01/09/10

La petite hydraulique est la clé de la sécurité de l’eau

Les pompes électriques : la technologie ayant le plus contribué à l’irrigation au cours des vingt dernières années Crédit image: Flickr/IRRI Images

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Pour l’hydrologue David Molden, la petite hydraulique est l’une des clés de l’amélioration de productivité agricole dans le contexte des changements climatiques.


En 2007, le Groupe intergouvernemental d’Experts sur les Changements climatiques (GIEC) a lancé une sérieuse mise en garde, avertissant que les changements climatiques risquent d’entraîner une baisse de moitié des rendements des cultures dans certains pays africains d’ici 2020.

Depuis, ces prévisions ont tourné à la controverse, au point d’être mises en doute par un scientifique du GIEC qui aurait déclaré qu’il n’existe pas de données sui fondent une telle thèse. Pourtant, l’inquiétude grandit quant à l’impact de l’aggravation de la sécheresse sur la production agricole en Afrique sub-saharienne, où 95 pour cent des terres agricoles dépendent des eaux pluviales et connaissent un rythme inquiétant de perte de fertilité des sols.

Un épisode de sécheresse d’à peine deux ou trois semaines peut avoir des conséquences catastrophiques pour de nombreux petits agriculteurs dans le monde. Les experts en changements climatiques prédisant une variabilité croissante dans la pluviométrie,, il devient trop risqué pour les agriculteurs d’investir dans les engrais, les semences et les bonnes pratiques de gestion des sols.

Une méthode permettant de réduire ce risque a pourtant fait ces preuves : si un approvisionnement fiable en eau est assuré, les agriculteurs investiront et leurs rendements pourront s’améliorer. Des preuves montrent qu’une meilleure gestion de l’eau et des sols peut accroître la productivité des graines, en dépit des changements climatiques.

Mais comment y parvenir ?

Des solutions de petite échelle

En partie, cela nécessite la mise en œuvre de grands projets d’irrigation. Mais, vu le coût élevé par hectare et par bénéficiaire, les grands projets sont onéreux et lents à mettre en œuvre, et relativement peu d’agriculteurs bénéficieraient de l’amélioration de la production.

Ainsi, les scénarios envisagés par l’Evaluation globale de la Gestion de l’Eau en Agriculture laissent croire que même si les superficies irriguées en Afrique sub-saharienne étaient doublées, cela ne satisferait qu’à peine dix pour cent des besoins alimentaires du continent.

Renforcer la sécurité de l’eau pour les personnes qui en ont le plus besoin, à savoir les pauvres en milieu rural, passe donc par un plus large éventail de solutions.

Un premier domaine à explorer : le secteur ‘informel’ de l’eau, particulièrement dynamique en Asie. Les populations mal servies par les services publics de l’eau ont ainsi déjà pris le problème à bras le corps, en stimulant dans de nombreux cas le développement d’un petit secteur privé.

Les pompes motorisées, la technologie ayant le plus contribué au domaine de l’irrigation au cours des 20 dernières années, sont un exemple parmi tant d’autres. Les gens acquièrent une pompe à un prix raisonnable, trouvent une source d’eau comme les eaux souterraines, une rivière ou une canalisation, et pompent de l’eau vers leurs champs en fonction des besoins.

On peut également citer les longs tuyaux flexibles. On les retrouve partout dans les campagnes en Inde, ainsi qu’en Chine, où ils sont également appelés ‘dragons blancs’. Ils permettent aux gens de conduire l’eau sur des distances relativement longues depuis la source afin de l’utiliser dans leurs champs ou de la vendre.

Contrairement aux pompes et aux tuyaux qui nécessitent investissements, maintenance et manipulation, l’eau elle-même est gratuite, et la nécessité de négocier avec d’autres personnes intervenants au sein de la communauté ou avec l’Etat est réduite. La simplicité est déroutante.

Une adoption ‘spontanée’

Ainsi, plusieurs autres innovations ont vu le jour dans ce secteur informel, notamment les structures ingénieuses de captage de l’eau, les sprinklers à bas coûts et des systèmes de goutte à goutte, l’application des argiles comme la bentonite pour préserver l’humidité du sol, et l’usage en toute sécurité des eaux usées urbaines pour l’irrigation.

Le stockage de l’eau a également un rôle important à jouer si l’on veut faire face aux changements climatiques et à une pluviométrie plus variable. Il nous faut prendre en compte une variété de solutions, allant des étangs et des petits réservoirs installés dans les exploitations, en passant par les eaux souterraines et l’humidité du sol.

L’assurance contre la sécheresse et les technologies post-récoltes comme le stockage des aliments offrent des approches complémentaires à un meilleur stockage de l’eau.

L’avantage proposé par les approches individuelles de petite échelle tient à ce qu’elles puissent être mises en œuvre rapidement, avec des délais courts de récupération du capital investi pour un nombre de petits exploitants accru. En outre, le secteur privé peut participer et stimuler une adoption ‘spontanée’, au lieu d’une adoption impulsée par les donateurs, qui se révèle parfois lente et onéreuse.

Des obstacles au progrès

Pourtant, ces innovations ne sont pas adoptées à un rythme suffisant ou à une échelle satisfaisante dans toutes les régions où les populations en ont cruellement besoin, et notamment en Afrique sub-saharienne.

En grande partie, ceci est dû au fait que de nombreuses conditions préalables sont nécessaires pour leur mise en place. Connaître la technologie ou la pratique agricole appropriée ne suffit pas. Plusieurs technologies de l’eau ne sont pas disponibles sur les marchés locaux ou alors inaccessibles aux petits exploitants.

Les intrants agricoles comme les semences et les engrais sont aussi hors de portée. Et quoiqu’il en soit, l’accès limité aux marchés fait que les petits agriculteurs ne peuvent pas être sûrs de vendre l’excédent de production.

Une solution de gestion des eaux agricoles doit tenir compte d’une gamme de facteurs en plus de la technologie et des intrants agricoles. Le secteur privé a un rôle à jouer dans le financement, la préservation et la commercialisation d’une agriculture durable, comme les programmes de microcrédit qui aident les agriculteurs à accéder à ce dont ils ont besoin.

Le rôle à jouer par l’Etat reste important. Par ses politiques et ses investissements, l’Etat peut contribuer au développement et à l’assimilation des technologies de faible ampleur. Ainsi, la réduction des tarifs douaniers sur les pompes importées ou les autres technologies d’irrigation et d’amélioration des sols pourrait réduire les coûts à un niveau abordable.

Trouver le juste milieu

Il y’a cependant Une ombre vient pourtant noircir ce tableau. Dans un bassin hydrographique donné, l’accroissement de l’utilisation de l’eau dans un endroit aura un impact sur quelqu’un d’autre ailleurs. L’action de milliers de petits utilisateurs finit par avoir un impact majeur. L’extraction incontrôlée peut entraîner une baisse des nappes phréatiques, du niveau des cours d’eau, voire une concurrence et des conflits liés à l’utilisation de l’eau.

Il est relativement simple de contrôler ou de réguler un grand projet d’irrigation, mais la gestion des ressources en eaux souterraines utilisée par des millions de petits exploitants est un casse-tête logistique, comme l’atteste l’exemple de l’Inde.

Par conséquent, le défi en matière de gouvernance de l’eau consiste à stimuler le développement de solutions abordables tout en gérant l’eau et les terres de façon durable. Il est essentiel que les décideurs politiques élaborent et appliquent des politiques appropriées pour une gestion durable de l’eau.

La bonne nouvelle ? Toute action entreprise aujourd’hui pour le renforcement de la sécurité de l’eau destinée à la production alimentaire nous aidera demain à faire face aux changements climatiques.

David Molden est le directeur général adjoint chargé de la recherche à l’Institut international de Gestion des Ressources en Eau à Colombo au Sri Lanka.