27/02/15

Q&R : Le portable pour surveiller le futur scrutin au Nigeria

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Crédit image: Jacob Silberberg / Panos

Lecture rapide

  • La société civile a mis au point une méthode de comptage parallèle des résultats
  • Les observateurs vont envoyer des messages textes sur le vote et ses résultats
  • Cette technique d’observation permettra de prévenir les fraudes et les violences.

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Armsfree Onomo, cadre d’un groupe d’observateurs électoraux décrit le rôle du téléphone portable pour un vote transparent.

Prévues initialement le 14 février, les élections nigérianes, ont été reportées de six semaines par le gouvernement qui a invoqué les problèmes sécuritaires posés par les insurgés du groupe Boko Haram.

Mais, les organisations de la société civile accusent Goodluck Jonathan, le président sortant, d’utiliser les attaques perpétrées par Boko Haram comme prétexte pour arrêter le processus électoral.

Avant cette décision, les sondages d’intention de vote indiquaient que son parti de centre droit, le "Peoples Democratic Party", serait battu par le "All Progressives Congress", parti d‘obédience sociale-démocrate, sous la conduite de Muhammadu Buhari, ancien président qui a été au pouvoir en tant que chef d’une junte militaire.

Le "Transition Monitoring Group" (TMG), fait partie des organisations nigérianes d’observateurs électoraux qui condamnent le report du scrutin.

SciDev.Net s’entretient avec Armsfree Onomo, responsable de la communication de TMG, sur les techniques électorales et le rôle que la technologie mobile peut jouer pour la transparence du scrutin.

Retracez-nous l'historique de TMG au Nigéria?
 

TMG a été fondé en 1998 en tant que coalition d’organisations de la société civile. À cette époque, l’armée conduisait la transition vers un régime civil après plusieurs décennies de dictature.

Les mêmes organisations de la société civile avaient été à l’avant-garde de la lutte contre les régimes militaires successifs.

Il fallait veiller sur le processus démocratique.

Il était tout à fait logique, au moment où la démocratie germait, que les mêmes acteurs qui s’étaient battus pour qu’elle voie le jour, s’engagent à la défendre.

Existe-t-il au Nigéria un mouvement qui œuvre pour des élections plus équitables et crédibles?
 

Oui, surtout depuis les élections générales de 2007 qui ont été marquées par de nombreuses irrégularités et la fraude.

Cette lutte pour des élections plus transparentes a bénéficié du coup de pouce du mouvement "Occupy Nigeria" qui a secoué le pays après la suppression des subventions pétrolières en janvier 2012.

Le système électoral accorde encore trop de pouvoirs au parti qui gouverne dans le choix des personnes chargées de conduire le processus électoral.

Par ailleurs, pour mener toute action, les organes du "Independent National Electoral Commission" (INEC -Commission électorale nationale indépendante du Nigéria, NDLR) doivent attendre qu’un responsable de l’exécutif dont l’appartenance à un bord politique précis ne fait aucun doute, mette des fonds à leur disposition.

Il reste donc encore beaucoup à faire pour garantir un système électoral équitable pour tous les partis.

Outre le TMG, existe-il d'autres organisations de vérification des résultats électoraux?
 

Aucune autre organisation ne dispose des capacités techniques nécessaires pour la vérification des résultats officiels des scrutins au Nigéria.

La méthode de comptage parallèle [en anglais Quick Count Method] a été utilisée pour la première fois par l’INEC en 2011 pour l’observation du scrutin de 2011 et la vérification de ses résultats.

Cette méthode a été utilisée dans l’élection des Gouverneurs dans plusieurs régions.

Qu'est-ce que le comptage parallèle et comment fonctionne-t-il?
 

Le comptage parallèle des résultats ou échantillonnage parallèle des résultats est une méthode scientifique d’observation des élections utilisant des citoyens observateurs neutres déployés dans un échantillon aléatoire de bureaux de vote.

Les observateurs soumettent leurs rapports au moyen de messages textes codés transmis au Centre national d’informations du gouvernement, où les données sont traitées par des statisticiens compétents.

Ces observateurs bien formés observent les opérations électorales le jour du scrutin, en insistant sur des aspects comme l’heure d’arrivée des scrutateurs, la vérification du droit de vote des électeurs, le tri, le comptage et la publication des résultats.

Des observateurs utilisant la méthode de comptage parallèle sont déployés dans  toutes les 74 collectivités décentralisées du Nigéria.

Ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils sont présents dans tous les bureaux de vote.

Quel est l'apport de la technologie mobile dans cette méthode?
 

Le comptage parallèle est le point de rencontre entre la technologie de l’information et la statistique.

Les observateurs citoyens fournissent un échantillon représentatif aléatoire de données.

À partir de cet échantillon, on procède à des estimations du vote que l’on compare ensuite avec les résultats officiels.

La technologie mobile y joue un rôle central. Les observateurs sur le terrain envoient vers le centre de collecte des messages textes codés pour éviter qu’un intrus comprenne ce qui se passe.

Ce qui permet de garantir la sécurité de l’observateur et de transmettre les données de façon claire.

Le comptage parallèle est foncièrement différent des stratégies traditionnelles d’observation électorale où les observateurs ne disposent pas d’instruments de mesure rigoureux.

Sans ces instruments, l’observateur traditionnel risque d’errer de bureau de vote en bureau de vote le jour du scrutin parce qu’aucune rigueur ou précision n’est exigée de sa part.

Par contre, avec le comptage parallèle, les observateurs ne vagabondent pas, ils passent toute la journée dans les seuls bureaux de vote où ils ont été déployés.

Le comptage parallèle a été utilisé pour la première fois aux Philippines en 1986 dans la lutte contre la dictature de Ferdinand Marcos.

Depuis lors, il été largement employé dans plusieurs parties du monde, notamment au Malawi, au Kenya, au Ghana, en Zambie, au Zimbabwe et, plus récemment, à l’occasion des élections générales en Tunisie.

Avez-vous suivi la période préelectorale?
 

Par le passé, le comptage parallèle permettait de voir seulement les pourcentages de suffrages exprimés en faveur des partis politiques, l’heure d’ouverture des bureaux de vote et la vérification du droit de vote des électeurs.

En 2015, nous allons également nous intéresser à la période préélectorale et, le cas échéant, lancer des alertes afin de contribuer à la prévention de la violence.

Nous enverrons des  représentants dans toutes les 74 collectivités territoriales décentralisées pour observer une variété d’activités.

Les observateurs s’appuieront sur une liste de paramètres préélectoraux pour répondre à une série de questions.

Ils transmettront ensuite leurs réponses par messages-textes codés à une base de données, à partir de laquelle l’analyse est faite.

Des suggestions de réforme à long terme seront ensuite formulées.

Jusqu’à présent, les rapports émanant de nos partenaires locaux identifient plusieurs problèmes comme les discours haineux, le vandalisme, les migrations et mouvements de populations, l’achat et la vente des cartes d’électeurs.

Quelle est la principale difficulté à laquelle vous ferez face le jour du scrutin?
 

Coordonner efficacement le déploiement de nos représentants pour qu’ils arrivent à temps dans les bureaux de vote où ils ont été affectés pour observer les opérations.

Leur arrivée tardive créerait de gros problèmes.

À votre avis, le comptage parallèle est-il efficace pour limiter les pratiques de corruption?
 

C’est une méthode efficace puisqu’à travers les observateurs, c’est un deuxième œil qui veille sur le processus électoral.

Les responsables de l’INEC, notamment Attahiru Jega, ont félicité le TMG pour l’introduction de cette stratégie qui, d’après eux, les a poussés à ne pas baisser la garde.

Comment informez-vous le public sur vos activités?

 

Nous utilisons les médias traditionnels et les médias sociaux pour la diffusion de nos messages d’éducation civique.

La radio en particulier a joué un rôle très important dans la communication des messages du TMG à un public varié à travers le pays.

Comment voyez-vous l'avenir du TMG?

 

Nous espérons franchir des étapes encore plus importantes dans l’enracinement de la démocratie au Nigéria.

Il y a encore trop d’impunité dans notre système.

Nous espérons mettre en place un meilleur système électoral afin de garantir le contrôle démocratique d’un bout à l’autre du processus électoral.

Nous souhaitons également renforcer les compétences et parvenir à un niveau où les partenaires locaux de TMG seront assez forts pour reproduire au niveau local ce que nous faisons au niveau régional.

«Les Questions-Réponses sont révisées par souci de clarté et de concision».