mini-microscope (préalablement dégarni du verre protégeant son objectif afin de maximiser l'exposition) un échantillon d'urine de patient.
 
L'analyse a posteriori de l'image obtenue par ce procédé a montré la présence de germes de parasites. Et cette analyse a été effectuée au moyen d'un algorithme que les scientifiques ont conçu pour accompagner le mini-microscope.
 
L'algorithme (un ensemble de règles opératoires hautement spécifiques), est paramétré pour la reconnaissance de schémas précis, et en exécutant les paramètres en question contre l'image provenant du mini-microscope, on obtient des renseignements précis sur les propriétés de l'échantillon, sur la nature de l’infection éventuelle. Utilisant ce procédé, les universitaires sont parvenus à détecter la bilharziose chez des patients.
Fort de ce résultat, Johan Lundin parle d'un avenir proche où la "télé-microscopie" deviendra tout à fait une réalité. "S’il y a un manque d'experts, comme c'est le cas dans certains pays, nous pouvons capter l'image d'un échantillon et la transférer à l'expert qui n'a pas besoin d'être sur place", se réjouit-il.


Avantages multiples

 
De l'avis d’Isidore Bonkoungou, qui travaille dans l'un des pays concernés par les maladies tropicales négligées, les avantages potentiels du mini-microscope sont multiples : accessibilité économique, simplicité de l'utilisation, diagnostic de qualité.
 
Mais surtout, fait-il remarquer, "la portabilité de l'appareil est un atout majeur dans nos contextes où le premier niveau de soins des malades en milieu rural ne dispose pas de laboratoire pour le diagnostic des maladies tropicales dites négligées comme la bilharziose et les vers intestinaux qui généralement sont endémiques dans ces zones."
 
"L'appareil pourrait servir dans les dépistages de masse de certaines maladies tropicales négligées en zones reculées", estime encore Isidore Bonkoungou.
 
Et rien ne semble a priori s'opposer à une utilisation en masse de l'appareil.
 
Là-dessus, l'universitaire finlandais affirme avec une grande dose d'optimisme : "Avec la prolifération des téléphones portables, des réseaux de transfert de données et avec l'existence des applications de microscopie numérique, on dispose désormais de tout [ce qui est nécessaire] pour l'utilisation d'alternatives à la microscopie conventionnelle dans les zones endémiques."
 
Avant une application en masse des résultats de la recherche, les universitaires scandinaves procèdent à l'essai du mini-microscope sur le terrain, et la première phase aura lieu en Tanzanie.
 
"Nous évaluerons la performance de cette technologie par rapport à la microscopie conventionnelle, et nous pensons que cette technologie a sa place parmi les instruments de diagnostic", indique Johan Lundin. "Cela prendra quelques années, mais nous commencerons le premier test en clinique dans quelques mois."
 
La microscopie est universellement sollicitée comme la méthode la plus abordable pour la détection des principales infections parasitaires.
 
Mais pour Isidore Bonkoungou, la méthode de diagnostic conventionnelle nécessite une expertise et les erreurs de diagnostic sont possibles. Et à cela s'ajoutent les difficultés d'inclure un contrôle de qualité et la quasi-impossibilité d'assister la personne en charge du diagnostic à distance.