05/10/11

Entretien avec G. Kalonji sur les ambitions de l’UNESCO pour la science

Kalonji : 'Nous voulons savoir comment l'UNESCO peut orienter plus efficacement la science et l'ingénierie vers le développement durable' Crédit image: UNESCO

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SciDev.Net s'entretient avec Gretchen Kalonji de l'UNESCO sur la manière dont un panel d'experts insuffle une nouvelle dynamique aux projets scientifiques de l'organisation.

Le tout premier Haut panel de l'UNESCO sur la science et le développement, chargé d'appuyer les efforts de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture dans les domaines de la science, la technologie et l'innovation (STI), a tenu sa réunion inaugurale en France le mois dernier (du 15 au 16 septembre). Ce panel composé d'éminentes personnalités, notamment Atta-ur-Rahman, ancien ministre pakistanais de la science, et Jacob Palis, président de l'Académie brésilienne des sciences, se réunira deux fois par an. Son premier rapport basé sur la réunion du mois de septembre, sera publié dans quelques semaines.

Suite à cette réunion, SciDev.Net s'est entretenu avec Gretchen Kalonji, directrice générale adjointe de l'UNESCO pour le secteur des sciences exactes et naturelles, sur la formation du panel, les stratégies de mise en œuvre de ses recommandations et ses projets de structuration de la science et de l'innovation dans le monde en développement, et particulièrement en Afrique.

Qu'est-ce qui a motivé l'UNESCO dans la décision de créer ce panel et quels sont les objectifs qui lui sont assignés ?

Madame Irina Bokova, la Directrice générale de l'UNESCO a réuni un groupe d'éminentes personnalités, un vivier de talent extraordinaire, dans l'espoir d'avoir ainsi une vision internationale de haut niveau des tendances émergentes de la science et de l'ingénierie.

Nous souhaitions par ailleurs nous appuyer sur les expériences apportées par ces personnalités issues de diverses régions du monde et de disciplines et secteurs variés de la société pour comprendre comment l'UNESCO peut de façon plus efficace orienter la science et l'ingénierie vers le développement durable, et surtout relever les grands défis posés à la société, et éradiquer la pauvreté.

En quoi cette vision diffère-t-elle de celle qui sous-tend les projets scientifiques actuels de l'UNESCO ?

Les personnalités d'un tel rang peuvent partager leurs réflexions avec nous, en particulier sur ce qui marche, les nouveaux modèles scientifiques et l'établissement de partenariats interdisciplinaires à grande échelle. Nous avons des préoccupations de cet ordre : comment peut-on intégrer la formation en science et en ingénierie et un agenda de recherche collaborative ? Quels sont les modèles que le panel a identifiés pour la collaboration Nord-Sud et les partenariats Sud–Sud ? Quel rôle l'UNESCO est-il mieux à même de jouer ?

Des idées particulièrement originales ont-elles émergé de cette première réunion ?

L'effacement des frontières entre les diverses branches de la science et de l'ingénierie, et l'importance de l'intégration des sciences pures avec les sciences sociales dès l'entame de l'élaboration d'un projet.

Pour ce qui est des idées émergentes en sciences, nous avons également discuté de la question de la science à forte intensité de données aussi appelée quatrième paradigme de la science.

Le premier paradigme étant la science empirique qui existe depuis des temps immémoriaux, suivi par la science théorique, avant le passage aux simulations sur ordinateur. Aujourd'hui la science doit interroger d'énormes bases de données pour découvrir les vérités. Ce nouveau paradigme nécessite des modifications culturelles et épistémologiques fascinantes en science.

Atta-ur-Rahman by ARY-News-Pakistan

L'ancien ministre pakistanais de la science, Atta-ur-Rahman, est membre du panel

ARY News Pakistan

L'UNESCO mène de nombreuses activités de renforcement des capacités dans le monde en développement. Par conséquent, nous devons rester au cœur des choses à mesure qu'elles se transforment pour aider nos Etats membres, et maintenir une longueur d'avance à mesure que la science connaît des mutations rapides.

Par le passé, vous avez évoqué l'importance de la recherche sur les catastrophes, ce sujet a-t-il fait partie des débats ?

Les catastrophes naturelles et les changements climatiques ont occupé une grande place dans les débats. J'ai brossé pour le panel un aperçu général de certaines des initiatives thématiques transversales sur lesquelles nous travaillons, y compris les catastrophes naturelles. Nous renforçons nos efforts, surtout dans le domaine des catastrophes liées à l'eau comme les inondations et les sécheresses, depuis que j'ai rejoint le panel [en juillet 2010]. Pour nous, la recherche sur les catastrophes est un domaine prioritaire, tout comme la biodiversité, et nous avons également lancé une nouvelle initiative UNESCO dans le domaine de l'ingénierie.

En quoi consiste cette initiative?

Nous essayons de renforcer l'ingénierie à l'UNESCO en mettant l'accent sur des collaborations avec les universités et en développant les capacités de recherche.

Pour nous, l'ingénierie est une priorité stratégique. Au fil des décennies, l'attention que nous portons à l'ingénierie a varié. Les Etats membres, surtout ceux du monde en développement, et particulièrement ceux d'Afrique, nous ont exhortés à mettre davantage l'accent sur l'ingénierie.

Nous insistons sur la formation en ingénierie, et en science plus généralement. Nous jouissons de gros avantages parce qu'à l'UNESCO, l'éducation, les sciences naturelles et les sciences sociales sont toutes regroupées sous une seule organisation.

Je voudrais intensifier davantage notre travail sur les programmes scientifiques et d'ingénierie. Ainsi, nous avons établi des partenariats avec le CERN [l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire] sur l'enseignement de la physique dans le secondaire et les librairies numériques, ainsi qu'avec le groupe d'édition Nature sur l'accès libre au matériel pédagogique au niveau du premier cycle universitaire, dans un premier temps dans le domaine des sciences biologiques.

Sans préjuger de la teneur des recommandations du panel, comment seront-elles financées ?

La plupart des activités sont incluses dans notre programme financier biennal qui sera transmis à nos organes directeurs au cours des tout prochains mois.

Nous enregistrons aussi un franc succès dans la collecte des contributions extrabudgétaires. Il pourrait s'agir de contributions budgétaires supplémentaires volontaires de nos Etats membres, ou de nos partenaires industriels, des fondations, etc.

Nous avons besoin de cet appui supplémentaire pour nous renforcer et nous déployer dans d'autres domaines. Nous pouvons accomplir de nombreuses choses avec notre budget ordinaire, mais cet appui extrabudgétaire est d'une grande utilité.

Quelles sont les parties du monde en développement qui bénéficieront de la plus haute priorité ?

L'Afrique est notre région prioritaire. Par exemple, nous mettons un accent particulier sur ce continent dans notre Programme hydrologique international. L'an passé, nous avons œuvré avec les Etats membres pour susciter la création d'un certain nombre de nouveaux centres de recherche interdisciplinaires dans cette région. Ainsi, il en existe un au Soudan sur la récupération des eaux de pluie et un autre sur les ressources en eaux souterraines au Kenya, qui se joindront tous à une famille de centres affiliés à l'UNESCO et mis en réseau à travers le monde.

Kenyan schoolchildren by Flickr/sharonpe

L'UNESCO met plus d'accent sur l'enseignement des sciences

Flickr/sharonpe

La Commission océanographique intergouvernementale a également renforcé ses activités en Afrique, y compris dans le cadre de son travail sur les questions côtières et avec la création d'un nouveau poste de travail à Nairobi. Et le programme l'Homme et la biosphère a renforcé ses activités ciblant les réserves de biosphère sur le continent.

Quel est selon vous la principale difficulté lorsqu'il s'agit d'encourager les pays africains à soutenir la science, et notamment la science interdisciplinaire ?

En général, les Etats membres sont d'un grand soutien pour notre travail interdisciplinaire. Pour ce qui est de l'Afrique, nous avons déjà beaucoup œuvré sur les questions liées aux inondations au Bénin et sur les récentes inondations en Namibie. Le renforcement des capacités en sciences et en ingénierie est perçu par les Etats membres comme revêtant d'une importance capitale pour le développement durable de l'Afrique et la croissance économique.

Comment convaincre alors les ministères des finances à soutenir de tels projets ?

C'est une excellente question. Nous avons des liens très étroits avec les ministères de la science et de la technologie, ainsi qu'avec les ministères de l'eau parce que l'eau constitue l'un de nos points forts. Nous reconnaissons la nécessité pour le reste du gouvernement, et particulièrement les ministères des finances, de mieux comprendre l'importance du financement de la science pour l'économie, c'est pourquoi nous essayons d'organiser des événements, par exemple, susceptibles d'impliquer le ministère des finances. Il est également important de sensibiliser les commissions scientifiques parlementaires.

Nous travaillons en collaboration avec l'Union africaine qui est notre partenaire principal, ainsi qu'avec la Banque africaine de développement et la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique, sur l'organisation d'une grande conférence sur la STI pour l'Afrique.

L'objectif poursuivi est de réunir des personnes issues de divers ministères, en plus du secteur privé et des universitaires, pour discuter des approches stratégiques globales de renforcement de la science et de l'ingénierie pour le développement du continent. Et la question fondamentale sera d'établir des liens entre les ministères des finances et les ministères chargés des questions de développement.

Quel est selon vous le principal changement d'orientation intervenu depuis votre prise de fonction, ainsi que celle de la nouvelle directrice générale ?

Je dirais que nous tirons mieux profit des avantages stratégiques de l'UNESCO.  Comme beaucoup d'autres grandes organisations, l'UNESCO souffre beaucoup de la 'silo-isolation' [chacun fait ce qu'il peut dans son coin], il est donc important d'essayer de travailler avec plus d'efficacité dans tous les domaines d'action de l'UNESCO. Dans le secteur scientifique, nous mettons principalement l'accent sur le travail dans toutes nos divisions et unités.

Lien vers la liste des participants à la réunion de septembre 2011 [40kB]

Les Questions-Réponses sont éditées pour leur longueur et leur clarté.