11/08/11

Comment utiliser les réseaux sociaux pour atteindre de nouveaux publics

Social Networks Journalism
Crédit image: Flickr/International Livestock Research Institute

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Le monde attend des scientifiques qu'ils donnent vie à la science. Jennifer Rohn propose quelques astuces pour utiliser les réseaux sociaux et conquérir de nouveaux publics

Malgré le rôle central joué par la science dans notre mode de vie, beaucoup de gens ne s'y intéressent pas ou n'en comprennent pas les rouages. Certains choisissent de ne pas croire aux conclusions scientifiques. D'autres encore pensent même qu'il s'agit là d'un gâchis d'argent public. Pourtant, les solutions scientifiques sont de plus en plus nécessaires pour surmonter les menaces pesant sur notre avenir, que ce soit les changements climatiques, les pandémies émergentes, l'épuisement des ressources naturelles ou la lutte pour maintenir la sécurité alimentaire.

Les chercheurs ignorent le 'monde extérieur' à leurs risques et périls. Le public a le pouvoir de vous refuser un financement ou de restreindre la portée de vos travaux de recherche. Il est important de sortir de vos laboratoires, de vos bureaux et de vos terrains de recherche et d'entrer en contact avec le reste du monde, pour montrer aux gens que la science est essentielle et que les chercheurs travaillent dur pour contribuer à la résolution de problèmes importants  – qu'ils sont des alliés, et non des ennemis.

Mais les chercheurs — même ceux isolés sur le plan géographique — disposent à présent d'un large éventail de formidables outils sociaux pour faire entendre leur voix. Grâce à la technologie des communications d'aujourd'hui, il est possible d'atteindre de nouveaux publics dans le monde entier, et de les tenir informés, solidaires et engagés.
 

Donner vie à la science


Les journalistes et les bloggeurs capables d'expliquer les percées scientifiques sont de plus en plus prolixes. Retrouvés moins fréquemment, mais tout aussi importants, sont les chercheurs en exercice prêts à partager le pourquoi et le comment de leur monde, afin de rendre la façon dont la science fonctionne accessible, et de montrer en quoi elle est pertinente.

A l'aide des réseaux sociaux, des chercheurs comme vous peuvent montrer comment la science se fait réellement : une journée dans la vie d'un scientifique, avec ses hauts et ses bas, ses échecs, ses incertitudes. Vous pouvez ainsi présenter la méthode scientifique dans sa pratique et ouvrir le monde parfois caché de la science en partageant les aspects qui n'apparaissent pas dans les documents publiés, comme les résultats négatifs ou les erreurs qui se commettent facilement. Vous pouvez exprimer votre enthousiasme et montrer pourquoi les questions que vous vous posez valent la peine d'être posées (et financées).

Vous pouvez consacrer une partie de votre temps à l'analyse des recherches controversées qui font actualité dans votre domaine et montrer que la science n'est pas monochrome, que les idées évoluent, et que le désaccord entre les chercheurs ne sape pas la légitimité d'un domaine particulier.

Vous pouvez montrer aux gens pourquoi il est important de ne pas prendre les choses à leur valeur apparente, contribuant, qui sait, à rendre vos lecteurs plus sceptiques et avertis. Vous pouvez attirer les gens dans votre monde scientifique avec les passions et connaissances qui sont les vôtres.
 

Les outils à votre disposition


Les réseaux sociaux offrent de nombreuses façons de partager sa vie scientifique. Rédiger un blog scientifique – un texte écrit, personnel et régulièrement mis à jour – est un moyen parmi d'autres (pour en savoir plus sur les meilleures façons de commencer un blog scientifique, voir ici – Anglais). Parmi les exemples de bloggeurs scientifiques intéressants figurent Nina, une pédologue en Nouvelle-Zélande, et la bloggeuse intitulée 'Female Science Professor', professeur anonyme de sciences physiques.

Si vous accédez à Internet le plus facilement par votre téléphone portable, il existe  des bonnes applications vous permettant de faire du blogging instantané, par exemple, Blogpress ou Posterous . Si vous préférez proposer des mises à jour courtes et pertinentes sur vos recherches, Twitter pourrait vous être utile, tout en vous aidant à vous impliquer dans les débats sur les recherches d'autres chercheurs si vous le souhaitez.

Interview d'un chercheur sur le riz du Bangladesh

Les chercheurs peuvent utiliser les réseaux sociaux pour faire circuler des vidéos.

Flickr/IRRI Images

Autre alternative, utiliser l'audio ou la vidéo. AudioBoo est une excellente plate-forme sur téléphone portable et Internet qui vous permet de créer et de mettre en ligne des enregistrements audio. YouTube est un superbe outil de partage de vidéos, avec plusieurs programmes pour les téléphones mobiles.

Ainsi, Stephen Curry, un professeur à l'Imperial College de Londres, au Royaume-Uni, utilise la vidéo pour partager son enthousiasme à propos de la détermination des structures des protéines.

Mais si vous sentez que vous n'avez pas les compétences pour vous lancer en solitaire, vous pourriez envisager de collaborer avec un cinéaste local. Alom Shaha travaille avec des chercheurs au Royaume-Uni, et réalise des courts métrages sur leur travail. Cet exemple décrit les recherches de Tara Shears, physicienne de l'Université de Liverpool, qui travaille avec le Large Hadron Collider.

Si ce genre de choses n'est pas votre tasse de thé, le simple fait d'entretenir un site web créatif et mis à jour sur votre laboratoire offre une solution différente. Les pages des chercheurs universitaires sont souvent statiques, arides, techniques et destinées principalement à d'autres chercheurs. Ce n'est que récemment que des pages web plus orientées vers le public et plus créatives, avec des explications plus simples et beaucoup de photos, ont commencé à voir le jour.

Vous pourriez même envisager de collaborer avec des collègues dans un domaine particulier et de créer un super site, comme ce site web  français sur la supraconductivité.

De plus en plus de gens associent les différents types de plates-formes. Le site de la supraconductivité contient de nombreuses vidéos étonnantes, des objets en lévitation par exemple, pour attirer les gens. Et le site web du professeur Joanne Manaster se présente à la fois comme un blog, comme une vidéo, et comme un album photos.

Quel que soit l'outil que vous choisissez, n'oubliez pas votre public. Écrivez ou parlez clairement en utilisant un langage clair, dans un ton de conversation, en évitant les termes techniques. Les métaphores et les analogies tirées de la vie de tous les jours vous permettront de soutenir vos arguments.

Vous utiliserez probablement votre propre langue. Mais vous pourriez également élargir votre approche avec plusieurs langues. Faites traduire votre page web en d'autres langues largement utilisées, donnez des sous-titres à vos vidéo, ou faites en sorte que vos vidéo soient universellement comprises, en faisant en sorte que les explications verbales soient inutiles. La vidéo des objets en lévitation sur le site web français sur la supraconductivité a inspiré en moi émerveillement et curiosité par rapport aux propriétés presque magiques des matériaux exposés sur l'écran, même si je ne parle pas le français.
 

Le 'social' dans les réseaux sociaux


Prochaine étape : promouvoir vos pensées, vos idées et vos histoires. Pour le moment, Twitter et dans une moindre mesure Facebook, sont très populaires chez les chercheurs qui font la promotion de leurs activités de communication dans le monde occidental, mais Google+ commence aussi à décoller. Les plates-formes des réseaux sociaux Hi5, MXit et Orkut sont plus populaires dans le monde en développement et pourraient être de bons points de départ.

De nouveaux sites naissent régulièrement, et d'autres (comme MySpace) déclinent. Restez actifs sur les sites qui ont la côte.

Certains sites web peuvent vous être inaccessibles. La Chine, par exemple, ne permet pas à ses citoyens d'accéder à Facebook, Twitter ou YouTube (bien qu'il existe apparemment des moyens de contourner certaines de ces restrictions). Ainsi, il vous faudra utiliser toutes les voies à votre disposition et prendre en compte les difficultés techniques que vous pourriez rencontrer. Dans des contextes de faible bande passante Internet, certains outils seront plus faciles d'accès que d'autres, alors faites quelques essais, cela pourrait vous être utiles.
 

Et n'oubliez pas le côté social


Le public tire, de plus en plus, les conceptions qu'ils ont de la science à partir des médias. Parmi ces médias, figurent les réseaux sociaux où les communicateurs scientifiques et les chercheurs peuvent entrer en contact avec leurs publics et interagir avec eux.

Les différents outils des réseaux sociaux permettent aux gens de laisser des commentaires ou des appréciations. Cette interaction donne aux commentateurs un sentiment d'appartenance et contribue à faire des adeptes. Tâchez donc de vous montrer réceptif.

Tous les commentateurs ne seront pas d'accord avec vous ou entre eux. Faites en sorte d'être courtois. Tolérez les différences d'opinion, mais refusez les abus personnels — soyez juste mais ferme. Si l'abus persiste, tous les sites de réseaux sociaux vous permettent de bannir ou de bloquer les utilisateurs abusifs – n'ayez donc pas peur d'utiliser ce pouvoir.

Rappelez-vous qu'une fois en ligne, tout matériel peut avoir une durée de vie 'éternelle'. Les moteurs de recherche recensent et parcourent les pages web, et la technologie de capture d'écran permet de 'photographier' des pages avant qu'elles ne soient supprimées. Réfléchissez donc bien à ce que vous y publiez.

Restez dans les règles. Il est illégal dans la plupart des pays de dire des mensonges à propos d'une personne ou d'une organisation que ce soit par écrit (diffamation) ou à l'oral (calomnie). La forme écrite inclut Internet, et tout blog, site web ou tweet en anglais peut faire l'objet de poursuites judiciaires en Angleterre, quel que soit le pays où il a été rédigé.  Avoir à vous défendre dans un procès en diffamation pourrait vous ruiner et détruire votre réputation. Si vous n'êtes pas sûr de rapporter la vérité, il peut être préférable d'éviter de mentionner certaines choses si elles pourraient s'avérer préjudiciables à autrui.

Restez discret. Si vous travaillez dans un domaine dynamique et populaire, ne divulguez pas d'informations que vos concurrents chercheurs pourraient exploiter, portant éventuellement atteinte à votre carrière ou à celle de vos collaborateurs. Attendez jusqu'à ce que la publication soit imminente, et ne révélez jamais la recherche de vos collègues sans leur permission. Certaines personnes ne sont pas confortables à l'idée de figurer en ligne. Ne postez jamais des photos, vidéos ou audio de vos collègues sans leur autorisation.

Un laboratoire de sciences

Ne révélez jamais les détails des recherches des collègues sans leur autorisation.

Flickr/Morgan Rindengan

Restez alerte. La science et la politique sont souvent liées. Vous pourriez vouloir critiquer la politique scientifique ou environnementale de votre gouvernement, par exemple, mais réfléchissez-y à deux fois si un tel geste pourrait porter préjudice à vos chances de financement, votre position, votre université – voire même votre liberté. Dire ce que l'on pense se doit d'être un acte mûri.

Restez sensible. Un sujet peut tout à fait être acceptable au sein de votre profession, le sacrifice d'animaux à des fins de recherche par exemple, mais sujet à polémique pour votre public. Réfléchissez au meilleur moyen de parler des sujets sensibles.

Restez modéré. Les réseaux sociaux peuvent susciter une légère dépendance. Utilisez-les un petit peu chaque jour. Si vous constatez qu'ils empiètent sur votre temps de recherche, à votre réputation scientifique ou à votre vie sociale réelle, c'est que vous les utilisez trop.

Le plus important est de rester actif. La science a besoin d'autant de partisans que possible, et d'atteindre son public grâce à tout type de médias. Alors, allez-y, essayez ! J'espère voir bientôt de nouveaux chercheurs partout dans le monde partager leurs histoires grâce à la puissance des réseaux sociaux.

Jennifer Rohn est une biologiste cellulaire au Laboratoire MRC de biologie cellulaire moléculaire à University College London, au Royaume-Uni. Elle est la rédactrice en chef de LabLit.com et a écrit deux romans sur les chercheurs. Son blog s'appelle Mind The Gap et elle tweet sous le nom de @JennyRohn.

Etes-vous un scientifique dans le monde en développement qui utilise les réseaux sociaux pour atteindre de nouveaux publics ? Si vous avez des suggestions des sites de réseau sociaux pour les chercheurs, des expériences que vous aimeriez partager, ou des exemples de chercheurs qui utilisent les réseaux sociaux de manière efficace, nous vous invitons à les faire connaître dans notre section de commentaires ci-dessous.