12/04/10

L’énergie pour tous, une approche coordonnée

Près de 2,5 milliards de personnes dépendent pour le combustible de la biomasse traditionnelle comme le bois Crédit image: flickr/United Nations

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Pour Kandeh Yumkella et Morgan Bazilian, l’accès universel aux services énergétiques est techniquement réalisable, à condition d’adopter de nouvelles approches.

Selon l’Agence internationale de l’Energie, près de 1,5 milliard de personnes dans le monde en développement sont sans accès à l’électricité alors qu’environ 2,5 milliards de personnes dépendent pour le combustible de la biomasse traditionnelle comme le bois.

L’absence d’accès à des services énergétiques abordables, propres et fiables entrave le développement humain, social et économique et constitue un obstacle majeur à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement.

Mais aujourd’hui les efforts déployés pour combler ce ‘déficit énergétique’ sont insuffisants tant dans leur échelle que dans leur portée. Si les pratiques courantes perdurent, le nombre absolu de personnes sans accès aux services énergétiques modernes ne baissera pas dans les prochaines décennies. Cela serait un résultat inacceptable.

Les obstacles à l’accès à l’énergie ne sont pas techniques — nous savons comment construire des réseaux électriques, concevoir de bons fourneaux de cuisine et répondre efficacement à la demande d’énergie.

Ce dont nous avons besoin, c’est un engagement mondial faisant de l’accès à l’énergie une priorité essentielle dans la conception des programmes politiques et de développement.

Tout aussi important, les interventions devront être guidées par une prise de conscience des situations spécifiques et des besoins particuliers des communautés locales.

Il faut mettre l’accent sur le fait que l’accès universel à l’énergie présente une nouvelle opportunité de marché – et que ce marché a besoin d’un soutien solide pour prospérer.

Les activités en cours peuvent servir de base

Plusieurs programmes, à l’instar de ceux élaborés par les institutions financières internationales, les agences des Nations unies, les organisations non gouvernementales ou les entreprises du secteur privé, commencent à soutenir les efforts visant à développer l’accès à l’énergie sur, ces bases.

La Campagne pour Illuminer un Milliard de Vies humaines dans le Bengale occidental, qui se fixe pour objectif de remplacer les lampes à pétrole par des lanternes solaires dans les milieux ruraux, en est une bonne illustration. Cette initiative, menée par l’Institut de l’Energie et des Ressources en Inde, confirme les possibilités de mobiliser la participation de l’industrie au service développement.

Au nombre des autres grandes campagnes figure Eclairer l’Afrique (en anglais, Lighting Africa), une initiative du Groupe de la Banque mondiale qui vise à fournir à près de 250 millions de personnes en Afrique sub-saharienne l’accès à un éclairage et à une énergie abordables, sûrs et fiables, d’ici 2030.

Et l’Action Energie Pauvreté (Energy Poverty Action), une initiative conjointe du World Business Council for Sustainable Development, du Conseil mondial de l’Energie et du Forum économique mondial, dont l’objectif est de démontrer des approches axées sur des pistes commerciales pour la fourniture de l’énergie moderne au profit des collectivités.

Des solutions financières novatrices comme celles utilisées par Grameen Shakti et SELCO au Bangladesh sont également de bons exemples à suivre, même s’il faudrait les amplifier de façon considérable.

Il est toutefois essentiel pour la distribution que ces programmes soient bien alignés sur les politiques nationales et viennent les appuyer. Un récent rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a recensé 68 pays en développement qui se sont dotés d’objectifs en matière d’accès à l’électricité. Pour les atteindre, ils devront renforcer leurs capacités, améliorer les structures de réglementation et de gouvernance et, surtout, bénéficier d’un appui financier.

Ceux d’entre nous qui travaillent dans les organisations internationales doivent soutenir le développement et la mise en œuvre de ces plans et objectifs nationaux et régionaux.

La question du financement

Les incidences financières de l’accès universel à l’énergie sont importantes. Elles ne sont pourtant pas rédhibitoires si on les considère dans le contexte des avantages énormes que cet accès est susceptible d’engendrer. L’Agence internationale de l’Energie estime ainsi que pour garantir l’accès universel à l’électricité, il faudrait environ US$ 800 milliards au cours des deux prochaines décennies – soit près de US$ 40 milliards chaque année, chiffre qui représente dix pour cent du total des investissements annuels dans le secteur de l’énergie.

Estimer les besoins d’investissements pour un passage à des combustibles modernes, où des questions comme le choix de combustible, la culture locale, et les questions de genre viennent s’immiscer, est plus difficile. Ici, une série de mécanismes financiers capables de prendre en compte une panoplie de risques – qu’ils soient réels ou perçus – sera nécessaire.

En somme, quand on considère l’électricité et les combustibles modernes, il existe des exigences et des environnements variés et complexes en matière d’investissement.

La mise à l’œuvre de l’énergie

Développer l’accès à l’énergie ne consiste pas simplement en la fourniture de l’éclairage ou de meilleurs fourneaux de cuisine. En effet, afin de promouvoir le développement et la croissance économiques, les services énergétiques doivent également œuvrer pour la création de richesses – en fournissant de l’énergie pour les entreprises, en améliorant les soins de santé, l’éducation et les transports.

L’expérience a montré à maintes reprises que des programmes de subvention inefficaces ne peuvent être maintenus sur le long terme et ne répondent pas efficacement à ces questions. Ainsi, la fourniture gratuite de l’électricité aux agriculteurs dans certains États de l’Inde a conduit à d’énormes déficits publics, tout en encourageant une irrigation inefficiente, d’une part, et contribuant au manque de financement pour améliorer l’électrification, moderniser les centrales électriques et améliorer les réseaux électriques, d’autre part.

Si de bonnes politiques réglementaires et tarifaires sont essentielles, les gouvernements devraient d’abord mettre l’accent sur la création d’une infrastructure habilitante, le renforcement des capacités humaines et institutionnelles, l’incitation des services publics et du secteur privé à apporter l’électrification en milieu rural, et la création de conditions propices pour des investissements à long terme.
  
Une nouvelle orientation

L’Organisation des Nations unies pour le Développement industriel (ONUDI), en collaboration avec nos partenaires, a accordé la priorité à l’accès à l’énergie lors de notre conférence sur l’énergie, organisée à Vienne l’an dernier, en soulignant la nécessité d’accorder une plus grande reconnaissance internationale à la question de l’accès, et l’utilité de développer un cadre international solide qui exprime clairement un objectif d’accès à l’énergie.

Une telle approche doit être complétée par une feuille de route détaillant la mise en œuvre, et par des mécanismes visant à accroître les investissements en matière d’accès à l’énergie et renforcer les capacités des pays dans les secteurs politique, public, technologique, financier et opérationnel.

Comme l’a reconnu en 2007 le Forum des Ministres de l’Énergie en Afrique, l’atteinte de tels objectifs signifie "remplacer des listes de souhaits de projets existants par des projets réalisables et finançables, élaborer des politiques réglementaires qui améliorent l’attractivité des investissements, et créer des institutions au rôle clair et suffisamment dotées".

La reconnaissance de l’importance de l’accès universel à l’énergie gagne rapidement du terrain. Nous devons construire sur ce consensus, afin de tirer parti des modèles efficaces actuels et créer de nouvelles voies capables de concrétiser les énormes possibilités qui s’offrent aujourd’hui à nous.

Kandeh Yumkella est Directeur général de l’Organisation des Nations unies pour le Développement industriel (ONUDI).

Morgan Bazilian est conseiller spécial du Directeur général de l’ONUDI en matière d’énergie et de changements climatiques.

Cet article d’opinion est fondé sur un papier publié dans Making It : Industry for Development