19/05/11

Créer un climat propice pour un changement de politique au Malawi

Le Malawi doit diversifier ses cultures pour s'adapter aux changements climatiques Crédit image: Flickr/Swathi Sridharan

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Pour Blessings Chinsinga, un conflit entre les politiques d’adaptation climatique et de sécurité alimentaire est l’illustration de la nécessité de créer des conditions idoines pour le changement.

Les effets négatifs des changements climatiques sur les moyens de subsistance des populations pauvres en milieu rural ne peuvent plus être ignorés. Ils risquent de causer des dommages considérables à l’agriculture, qui est une source essentielle de revenus pour la plupart des gens partout dans le monde.

Cette perspective alarmante a déclenché un large éventail d’actions visant à gérer les effets néfastes des changements climatiques. Ces actions sont à la fois de court et de long terme — les collectivités doivent renforcer les capacités pour faire face aux effets immédiats des changements climatiques, et s’adapter également au changement rapide des moyens de subsistance sur le long terme.

Mais l’adaptation ne se fait pas dans le vide. Le contexte dans lequel les changements de politiques interviennent importe beaucoup et joue un rôle important dans l’élaboration des processus d’adaptation. Et les bons outils d’analyse peuvent dévoiler des opportunités pour s’assurer que la politique d’adaptation produit des résultats efficaces et durables.

Au Malawi, la mise en œuvre harmonieuse de la diversification des cultures comme stratégie d’adaptation est entravée par un conflit avec la sécurité alimentaire — un conflit alimenté par les intérêts opposés des principales parties prenantes.

Des opinions diverses

L’économie du Malawi est en grande partie basée sur l’agriculture, qui fournit près de 40 pour cent du PIB. Le maïs est cultivé sur près de 90 pour cent des terres cultivables du pays, et constitue une partie importante du régime alimentaire et la principale source de subsistance.

Le Malawi est le plus grand consommateur de maïs par habitant dans le monde. Mais les changements climatiques représentent une menace considérable pour la culture du maïs, et l’élévation des températures a déjà provoqué une réduction de la production mondiale dans certaines parties de l’Afrique.

La diversification des cultures est une stratégie d’adaptation promue dans ce pays, et j’ai œuvré avec des collègues venant du Chancellor College, de l’Université du Malawi, pour l’exploration des processus de mise en œuvre de cette politique et l’identification d”espaces’ politique pertinents — les possibilités de formater la politique d’adaptation en fonction du type de rapports entre les principaux intervenants.

Le Groupe consultatif national (NCG), un outil de création mis sur pied dans le cadre du projet, a permis, dans une atmosphère détendue, des discussions entre les décideurs et les entrepreneurs venant des organisations de la société civile, des ministères, des organismes donateurs et des médias — des groupes qui partagent les opinions très variées sur l’adaptation aux changements climatiques.

L’objectif était de parvenir à un consensus sur une vision commune sur l’origine du problème, les méthodes permettant d’y répondre, et les conséquences probables en cas d’inaction.

Il n’y avait pas de désaccord au sujet du potentiel de diversification des cultures en tant que stratégie d’adaptation. Elle était considérée comme une garantie de la sécurité alimentaire et un moyen d’améliorer la santé des sols et le régime nutritionnel des agriculteurs. Pour la majorité des bailleurs de fonds, la diversification des cultures est un moyen essentiel d’ ‘"amélioration de l’état nutritionnel d’une société attachée au maïs".

Mais des intérêts et des opinions opposés sur la diversification des cultures en matiere de sécurité alimentaire ont rendu difficile la concrétisation de la théorie de la diversification des cultures.

La politique du maïs

Au Malawi, les céréales et les légumineuses autres que le maïs sont difficiles à trouver sur les marchés de semences, principalement en raison des intérêts du gouvernement, des entreprises semencières et des donateurs.

Au Malawi, les communautés assimilent la nourriture au maïs. Les agriculteurs ont souvent l’habitude de dire que "le maïs est la nourriture et si nous ne le cultivons pas, nous craignons de ne pas avoir de nourriture".

Cela a conforté chez le gouvernement l’opinion selon laquelle le maïs est le meilleur moyen pour parvenir à la sécurité alimentaire. La culture du maïs est a ce point primordiale que certains spécialistes décrivent la politique du Malawi comme celle du maïs.

En conséquence, malgré les déclarations du gouvernement sur la diversification des cultures, il a pour préoccupation principale de parvenir à la sécurité alimentaire grâce à des variétés de maïs à haut rendement.

Même un important programme de subvention d’engrais, mis en place par le gouvernement en 2005, n’a pas réussi à changer la politique de sécurité alimentaire, même s’il a été conçu pour promouvoir la diversification des cultures. Ce programme est dominé par le maïs.

Ce qui intéresse les entreprises semencières, c’est s’assurer un marché facile pour leurs produits hybrides, dans le cadre duquel les donateurs sont prêts à promouvoir un approvisionnement en plants indigènes piloté par le secteur privé.

La culture des produits autres que le maïs est freinée encore plus par de graves contraintes liées à la terre et à la main d’œuvre, une productivité limitée et une absence de débouchés lucratifs pour les alternatives au maïs. D’après les estimations, 49 pour cent des petits exploitants agricoles ne possèdent pas plus d’un hectare de terre.

L’engagement et l’influence de la politique ne sont donc pas simplement une question de démonstration de preuves scientifiques et de leur mise à la disposition des décideurs. Ils relèvent aussi bien de nouvelles études que de la création de conditions propices à un changement de politique pour encourager l’adaptation.

Pour ce faire, nous avons besoin d’outils analytiques qui nous aident à comprendre les partenariats, les coalitions et les alliances stratégiques qui facilitent ou entravent l’utilisation de résultats scientifiques dans l’élaboration des politiques.

Blessings Chinsinga est maître de conférences au Département d’études politiques et administratives de l’Université du Malawi.