22/09/10

L’élément humain doit être au coeur de la diplomatie scientifique

Les efforts de la diplomatie scientifique doivent encourager les échanges entre scientifiques Crédit image: Martin Marion

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Les partenariats scientifiques pour le développement et la diplomatie doivent placer les scientifiques au coeur de leur engagement, selon Ali Douraghy, spécialiste de la diplomatie scientifique.

La communauté scientifique a contribué à faciliter le dialogue américano-soviétique à l'époque des tensions géopolitiques de la guerre froide au cours de la seconde moitié du siècle dernier. Aujourd'hui, alors que le paysage politique a changé, les États-Unis se tournent de nouveau vers la science pour le développement et la diplomatie.

Dans un discours historique prononcé au Caire, en Egypte, l'été dernier, le président américain, Barack Obama, s'est engagé à mettre sur pied une série d'initiatives scientifiques et technologiques pour la promotion de relations pacifiques avec les communautés musulmanes.

La réponse du monde arabe et islamique en général au discours d'Obama a été extrêmement positive. D'Abu Dhabi à Rabat, les populations ont été encouragées à imaginer un avenir meilleur engagé dans la création de nouveaux emplois, la garantie de la sécurité alimentaire et de l'eau, et de meilleures relations avec les États-Unis.

Depuis lors, de nombreuses mesures ont été prises pour faire avancer la 'diplomatie scientifique'. Les départements de la science et de la technologie au Département d'Etat américain et l'Agence américaine pour le développement international bénéficient d'un soutien sans précédent. Et les trois premiers émissaires scientifiques américains sont revenus des visites effectuées dans des pays à majorité musulmane avec des perspectives d'immense potentiel et une demande très forte de collaboration scientifique. L'annonce d'un plus grand nombre d'envoyés est imminente.

Mais on ne peut parvenir à de véritables changements que par la voie de résultats concrets qui ont une incidence sur la vie quotidienne de millions de personnes.

Alors que les dialogues à haut niveau gouvernemental ouvrent indubitablement des voies de communication et façonnent le cadre pour un engagement, il ne s'agit que de la première étape dans la constitution de partenariats scientifiques qui conduiront à des développements concrets et des résultats diplomatiques.

Il est urgent de passer à la phase suivante , celle de la coopération scientifique, qui doit prendre racine à des niveaux plus profonds et plus étendus au sein des sociétés islamiques, et des autres.

Mettre l'accent sur l'élément humain

Le défi consiste à placer l'élément humain — les scientifiques et les chercheurs – au coeur de l'engagement.

Les questions les plus urgentes, telles que les changements climatiques, l'eau potable et les énergies renouvelables ignorent les frontières politiques. L'intensification des  échanges entre chercheurs à l'échelle internationale destinés à relever ces défis communs est une nécessité – non seulement pour les relations entre les Etats-Unis et le monde islamique, mais pour tous les pays.

En partie, cela signifie mettre sur pied des initiatives qui conduisent des experts américains dans les pays en développement pour former les scientifiques locaux. Par exemple, l'Atelier régional de formation en Afrique de l'Est – conjointement financé par des institutions basées aux États-Unis et en Tanzanie — ou le Whitaker International Scholars and Fellows Program, qui fournit aux ingénieurs biomédicaux le financement pour réaliser des projets de recherche à l'étranger.

Offrir plus de possibilités d'emploi aux enseignants et aux étudiants de troisième cycle américains     pour enseigner ou diriger la recherche dans d'autres pays favorisera l'émeregence d'une nouvelle classe de 'diplomates scientifiques'.

Mais s'il est important d'ouvrir les frontières et faire davantage voyager les scientifiques américains, il est également important de les garder ouvertes pour laisser entrer les scientifiques étrangers.

Pour ces scientifiques, assurer un contact étroit et continu avec des collègues aux États-Unis pourrait leur conférer de la crédibilité, non seulement dans leurs domaines d'expertise, mais sur d'autres questions d'importance régionale et nationale. Et ces scientifiques peuvent être des reels ambassadeurs dans leur pays d'origine – en communiquant avec des centaines d'étudiants chaque jour.

Les programmes tels que le National Science Foundation's International Research Fellowship qui permet a des scientifiques et des ingénieurs en début de carrière de bénéficier aux Etats-Unis d' une formation de pointe — participent à la stratégie de renforcement des capacités scientifiques à l'étranger.

Mais les conditions restrictives d'obtention de visa constituent un obstacle majeur à la multiplication de telles initiatives. En effet, les chercheurs se voient régulièrement refuser l'autorisation d'assister à des conférences aux États-Unis et les étudiants diplômés les plus performants – confrontés au démarrage de leur programme de doctorat avec  un visa pour un seul séjour – se tournent de plus en plus vers des universités canadiennes et d'autres pays pour poursuivre leurs études.

Les agences de protection des frontières des États-Unis doivent trouver un équilibre plus approprié entre la sécurité nationale et l'accroissement de l'accès aux scientifiques. Les deux font partie intégrante de cette politique de sécurité nationale.

Nouvelles collaborations

D'autres possibilités peuvent être explorées pour améliorer la collaboration. Les conférences internationales, par exemple, pourraient permettre de sceller des partenariats grace à des séances laissant plus de place à des débats improvisés plutot qu'à des conversations trop structurées. Des forums pourraient identifier des mécanismes de financement permettant de poursuivre les collaborations au-delà de la période des conférences.

Les diaspora – comme la Fondation algéro-américaine pour la culture, l'éducation, la science et la technologie dont l'objectif est de "promouvoir les progrès dans les relations bilatérales" — pourraient également s'avérer indispensables pour s'assurer que les besoins locaux et les réalités sur le terrain sont pris en compte dans le cadre des nouvelles initiatives pronées par les Etats-Unis.

La réintroduction d'attachés scientifiques dans les ambassades américaines pourrait contribuer à susciter de nouvelles collaborations bilatérales et renforcer les activités actuelles. Prenons, par exemple, le rôle que les attachés scientifiques ont joué dans les explorations bilatérales de l'espace et du désert au cours des années 1970 – en connaissant bien les communautés scientifiques des deux côtés, un attaché scientifique peut coordonner un dialogue plus efficace sur les ressources disponibles.

Les milieux scientifiques à travers le monde doivent oeuvrer ensemble pour la creation de nouvelles initiatives et revoir les instruments existants qui permettront de poursuivre la collaboration et les échanges entre scientifiques.

Ces partenariats sont essentiels pour parvenir à un veritable développement et à des résultats diplomatiques qui imprègnent la vie quotidienne de millions de personnes. La collaboration scientifique internationale doit se renforcer, avant que l'élan généré par la diplomatie scientifique ne faiblisse et que les sciences internationales ne soient incapables de tenir leurs promesses.

Ali Douraghy est un membre de Politiques scientifiques et technologiques 2010-11 de l'AAAS.