16/10/17

Deux mois seulement pour dégrader les déchets plastiques

Plastic waste
Crédit image: Sorapop

Lecture rapide

  • Une étude a identifié un champignon qui peut dégrader du plastique en deux mois
  • Les essais se poursuivent encore en vue de l’industrialisation de cette découverte
  • 6,3 milliards de tonnes de déchets plastiques encombrent l’environnement mondial

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Dans une étude publiée par la revue Environmental Pollution, des chercheurs annoncent avoir isolé un type de champignon qui dégrade rapidement les matières plastiques, en particulier le polyuréthanne (PU), dans les dépôts d’ordures.
 
L'étude, issue d'une collaboration entre des chercheurs du World Agroforestry Centre (ICRAF) et du Kunming Institute of Botany, a montré que le champignon Aspergillus Tubingensis peut décomposer le plastique non biodégradable en quelques semaines en sécrétant des enzymes qui séparent les molécules individuelles.
 
Les tests effectués dans le cadre des recherches ont montré qu'après "deux mois en milieu liquide, le film de PU a été totalement dégradé en plus petits morceaux", peut-on lire dans le résumé de l’étude.
 
Le champignon responsable de cette biodégradation, Aspergillus tubingensis, a été découvert sur des échantillons de sol recueillis sur un lieu d’enfouissement d’ordures au Pakistan. Et sa capacité de dégradation du plastique a été testée de trois façons.
 
Au terme de ces tests, les chercheurs ont constaté que "la biodégradation du PU était plus élevée lorsque la méthode de culture sur plaque était utilisée, suivie de la méthode de culture en milieu liquide et enfin de la technique d'enfouissement dans le sol".
 
Interrogé par SciDev.Net, Sehroon Khan, le principal auteur de l’étude, explique que "ce champignon parvient à dégrader le plastique en raison de sa capacité à sécréter des enzymes qui peuvent attaquer les liaisons polyester et aliphatiques dans les plastiques, permettant ainsi de les dégrader."
 
Mais, ajoute-t-il, "nous avons ajouté une source de carbone avant que le champignon n'attaque le plastique. Cette source de carbone aide le champignon dans sa croissance initiale ; et plus tard il a suffisamment d'énergie pour attaquer le plastique".
 
L’évaluation des capacités de dégradation de ce champignon n’est cependant pas encore terminée.
 
Aussi les chercheurs ne peuvent-ils pas encore déterminer le temps qu’il faut à ce champignon pour dégrader par exemple une bouteille ayant contenu des boissons, l’un des principaux constituants des déchets plastiques en Afrique.
 
"Il existe différents types de plastiques et la plupart des bouteilles d'eau sont en polyéthylène, un matériau qui est encore en cours d'expérimentation. Nous espérons que nous publierons bientôt les résultats de ces expériences", fait remarquer Sehroon Khan.
 
"Toutes ces études sont concluantes au niveau des laboratoires ; mais dans une utilisation réelle, il y a malheureusement des limites", relève Adams Tidjani, professeur de physique nucléaire et de physico-chimie des polymères à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal), par ailleurs fondateur de l’Institut des métiers de l’environnement et de la métrologie (IMEM).
 
"Mais, c’est un résultat intéressant ; il faut continuer, je suis sûr qu’on trouvera une solution qui marchera sur le terrain", poursuit-il.
 

6,3 milliards de tonnes de déchets dans le monde

 
Didier Yimkoua, militant écologiste camerounais, se félicite aussi de cette avancée. Mais, il ne s’attend pas à ce qu’elle crée une révolution véritable dans la résorption de ce que les environnementalistes appellent "le péril plastique".
 
Il s’appuie sur les données d’une autre étude publiée en juillet 2017 dans la revue Science Advances. Cette étude soutient qu’en 2015, 400 millions de tonnes de plastiques ont été produites dans le monde et qu'à ce jour, 9% seulement de déchets plastiques sont recyclés, 12% incinérés, et 79% rejetés dans la nature.
 
Puis, il conclut : "Seuls les plastiques biodégradables sont susceptibles d’être détruits par les champignons. Or, on évalue à 1% la proportion des matières plastiques biodégradables. Fort de cela, le fameux champignon va accélérer la dégradation de 1% de ces déchets, chacun peut tirer sa conclusion sur son impact sur la protection de l’environnement."
 
Pour lui, cela ne représente pas grand-chose au regard de la grande quantité de matières plastiques qui polluent l’environnement à travers le monde.
 
L’étude publiée par Sciences Advances révèle en effet qu’à ce jour, ce sont quelque 8,3 milliards de tonnes de matières plastiques qui ont été générées par l’activité humaine, dont 6,3 milliards de tonnes de déchets qui mettent souvent plusieurs décennies ou siècles pour se dégrader.
 
Dans les pays d’Afrique subsaharienne, cette pollution s’observe en particulier à travers les sachets en plastique et les bouteilles de conditionnement de boissons (sodas, jus de fruit, eau minérale, etc.).
 

Conséquences

 
Au Sénégal, confie Adams Tidjani, "ce sont surtout les déchets des sachets plastiques qui posent problème. D’après des études, 5.000 sachets plastiques sont jetés tous les jours dans la nature. Au bout d’une année, on peut mesurer l’ampleur…"
 
Au Cameroun, "les cours d’eau à Douala et Yaoundé sont de véritables dépotoirs de bouteilles plastiques vides", rapporte Didier Yimkoua.
 
Une situation qui n’est pas sans conséquences : "Ces sachets entraînent une perte importante de la biodiversité", relève Adams Tidjani.
 
Et Didier Yimkoua de renchérir : "Abandonnés dans les caniveaux, ils sont la cause principale des inondations en milieu urbain après de fortes précipitations dans nos villes".
 
"Enfouis dans les sols, ils réduisent la capacité de productivité de ceux-ci et aggravent l’insécurité alimentaire", poursuit-il.
 
Et il conclut : "Dans le nord du Cameroun, bien des bêtes sont mortes après avoir avalé les léda, nom local donné aux emballages plastiques volatiles".
 
Mais, avant que l’environnement ne profite pleinement de la découverte du champignon Aspergillus tubingensis, "il nous faut industrialiser le processus ; nous travaillons maintenant sur la biodégradation à grande échelle pour industrialiser cette dégradation du plastique", confie l’auteur principal de l’étude, Sehroon Khan.