04/03/09

Quel rôle peut jouer l’enseignement supérieur dans le développement ?

L’enseignement supérieur peut contribuer à la formation des compétences à leur encadrement permanent Crédit image: Flickr/mark.taber

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Dans le cadre du retour de l’enseignement supérieur dans le programme de l’aide au développement, SciDev.Net passe en revue les réussites, les défis à relever et les leçons à tirer.

Quiconque veut aborder les problèmes auxquels le monde en développement fait face doit avoir à l’esprit deux réalités.

Premièrement, aucun de ces problèmes – qui vont des pénuries alimentaires et de la propagation des maladies à la réalisation d’une croissance économique durable – ne peut etre examiné sans faire appel à la science et à la technologie.

Deuxièmement, l’’application de la science en matière de développement dépend des compétences des habitants d’un pays. Elle requiert à son tour l’existence d’un système d’enseignement supérieur solide et efficace – le seul mécanisme qui puisse produire et seconder ces compétences.

Cependant, dans un passé récent, de nombreux gouvernements ont préféré ignorer cette information capitale. Peu de pays en développement mentionnent les sciences ou l’enseignement supérieur dans leurs Plans de stratégie de réduction de la pauvreté – les documents qui orientent les bailleurs de fonds, et d’autres intervenants sur les priorités d’un pays en matière d’investissements.

Heureusement, pour une multitude de raisons, et probablement grace à la prise de conscience croissante de la nécessité de disposer d’une solide base scientifique locale pour tirer profit de l’économie du savoir mondial – les gouvernements des pays en développement et les organismes qui financent le développement reconnaissent à l’heure actuelle la nécessité de bâtir des systèmes d’enseignement supérieur solides.

L’étape suivante consiste à examiner les voies et les moyens d’atteindre cet objectif : la recherche de l’équilibre approprié entre l’enseignement et la recherche ; comprendre si les besoins sociaux et économiques doivent constituer les priorités de la recherche, ou s’il est nécessaire de passer aussi par la recherche fondamentale complémentaire. Enfin, déterminer les avantages — et les faiblesses – de la concurrence vis à vis des institutions d’enseignement supérieur dans le monde en développement ?

Cette semaine, nous publions une série d’articles qui met en lumière le rôle de l’enseignement supérieur dans l’atteinte des objectifs de développement, depuis le rôle joué par les agences qui octroient de l’aide dans le cadre de l’appui à ce processus, aux opportunités qui se présentent aux décideurs politiques et aux obstacles auxquels ils font face sur le terrain.

L’aide en action

Un article documente détermine le cadre général du débat, résume les changements d’attitudes envers l’enseignement supérieur perçu dorenavant comme un objectif du développement, évoque les initiatives appropriées qui ont été lancées au cours des décennies précédentes et parle des défis auxquels ces initiatives ont fait face.

L’Université Makerere de Kampala, en Ouganda, est citée en exemple pour avoir utilisé avec succès l’appui des bailleurs de fonds et etre devenue l’une des universités les plus productives en Afrique de l’est.

Berit Olsson, l’ancien directeur de l’Agence suédoise d’aide qui a contribué au succès de Makerere a réussi à renforcer les capacités des institutions d’enseignement supérieur en faisant de la science et de la technologie des voies incontournables en matière de développement d’un pays (voir ‘Les bailleurs de fonds doivent financer les conditions essentielles pour la recherche’)

Arlen Hastings, du Groupe d’initiative scientifique basé aux Etats-Unis, cite les défis spécifiques auxquels sont confrontés les pays africains qui veulent emprunter cette voie. Les partenaires étrangers peuvent les aider, mais au final il appartient aux pays africains eux-mêmes de s’engager à le concrétiser, affirme-t-elle (voir ‘Formation scientifique : Si les gouvernements prennent l’initiative, ils seront soutenus’)

Le conseiller spécial pour la science et la technologie du premier ministre jamaïcain, Arnoldo Ventura, déclare également que les universités doivent promouvoir le développement socio-économique, en tissant des liens avec le secteur industriel. Ces liens sont essentiels pour tout pays qui veut tirer profit des fruits de l’innovation basée sur le savoir, affirme-t-il (voir ‘Nécessité d’une réflexion nouvelle sur les infrastructures d’aide à l’innovation’).

Mais ces arguments soulèvent des questions au sujet de l’équilibre approprié entre la recherche orientée vers des objectifs et celle suscitée par la curiosité. Phuong Nga Nguyen, de L’Université nationale du Vietnam, à Hanoi, affirme qu’on ne se donne pas les moyens de pousser très loin lorsqu’on oriente la recherche vers des priorités économiques et commerciales (voir ‘Les moyens de l’université sont menaces par les politiques de gouvernance en matiàre de recherche’). Elle affirme que les universités les plus appréciées dans les pays développés ont bâti leur réputation dans les deux domaines.

Lemuel V. Cacho, un scientifique de l’Université de De La Salle, aux Philippines, pense qu’il est également dangereux de s’en tenir trop étroitement à des priorités de recherche fixées par des organismes étrangers – y compris les organismes d’aide au développement – plutôt que par les chercheurs eux-mêmes (voir ‘La recherche appliquée est en train d’évincer la science guidée par la curiosité’). Ces derniers, dit-il, doivent s’assurer que le financement extérieur contribue à la ,mise en place d’un programme de recherche scientifiquement ambitieux.

Ellen Hazelkorn, doyenne de la Graduate Research School de l’Institut de technologie de Dublin, en Irlande, met l’accent sur un autre danger. Elle déclare qu’un nombre croissant de classements d’universités influents oblige actuellement de nombreuses institutions d’enseignement supérieur à se concentrer de façon excessive sur des activités à score élevé dans les calculs des classements (voir ‘Le  problème du classement des universités’).

L’insistance sur les résultats de la recherche de niveau international, prévient-elle, peut conduire à la dévalorisation d’autres activités telles que l’enseignement et l’assistance sociale. Ces dernières ne sont pas forcément moins importantes dans l’évaluation de l’’influence d’une institution, mais sont plus difficiles à apprécier.

Les leçons apprises

Nous ne prétendons pas présenter ici une liste exhaustive des questions auxquelles sont confrontées soit les personnes chargées de mettre en œuvre des programmes universitaires dans le monde en développement soit les organismes d’aide qui cherchent à les soutenir.

Mais, avec un peu de chance, ces articles, lus en complément de la documentation que nous y joignons, offriront une vue d’ensemble utile de certaines des questions clés qui se posent à l’heure actuelle.

Il y a des signes encourageants d’après lesquels l’enseignement supérieur reprend sa place dans le programme de l’aide au développement. L’année dernière, par exemple, le gouvernement américain a organisé deux conférences au sommet sur l’enseignement supérieur, ce qui aurait été inimaginable il y a dix ans, et la Banque mondiale les imiterait en organisant une réunion semblable vers la fin de cette année.

Les politiques d’enseignement supérieur des pays en développement doivent être appropriées à leurs besoins et à leurs ressources. Personne ne veut répéter l’erreur qui a conduit à négliger l’enseignement supérieur dans la majeure partie du monde en développement. Nous espérons que cet éclairage contribuera à faire en sorte que cette erreur-là ne se reproduise plus.

David Dickson
Directeur de Réseau Sciences et Développement (SciDev.Net)