10/10/16

Les langues locales aux programmes scolaires au Cameroun

Classroom in Africa 2
Crédit image: Flickr / Thomas Hemery

Lecture rapide

  • Depuis 2008, quelques écoles pilotes ont expérimenté ce programme avec succès
  • Si l’initiative est unanimement saluée, l’on déplore une insuffisance d’enseignants
  • Un enfant qui maîtrise sa langue est excellent dans les langues officielles

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Cette année scolaire 2016/2017, des centaines de milliers d’élèves au Cameroun auront, en plus des matières habituelles, le cours de langues et cultures nationales.
 
Cette discipline apprend aux élèves à parler et à écrire leurs différentes langues ; mais aussi à se familiariser avec l’art culinaire, les tenues traditionnelles, les danses, les rites, les us et coutumes de chacune des dix régions du pays.
 
La discipline a été introduite dans les programmes scolaires en 2008 par la loi N°98/004 du 4 avril 2008 sur l’orientation de l’éducation au Cameroun. 
 

“Par expérience, un enfant qui connait sa langue, est excellent dans les langues officielles et comprend mieux ce qu’on lui enseigne; parce qu’il réfléchit d’abord dans sa langue”

François Désiré Samnick
Enseignant de langues locales

 
Elle a pour objet, selon l’article 5 alinéa 1 de ladite loi, "la formation de citoyens enracinés dans leur culture, mais ouverts au monde et respectueux de l'intérêt général et du bien commun".
 
Sur le terrain, cette disposition est effective dans les établissements pilotes retenus dans le cadre de la phase expérimentale.
 
Au lycée d’Akwa ou au Lycée de la Cité des palmiers à Douala, c’est avec beaucoup d’enthousiasme que les élèves suivent les cours de langue et cultures camerounaises.
 
Sandrine Fotso est parent d’élèves issus d’un mariage mixte (les deux conjoints n’appartenant pas à la même aire culturelle).
 
"Je suis très heureuse de savoir que mes enfants peuvent apprendre ma langue, celle de leur père ou à défaut, une langue camerounaise à l’école. A la maison, on parle français et quelques mots en ma langue. C’est vraiment compliqué. Ce projet est donc bienvenu ; surtout pour les couples issus de cultures différentes", dit-elle.
 
Grâce aux recherches de la Société internationale de Linguistique (SIL) basée au Cameroun depuis 1969, "on s’est rendu compte que les langues camerounaises ont un alphabet commun mais avec des caractères spécifiques. Donc, en classes de 6ème et 5ème, nous utilisons l’approche par compétence (APC) et à partir de la classe de 4ème, l’enfant choisit l’une des langues retenues pour sa région ou son département", explique Alex Ndjan, enseignant de langues et culture africaines formé à l’Ecole normale supérieure de Yaoundé.
 
Pendant 2 ans donc, les enfants apprennent l’alphabet général des langues camerounaises au cours des leçons qui sont faites dans l’une des deux langues officielles, l’Anglais ou le Français.
 
"En deux ans, un enfant assidu peut parler sa langue s’il fait ses devoirs avec ses parents ou grands-parents à la maison. Parce que dans l’approche par compétence, ce sont les enfants qui font le cours et l’enseignant les oriente", affirme François Désiré Samnick, enseignant de langues Ewondo, Bassa et Duala depuis 1982.
 

Un enseignant pour 450 élèves

 
Ce dernier ajoute que "par expérience, un enfant qui connait sa langue est excellent dans les langues officielles et comprend mieux ce qu’on lui enseigne; parce qu’il réfléchit d’abord dans sa langue".
 
Pourtant, malgré cette volonté de l’Etat camerounais, les étudiants boudent la Faculté des langues et cultures camerounaise créée en 2008 à l’université de Yaoundé I.
 
Conséquence : dans les établissements pilotes, on a une moyenne d’un enseignant pour 450 élèves. Raison pour laquelle la loi ne peut pas encore s’appliquer sur l’étendue du territoire national.
 
En réponse, le gouvernement encourage des initiatives des organisations non gouvernementales, des institutions comme la Francophonie, le CERDOTOLA (Centre international de recherche et de documentation sur les traditions et les langues africaines), l’ELAN (Ecoles et langues nationales) qui œuvrent pour les langues et les cultures.
 
Comme la SIL, ces dernières aident à la formation d’enseignants et d’élèves dans des localités urbaines et rurales. C’est le cas de Christophe Djemna, enseignant de Ghomala’a.
 
"Je n’ai pas été à l’Ecole normale supérieure ; mais je me suis formé à travers des séminaires et aujourd’hui, j’enseigne les langues", confie-t-il.
 
Toute cette dynamique de retour aux sources se justifie selon le point focal d’ELAN Cameroun au ministère de l’Education de base (Mindub) Didier Mbouda, par le fait que : "l’enfant qui commence les 3 premières années de sa scolarisation en langue nationale, s’en sort mieux que celui qui la commence en langue officielle".