01/06/12

Le projet du SKA doit aussi bénéficier l’Afrique du Sud

Madagascar Telescope SKA
L'Afrique du Sud a investi dans des infrastructures prototypes du SKA. Crédit image: Rivonala Razafison

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Le fait d’accueillir une partie du plus grand radiotélescope du monde améliore l’image de l’Afrique du Sud sur la scène scientifique internationale. Mais le projet doit aussi contribuer à répondre aux besoins sociaux du pays.

Pour un pays ayant des références relativement modestes en matière de radioastronomie, l'Afrique du Sud peut être fière d'avoir été choisie pour accueillir une partie du projet du Square Kilometre Array (SKA), le plus grand radiotélescope du monde, avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Bien sûr, certains auraient préféré que le comité organisateur du SKA, qui a annoncé la décision du choix du site la semaine dernière, attribue l’intégralité du projet à ce pays et à ses partenaires africains.

La ministre sud-africaine de la Science, Naledi Pandor, n’a toutefois pas fait montre de beaucoup de déception lorsqu’elle a déclaré : "Nous avons toujours dit que nous sommes prêts à accueillir le SKA, et le monde nous a écoutés".

L'histoire est, cependant, loin d'être terminée. Tout d'abord, le projet -qui devrait coûter plus de deux milliards de dollars d’ici à son achèvement en 2024- est confronté à un défi financier majeur : la levée d’une importante partie de ce budget auprès de la communauté internationale à un moment où les restrictions budgétaires sont à l’ordre du jour dans le monde entier.

Ensuite, l'Afrique du Sud a la tâche non moins lourde de s'assurer que les retombées pour son industrie de la haute technologie vont s’étendre vers le bas pour répondre aux besoins des ses populations pauvres. Ils sont nombreux, les sceptiques qui doutent que cela se produise; il revient donc à l'Afrique du Sud de prouver qu'ils ont tort.
 

Des coûts plus élevés


Les défis financiers sont en effet considérables. L'argent devra couvrir non seulement l'infrastructure physique–dont 3 000 réflecteurs pour la réception- mais également les énormes ressources informatiques qui analyseront les données qui seront produites.

Les deux pays ont déjà prévu d’importants investissements dans des infrastructures prototypes -MeerKAT en Afrique du Sud et SKA Pathfinder en Australie- qui seront à présent absorbées par le développement du SKA.

Et l'Afrique du Sud, en particulier, a également lourdement investi sur la formation des chercheurs et des techniciens, notamment avec la création de plusieurs chaires universitaires. Un manque de personnel qualifié était en effet perçu, au départ, comme un handicap majeur pour sa candidature.

D’ailleurs, l'une des raisons avancées pour le choix d’un site éclaté était d’utiliser au maximum l'argent déjà investi par les deux pays –un indicateur de la rigueur financière générale sous-tendant le projet.

Mais les coûts globaux ne feront qu'augmenter à la suite de la décision de scinder le site, parce qu’il faudra sur ces deux sites des systèmes informatiques et des infrastructures de traitement des données de pointe .

Les coûts prévus impliquent un financement incontournable des gouvernements des partenaires internationaux, ce qui est loin d'être acquis à l’heure où les dépenses publiques à travers le monde développé ont atteint les limites de leurs capacités.

En outre, la tâche de collecte de fonds internationaux a été compliquée par une décision prise l'an dernier par des astronomes américains, pour lesquels le SKA n’est pas prioritaire. Ceci prive ce dernier d’un important financement américain, même si une contribution est toujours attendue.
 

Un stimulant pour la science en Afrique


Il n'est donc pas surprenant que dans les exposés présentés aux pays européens, considérés comme une importante source potentielle d'aide extérieure, les partisans de l'Afrique du Sud aient souligné les avantages économiques et techniques potentiels du SKA, en plus de son potentiel scientifique.

Le projet pourrait certainement apporter des avantages financiers substantiels à ce pays, comme le souligne fréquemment Bernie Fanaroff, chef de la candidature de l’Afrique du Sud. Le coup de fouet donné à la seule industrie de l’information et des communications du pays est susceptible d'être énorme.

Il y aura également des avantages moins tangibles, mais non moins importants. Le SKA, décrit par un astronome comme l’indication potentielle d’"une aube nouvelle pour la science en Afrique", est déjà devenu une icône symbolisant l'ambition de l'Afrique australe de devenir un acteur clé dans l'économie du savoir mondiale.

Sur le plan intérieur, il est à espérer que le projet incitera davantage les écoliers à s’engager dans la science et les mathématiques -délibérément négligées dans les établissements d'enseignement pour Noirs à l’époque de l'apartheid.

L'impact doit aussi aller plus loin que cela. Un effort important sera nécessaire pour s'assurer que les retombées seront, pour finir, ressenties par l'ensemble de la communauté -par exemple, en stimulant les investissements dans les infrastructures de communication au niveau de la communauté- et que leur valeur sera largement appréciée.
 

Des avantages pratiques


L’Afrique du Sud a accompli beaucoup de choses depuis la fin de l'apartheid en 1990. Au premier rang de ces réalisations figure sa capacité à développer une communauté scientifique de classe mondiale, qui se reflète dans le fait qu’elle ait réussi à attirer 70 pour cent du projet du SKA.

Elle n'a cependant pas réussi à réduire de manière significative le fossé entre les riches et les pauvres: de profondes inégalités demeurent, qui provoquent inévitablement des tensions politiques.

Le SKA peut contribuer à combler ces inégalités en aidant à faire prendre conscience de l’importance de la science non seulement pour sonder l'histoire de l'univers, mais aussi pour aborder des problèmes importants sur Terre, comme l'accès à l'eau potable ou le développement des sources d’énergie renouvelables.

La satisfaction de ces besoins est peut-être moins séduisante, mais elle est tout aussi difficile que l'exploration de l'univers.

Et il existe un lien solide entre les deux. Beaucoup des scientifiques et des ingénieurs d'aujourd'hui, dans le monde développé, admettent avoir été incités à étudier les sciences par des programmes d'astronomie regardés à la télévision. Par la suite, ils ont adapté leur enthousiasme à des objectifs plus pratiques.

Ce lien doit être continuellement souligné si l’on veut que, une fois retombée l'excitation du départ, les lourdes dépenses sur le SKA continuent à recevoir le soutien du public. Et en particulier si le défi que représente la collecte du financement international n'est pas relevé convenablement.

Percer les secrets de l'univers peut fournir de la nourriture pour l’esprit. Mais c'est la nourriture pour le corps qui demeure la priorité pour de nombreux Sud-africains.

David Dickson
Rédacteur en chef, SciDev.Net