09/06/14

Former les filles pour susciter des changements

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Crédit image: Flickr/ CGIAR Climate

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La Fondation Rubisadt a lancé au Cameroun une expérience pilote visant à doter les jeunes filles de formations scientifiques solides, pour leur permettre une meilleure insertion dans le tissu social et une participation plus active au développement.

[DOUALA] De derrière les murs d’un bâtiment d’aspect modeste à Bali, un quartier résidentiel de Douala, le centre économique trépidant du Cameroun, émane un bourdonnement régulier et bas.

Cela provient d’une vingtaine de femmes, étudiantes passionnées plongées dans un bain de théorie des sciences et d’exercices pratiques.
 
Il existe une toute petite fraction d’une génération émergente de femmes scientifiques prêtes à se lancer qui espèrent obtenir leur diplôme, ayant suivi un programme d’éducation initié en 2001 par une ONG locale, la Fondation Rubisadt.

Les élus disent que sa genèse était motivée par une indifférence notable concernant l’éducation des sciences et de la technologie de la part des filles au Cameroun.

"Je n’étais pas satisfaite de la manière dont les sciences étaient enseignées", dit Florence Tobo Lobe, créatrice de la fondation et diplômée en doctorat de l’Université de Paris-Sud, France, qui est retournée chez elle au Cameroun à la fin des années 1990 pour trouver ce qu’elle a appelé " des réalités effarantes qui nécessitent des changements urgents."
 
"Les étudiantes mémorisaient des concepts qu’elles ne comprenaient pas", estime Florence Tobo Lobe. "Elles n’avaient pas fait d’exercices pratiques et n’avaient pas d’expérience réelle de ce qu’elles apprenaient."

Elle ajoute que, malgré leurs excellents résultats en école primaire, un nombre alarmant de filles étaient forcées de quitter l’enseignement secondaire à cause de charges financières et de pressions sociales en très fortes hausses.
 
Les chiffres du Fonds des Nations unies pour l’enfance indiquent que, même si elles constituent plus de la moitié de la population, les femmes représentent seulement 4,5 pour cent de la population estudiantine universitaire du pays.

La plupart finissent comme acteurs clés de l’économie informelle florissante du pays, où elles contrôlent plus de 80 pour cent de l’activité.

Florence Tobo Lobe déclare que la tendance camerounaise est représentative de l’Afrique subsaharienne, où les filles sont généralement bloquées dans leur contribution potentielle à la croissance et au développement.

 

Préparé au succès

 

Au cours des douze années qui ont suivi son commencement, la Fondation Rubisadt a méticuleusement préparé son programme.

Celui-ci propose désormais un ensemble d’apprentissage holistique, mélangeant des cours pragmatiques en sciences et en technologie avec des programmes de développement de carrière.

Ces séances ciblent des filles issues de l’enseignement secondaire âgées de 11 à 19 ans, sélectionnées sur la base de leur intérêt et potentiel à exceller en sciences, lors de cours postscolaires supplémentaires.

 

“Nous avons de grands espoirs pour la prochaine génération de filles afin qu’elles deviennent des actrices réelles dans le pays, en Afrique et dans le monde.”

Florence Tobo Lobe, créatrice de la Fondation Fondation Rubisadt

"Avant de créer la fondation, j’ai fait des économies parce que je voulais que le projet soit autosuffisant", affirme Florence Tobo Lobe.

Elle a fondé une équipe de 12 éducateurs spécialisés et leur a appris la méthodologie de la fondation pour conseiller les filles en matière de raisonnement analytique et de résolution de problèmes de manière autonome – des compétences supplémentaires importantes pour le programme d’enseignement secondaire formel du pays.

Les éducateurs guident les étudiantes à travers des expérimentations en laboratoire de petite échelle, et les emmènent en excursions dans des cabinets d’ingénierie, des débats publics et des conférences scientifiques afin de les aider à combler leurs lacunes entre les concepts et la réalité, et compléter l’effort du système d’éducation formel.
 
Bintu Coulibaly, une des étudiantes de la fondation du Mali, déclare : "J’ai pris confiance en moi. Auparavant, j’étais très timide. Mais aujourd’hui, je peux parler partout de sciences et de technologie avec beaucoup d’assurance, parce que j’ai compris ce que j’ai appris. Les sciences ne me sont plus abstraites."

 

Exemples brillants

 
Il y a 300 anciens étudiants officiels, même si l’école a vu jusqu’à 1000 filles participer à certains cours et certaines conférences.

Parmi elles, beaucoup ne se sont pas seulement sorties de la pauvreté ambiante qui piège spécialement les femmes camerounaises, mais elles contribuent également à améliorer les conditions de vie de leurs fratries comme elles trouvent du travail tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Cameroun.
 
D’autres réussissent actuellement dans plusieurs universités et dans l’arène des entreprises à travers le monde.

Parmi elles se trouve Jessie Wamal, diplômée en 2011 qui obtiendra bientôt un diplôme en informatique d’HEC Paris, en France.

Une autre, Judith Joëlle Mbondji, a passé cinq ans à travailler à l’Union africaine, après avoir obtenu une Licence en informatique et un MBA au Kenya.

Elle est revenue au Cameroun en 2011 et consacre une partie de son temps en tant que volontaire comme tutrice à la fondation.
 
"Nous avons de grands espoirs pour la prochaine génération de filles afin qu’elles deviennent des actrices réelles dans le pays, en Afrique et dans le monde", ajoute Florence Lobe. Son succès, selon elle, dépend du choix de ses instructeurs.

"Il s’agit de jeunes et de femmes qui suivent une formation particulière façonnée par Rubisadt selon ses besoins. Ainsi, les enseignants ne viennent pas à l’école seulement pour enseigner, mais également pour construire des relations individuelles avec les enfants et de cette manière ils peuvent identifier leurs problèmes individuels et travailler dans le but de leur donner confiance au fur et à mesure du processus d’apprentissage". Selon elle, "cela fonctionne très bien."
 
Le rêve de Florence Lobe est de développer l’initiative en ouvrant d’autres écoles Rubisadt au Cameroun et à travers l’Afrique, pour aider à sortir de plus en plus de filles de la pauvreté en les valorisant grâce au savoir scientifique et technologique.

Elle affirme qu'au cours de la décennie passée, le modèle de la Fondation Rubisadt s’est avéré réalisable et peut être répliqué partout dans le monde.
 
Les diplômées de Rubisadt ont réalisé des contributions financières régulières pour assurer la durabilité de l’école.

Florence Lobe pense que le nombre grandissant d’anciens élèves implique des donations caritatives plus importantes dans les années à venir. 

"La plupart d’entre elles travaillant actuellement ou continuant leur éducation tant au Cameroun qu’à l’étranger ont exprimé un désir important pour contribuer financièrement, matériellement et même personnellement à nos projets d’ouverture d'institutions similaires à travers l’Afrique, tout en assurant leur durabilité", estime Florence Lobe.

 

Financer le futur

 

L’espace de la Fondation Rubisadt est en train de se doter d’un centre d’accueil pour les filles issues de milieux particulièrement pauvres.

Il fait déjà fonctionner un laboratoire de micro-sciences pour des cours de sciences appliquées basiques, un laboratoire informatique multimédia offrant des possibilités d’apprentissage à distance, une bibliothèque scientifique et des centres médicaux et culturels.

L’ensemble est financé par les frais d’adhésion, ainsi que par le soutien financier de la part de familles, d’amis et de donateurs internationaux.
 
L’UNESCO, par exemple, à travers le projet pilote de parité de TVE Rubisadt-UNESCO, travaille avec la fondation Rubisadt en partenariat avec le gouvernement et les communautés locales pour former les filles et les femmes marginalisées âgées de 15 à 35 ans pour aider à réduire les abandons scolaires prématurés dans les zones rurales. L’objectif est de les aider à développer un esprit entrepreneurial et à être créatives et autonomes, servant des intérêts collectifs tout en améliorant leurs conditions de vie et leur statut social.
 
Mais Florence Lobe dit qu’au niveau de l’intérêt local et mondial pour l’entreprise, la diminution des fonds représente un énorme défi.

Elle espère que de nouveaux modèles de financement vont garantir la durabilité.

"Les gens ont désormais besoin de savoir que cette qualité d’éducation ne peut pas être gratuite", dit-elle, ajoutant qu’au final, on demandera aux étudiantes de payer des frais de scolarité comparativement réduits entre 550 dollars américains et 1000 dollars américains chaque année.

"Ce n’est pas tellement cher si vous comparez aux frais des écoles d’enseignement secondaire", estime-t-elle.
 
David Mbiba, un inspecteur de l’éducation, estime quant à lui que cela en vaut le prix.

"On offre une éducation complète pour nos filles, qui ont pour habitude de rester à l’écart des sciences", explique-t-il.

Le gouvernement camerounais a également apporté son aide et a octroyé à la Fondation l’autorisation d’ouvrir une école classique pour les filles suivant des cours scientifiques, "qui aura une touche Rubisadt spécifique avec une spécialisation en sciences et technologie", affirme Florence Lobe.

C’est actuellement en cours de négociation avec des entreprises locales et des multinationales, en ce qui concerne les fonds de bourses d’études et les garanties d’emplois futurs pour les diplômés.  
 
Ntaryike Divine Jr R est journaliste, correspondant de Voice of America au Cameroun et pigiste pour plusieurs groupes de presse, dont Associated Press, SciDev.Net, Think Africa Press et Africa Report.
Il a été élu Journaliste de l’Année au Cameroun en 2009 et a remporté le prix Best Discovery Story en 2010. En octobre 2012, il a obtenu son diplôme avec mention en coopération journaliste scientifique.