02/08/13

Les changements climatiques, “agent de la montée de la violence”

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Crédit image: Tim Freccia/ENOUGH Project

Lecture rapide

  • Les épisodes de sécheresse des années antérieures, ainsi que des niveaux de température supérieurs à la moyenne, ont conduit à une recrudescence de la violence
  • Les facteurs économiques et la sécurité alimentaire peuvent être des déclencheurs clés de conflits dans les pays pauvres
  • Les changements climatiques à venir pourraient augmenter substantiellement les conflits à caractère violent

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Selon une étude publiée aujourd’hui, les changements climatiques – recrudescence de la sécheresse, températures annuelles supérieures à la moyenne annuelle -, ont provoqué une montée de la violence à l’échelle mondiale.

Les chercheurs ont établi une relation entre des températures de plus en plus élevées et des niveaux de précipitation extrêmes et la recrudescence des conflits, de la simple violence conjugale aux émeutes, en passant par les guerres civiles, l’éclatement des institutions gouvernementales, voire de civilisations entières.

Le document met en garde contre l'augmentation des émissions à effet de serre, susceptibles, selon les chercheurs, d’entraîner des niveaux de violence encore plus élevés.

"Si les générations futures réagissent de la même manière que les générations passées, alors le changement climatique d'origine anthropique a le potentiel d'augmenter considérablement les conflits dans le monde, en rapport avec un monde sans changement climatique," précise le document.

Il y a eu un débat scientifique sur l’impact des changements climatiques sur les conflits humains, certaines études tendant à démontrer le rôle du climat et d’autres s’employant à le minimiser.

La nouvelle étude, publiée par une équipe de l'Université de Californie, Berkeley, et de l'Université de Princeton, aux Etats-Unis, a procédé à une nouvelle analyse des données de 60 documents provenant de différentes disciplines, dont l'archéologie, l'économie, les sciences politiques, la psychologie et la géographie.
 
Les chercheurs ont examiné des données provenant de diverses localités dans le monde et des événements allant des pics de violence domestique en Inde, à l'effondrement des empires maya et chinois.

"Nous avons analysé les études dans un cadre commun et avons constaté que de faibles écarts de températures ou précipitations normales conduisent à une augmentation très importante des conflits, et cela se produit à la fois dans les régions pauvres et riches du monde," a confié à SciDev.Net Marshall Burke, l'un des auteurs de l'étude et chercheur à Berkeley.

Pour tenir compte des différents climats présents dans les différentes régions, et être en mesure de comparer les résultats entre pays avec différents modèles climatiques, les chercheurs ont standardisé les résultats en mesurant des données considérées comme des "écarts-types".
 
Une seule unité d’écart-type vers des conditions plus chaudes – ce qui équivaudrait, par exemple, au réchauffement d'un pays africain de l’ordre de 0,4 degré Celsius en un an – a provoqué une augmentation de quatre pour cent de la probabilité de violence personnelle, comme les agressions et les meurtres, et une recrudescence de l’ordre de 14 % des conflits entre communautés, comme les émeutes ou les guerres civiles.

"Il s’agit là de changements modérés [de la température], mais ils ont un impact non négligeable sur les sociétés," a déclaré Marshall Burke dans un communiqué de presse.

“Nous savons que dans les pays en développement, il y a une relation entre climat et conflit, parce que le climat affecte la conjoncture économique.”

Marshall Burke

Edward Miguel, co-auteur de l’étude et professeur en économie de l'environnement et des ressources à Berkeley, ajoute: "Nous pensons souvent que notre société est largement indépendante de l'environnement, en raison des progrès technologiques, mais nos conclusions remettent en cause cette notion".

Partout dans le monde, les températures devraient augmenter d'environ 2-4 unités d’écart-type en 2050, amplifiant les taux de conflit, indique le document.

L'étude n'identifie pas des facteurs de risque spécifiques qui interviennent dans le lien de cause à effet entre le climat et la violence, se contentant d’évoquer la possibilité de l’existence de multiples pistes susceptibles de varier en fonction des contextes.

"Par exemple, nous savons que dans les pays en développement, il y a une relation entre climat et conflit, parce que le climat affecte la conjoncture économique", estime Marshall Burke. "Donc, si vous avez une année très chaude ou une année très sèche, cela affectera la vie des populations et, finalement, influencera les décisions sur l'adhésion à des conflits."

Comme les facteurs économiques et la sécurité alimentaire jouent un rôle important dans le déclenchement de la violence et de l'instabilité politique dans les pays en développement, Marshall Burke estime en outre que les réponses technologiques peuvent aider.

Il y a différentes façons d'aider les pays pauvres à éviter les conflits liés au changement climatique, ajoute le chercheur. "Par exemple, les agriculteurs peuvent adopter des variétés plus tolérantes aux conditions météorologiques extrêmes ; les décideurs peuvent penser à des régimes d'assurance."


Luca Russo, analyste de la sécurité de la politique alimentaire à l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, explique à SciDev.Net que l'organisation a établi des liens semblables dans sa recherche sur "la relation complexe entre le changement climatique, la violence, la crise sociale et la sécurité alimentaire".

"La crise dans les pays en développement est le résultat d'une combinaison de facteurs environnementaux, sociaux et économiques", estime-t-il.

"Nous avons constaté que les pays qui connaissent un état prolongé de crise ont également des niveaux plus élevés d'insécurité alimentaire."

 Lien vers l’article dans la revue Science

Références

Science doi: 10.1126/science.1235367 (2013)