25/01/17

Nigeria: La législation anti-gay bloque l’accès aux soins

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Crédit image: Panos

Lecture rapide

  • Un rapport critique la qualité des soins de santé prodigués aux personnes LGBT au Nigeria
  • L'accès aux services médicaux pour les personnes LGBT est presque inexistant au-delà des apports des ONG
  • Queer Alliance Nigeria appelle à un travail d'information auprès du secteur de la santé

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Selon la Fondation Bisi Alimi, du nom du premier Nigérian à avoir publiquement fait part de son homosexualité à la télévision, les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) au Nigeria subissent une discrimination qui entrave leur accès aux soins de santé.
 
Ces entraves concernent notamment les demandes de soin pour les problèmes de santé mentale, négligés par de nombreuses organisations.
 
L'étude, réalisée sur la base d'une enquête en ligne, dont les résultats ont été publiés ce 13 janvier, visait à sensibiliser les populations LGBT du Nigeria à la santé physique et mentale, aux violations des droits de l'homme et aux obstacles aux soins.

“C'est une tentative délibérée des agents pour "moraliser" les soins de santé, en décidant de qui est apte à y avoir accès et qui ne l'est pas.”

Bisi Alimi
Fondateur de la Fondation Bisi Alimi 

 
Les résultats de l'enquête tendent à confirmer une corrélation entre la qualité de victime de discrimination et les problèmes de santé mentale induits dans les communautés LGBT du Nigéria.
 
L'étude montre également que plus les personnes sont victimes d'une forme d'homophobie intériorisée, moins elles éprouvent de la satisfaction dans leur vie personnelle et donc plus leur bien-être mental est affecté.
 
Mais l'accès aux services médicaux pour les personnes LGBT est presque inexistant au-delà de l'aide apportée par les ONG. 
 
Au Nigeria, la loi sur l'interdiction du mariage entre conjoints de même sexe – Same Sex Marriage Prohibition Act (SSMPA) – bannit les partenariats entre conjoints de même sexe et condamnent même le soutien que d'autres personnes pourraient leur apporter. 
 
Selon l'étude, ces lois conribuent à aggraver les difficultés d'accès des personnes LGTB aux soins de santé, en raison de la stigmatisation à laquelle les agents peuvent s'exposer en les traitant.
 
Bisi Alimi, fondateur de la Fondation Bisi Alimi et auteur du rapport, explique à SciDev.Net que le rapport révèle la réalité de l'homophobie au Nigeria. "Il ne s'agit pas seulement de la brutalité et du harcèlement de la police, mais surtout d'une tentative délibérée des agents de "moraliser" les soins de santé, en décidant de qui est apte à y avoir accès et qui ne l'est pas.
 
Le sondage en ligne comprenait 63 questions sur les soins de santé physique et mentale, les perceptions du public et les réactions aux questions d'identité et de genre, le harcèlement et la violence, les expériences de vie quotidienne liées à l'orientation sexuelle, les questions juridiques ainsi que la démographie.
 
Sur 446 LGBT Nigerians qui ont répondu à l'enquête, 44% n'ont pas cherché à recevoir des soins médicaux quand ils avaient un problème de santé physique. 
 
Parallèlement à des raisons d'ordre pratique telles que les heures d'ouverture des centres de santé ou la distance du domicile au centre de santé le plus proche, la plus grande préoccupation exprimée se rapportait au sentiment de ne pouvoir faire confiance aux prestataires de soins de santé.

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Perceptions de la confiance dans le traitement médical – Enquête de la Fondation Bisi Alimi

Parmi les 22% qui ont réclamé des soins médicaux, beaucoup (12%) ont été informés qu'ils étaient responsables de leur condition, certains se sont plaints d'avoir subi des violences verbales de la part de médecins ou d'infirmières (12%) ou même de traitements physiques grossiers (7%). 
 
Le rapport indique que cette série d'expériences négatives est directement liée aux attitudes culturelles engendrées par la législation contre les personnes LGBT et dues à un manque de formation, de supervision et de sensibilisation du personnel soignant.
 
William Rashidi, fondateur et directeur de Queer Alliance Nigeria, une organisation de défense des droits humains, a déclaré à SciDev.Net que ces données "contribuent à … forcer graduellement les décideurs politiques à commencer à considérer le lourd tribut payé à la discrimination sous un nouveau jour".
 
Les chercheurs ne sont pas parvenus à détailler l'impact des lois discriminatoires sur les soins de santé et le bien-être psychologique des gens, estime William Rashidi – l'accent a trop longtemps été mis sur la santé sexuelle et le VIH.
 
Le rapport exhorte les organisations à former et à protéger le personnel de santé, à augmenter le nombre de services répondant à des besoins de santé plus élargis et à étendre les services aux lesbiennes, aux bisexuels, aux transgenres et aux personnes handicapées.
 
Ces actions sont, écrit l'auteur, conformes aux objectifs de développement durable des Nations Unies, visant à réduire les inégalités et à promouvoir l'inclusion sociale, économique et politique.
 
L'auteur demande également aux médias de diffuser des informations plus spécifiques à l'intention des personnes LGBT sur le moment et l'endroit où elles peuvent se faire prodiguer des soins de santé et sur ce qu'il convient de faire en cas d'absence de soins, dans le but de vivre plus confortablement jusqu'à ce que les attitudes changent.
 
Si William Rashidi partage ces recommandations, il appelle cependant à l'action, en particulier dans le secteur de la santé – notamment au niveau des institutions telles que l'Association médicale nigériane, l'Agence nationale pour le contrôle du sida, ainsi qu'auprès des psychiatres et des psychologues.
 
"Les médias ont le pouvoir d'éduquer et de susciter des changements, mais ils ont aussi besoin d'informations de la part du secteur de la santé", affirme-t-il.

"Bien qu'elles ne soient pas parfaites, ces données constituent un bon début pour discuter des problèmes de santé mentale dans le contexte de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre et il était grand temps d'initier ce débat", conclut-il.