28/05/15

Des millions de gens tenus en marge des statistiques

Survey Household data SDG MDG.jpg
Crédit image: Flickr/Biodiversity for Food and Nutrition Project/Michael Goode

Lecture rapide

  • Les enquêtes auprès des ménages ignorent 350 millions de personnes dans le monde
  • Les femmes et les sans domicile fixe sont particulièrement concernés
  • L’absence de données empêche les Etats d’atteindre leurs objectifs de développement

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

Selon les conclusions d’un rapport publié récemment, de trop nombreuses personnes ne sont pas prises en compte par les bases de données utilisées dans les activités de développement, rendant ainsi difficile l’élaboration de politiques adéquates liées aux Objectifs de Développement durable (ODD).

Le rapport du groupe de réflexion Overseas Development Institute (ODI) du Royaume-Uni rappelle que des millions de personnes sont oubliées par les statistiques démographiques dans les pays les plus pauvres, à cause de lacunes dans la collecte des données.

Souvent, les gouvernements de ces pays disposent de ce fait de trop peu d’informations sur la population qu’ils représentent pour accomplir des progrès significatifs vers le développement—notamment les ODD.

"Il y a 15 ans, lorsque les Objectifs du Millénaire pour le Développement ont été définis, tout le monde s’accordait à dire qu’il serait facile de les suivre et de les évaluer", rappelle Shaida Badiee, Directrice générale d’Open Data Watch, une ONG dont le travail consiste à surveiller la qualité des données.
 
"Pourtant, depuis, nous avons constaté que nous ne disposons pas de données fiables pour établir la preuve d’un progrès quelconque", dit-elle.

Selon le rapport, de nombreux pays en développement dépendent encore trop des enquêtes auprès des ménages pour la collecte des données démographiques ; or ces enquêtes sont coûteuses, chronophages et se limitent aux ménages identifiés et identifiables, avertit le rapport.

 

“En vérité, il faut des hommes politiques dotés d'un réel intérêt pour la question des données manquantes voulant consacrer du temps, de l'énergie et des ressources à la recherche de solutions à ce problème.”

Claire Melamed, Directrice du programme croissance, pauvreté et inégalité auprès de l’ODI

Au moins 21 pays d’Afrique subsaharienne n’ont pas réalisé d’enquêtes auprès des ménages depuis 2005, souligne le rapport ; les estimations les plus récentes des niveaux de pauvreté dans ces pays sont donc fondées sur des résultats vieux de dix ans ou plus.
 
Le rapport donne comme exemple le Botswana, où les plus récentes mesures de la pauvreté proviennent d’enquêtes vieilles de plus de vingt ans.

En plus de leur irrégularité, les enquêtes auprès des ménages ne tiennent pas compte d’environ 350 millions de personnes dans le monde, principalement des femmes, des personnes sans domicile fixe ou des personnes vivant dans les régions où les données démographiques sont mal établies.

"Les sans-abris et les personnes installées dans les bidonvilles de création récente sont souvent systématiquement exclus de cet échantillon", affirme Claire Melamed, Directrice du programme croissance, pauvreté et inégalité auprès de l’ODI.
 
En Ouganda, les statisticiens étudient la possibilité d’utiliser les téléphones portables plutôt que les enquêtes auprès des ménages dans l’espoir d’atteindre un plus grand nombre de personnes.

Ben Paul Mungyereza, Directeur général du Bureau des statistiques de l’Ouganda, regrette pourtant qu’on ne puisse obtenir que des informations sommaires à partir de ce procédé.

Les rencontres face-à-face demeurent de ce fait la meilleure technique de collecte de données dans de nombreux pays africains.

"Si vous souhaitez savoir le type de nourriture qu’une personne consomme, ou [la qualité de] l’eau qu’elle boit, vous devez poser la question dans la langue maternelle du chef de famille", insiste Ben Paul Mungyereza.

"L’enquêteur doit pouvoir vérifier si la personne interrogée exprime son opinion, répond à la question posée, ou parle d’une autre chose".

L’autre problème, selon Shaida Badiee, tient au fait que certaines normes techniques établies par les organismes internationaux pour la collecte des données sont trop complexes pour être utilisées par les pays pauvres ; il ne peut donc y avoir d’approche unique.

"En vérité, il faut des hommes politiques dotés d’un réel intérêt pour la question des données manquantes pour consacrer du temps, de l’énergie et des ressources à la recherche de solutions à ce problème", tranche Claire Melamed.
 
La version originale de cet article a été produite en anglais par l’édition mondiale de SciDev.Net

Références

Elizabeth Stuart and others The data revolution: finding the missing millions (ODI, April 2015)