22/06/16

Une étude permet de mieux comprendre la malnutrition

Malnutrition
Crédit image: Flikr / trust.org

Lecture rapide

  • La malnutrition chez l’enfant résulte de la disparition de sa flore digestive
  • La restauration de cette flore passe par une augmentation de la dose d’antioxydants
  • Une transplantation de la flore digestive est conseillée dans les cas les plus sévères

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Une récente étude recommande d’augmenter la dose d’antioxydants dans l’alimentation des enfants souffrant de malnutrition et même de pratiquer une transplantation de la flore digestive dans les cas les plus sévères de cette maladie.
 
En comparant la flore digestive d’enfants souffrant de malnutrition à celle d’enfants en bonne santé, les chercheurs qui ont travaillé au Sénégal et au Niger ont constaté que la présence d’oxygène dans le tube digestif, appelée stress oxydant, provoque une altération de la flore digestive chez les enfants malnutris.
 
Publiée le 17 mai 2016 dans la revue Scientific Reports, l’étude démontre que l’oxydation de l’environnement digestif chez les enfants malnutris entraîne une diminution du nombre des microbes qui assurent la bonne digestion des aliments, d’après le Français Matthieu Million, principal auteur de l’étude. 
 

“Les deux étapes les plus importantes de la digestion bactérienne chez un homme sont la fermentation et la méthanogenèse. Nous pensons que ces deux étapes sont complètement perdues chez les enfants malnutris. Et ils ne seront pas capables de tirer l’énergie des aliments tant que leur flore digestive ne sera pas restaurée”

Matthieu Million
Chercheur

 
L’étude a été menée par une équipe internationale de chercheurs coordonnée par l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection, basée à Marseille (France) et dirigée par Didier Raoult.
 
Pour arriver à ces résultats, explique Matthieu Million, "nous avons reproduit la digestion bactérienne dans un tube à essai in vitro. Sans antioxydants, l’amidon n’est pas digéré; mais quand on y a rajouté les antioxydants, les bactéries anaérobies ont digéré l’amidon et cela a produit du méthane, un gaz intestinal évacué par l’anus (pet) qui témoigne de la digestion complète des aliments".
 
Selon ce chercheur, les deux étapes les plus importantes de la digestion bactérienne chez un homme sont la fermentation et la méthanogenèse.
 
"Nous pensons que ces deux étapes sont complètement perdues chez les enfants malnutris. Et ils ne seront pas capables de tirer l’énergie des aliments tant que leur flore digestive ne sera pas restaurée", ajoute-t-il.
 
A en croire les chercheurs, l’altération de la flore digestive occasionne aussi chez les enfants souffrant de malnutrition une prolifération de bactéries comme les salmonelles, les staphylocoques et les streptocoques qui sont responsables de plusieurs maladies.
 
Face à une malnutrition aiguë sévère, un traitement à domicile, basé sur l’aliment thérapeutique prêt à l’emploi (Ready-to-use therapeutic food), a été proposé par l’OMS depuis quelques années.
 

Transplantation

 
Cet aliment, riche en antioxydants, a permis d’améliorer très significativement le pronostic vital des enfants, selon les chercheurs qui pensent néanmoins que le risque de la maldigestion peut faire perdre la vie à l’enfant.
 
"Nous proposons que l’on augmente la dose et le nombre d’antioxydants. Dans les cas les plus sévères, il y a des enfants qui, même avec une renutrition adaptée, meurent quand même. Nous pensons qu’ils ont perdu la flore digestive anaérobie. Pour pouvoir guérir ces enfants, il va falloir pratiquer une transplantation de flore afin de leur donner la flore qui leur manque", suggère Didier Raoult.
 
L'on apprend que cette technique est déjà pratiquée en France et aux Etats-Unis chez les personnes âgées souffrant de certaines maladies.
 
Pour Natacha Nouwakpo, pédiatre à l’hôpital de zone de Djidja (Bénin), cette étude "intéressante" offre de nouvelles données pour mieux comprendre la physiopathologie de la malnutrition aiguë sévère.
 
Elle ajoute qu’elle peut aussi permettre d’améliorer la prise en charge thérapeutique car, dit-elle, les actions de lutte doivent s’orienter vers la prévention primaire de la maladie.
 
"La malnutrition aiguë sévère est toujours un problème chez nous avec une mortalité élevée. La lutte consiste en des actions secondaires et tertiaires. Il faudrait songer à la prévention primaire", explique-t-elle.
 
Selon l’OMS, la malnutrition aiguë sévère touche 29 millions d’enfants de moins de cinq ans dans le monde et tue environ 3 millions d’enfants chaque année.