11/07/16

L’avenir de l’info scientifique dans la presse sénégalaise

Press
Crédit image: SciDev.Net / Julien Chongwang

Lecture rapide

  • Les émissions ou rubriques scientifiques sont presque inexistantes dans les médias
  • Le pays abrite pourtant plusieurs instituts nationaux et internationaux de recherche
  • Le CESTI va ouvrir un master en journalisme scientifique qui pourrait changer la donne

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Alice Desclaux, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), basée à Dakar (Sénégal), n’en revient toujours pas de sa déception suite à la qualité du traitement que la presse locale réserva en mai 2015 à Ebodakar, une conférence organisée pour analyser la riposte à l’épidémie d’Ebola qui est née en Afrique de l’ouest au début de l’année 2014.
 
"Ils s’étaient tous contentés de reproduire le dossier de presse que nous leur avions préparé ; sans aucune mise en perspective", se souvient-elle, avec regret, du travail produit alors par les journalistes.
 

“Il est temps d’orienter les projecteurs médiatiques sur la science afin qu’elle soit davantage accessible au public”


Moustapha Sow
Promoteur de STI Mag

Une situation qui, pour El Hadji Cheikh, journaliste au groupe de presse D-Médias (éditeur du quotidien La Tribune et propriétaire de Zik FM et de la SENTV) tient du fait qu’au Sénégal, il n’y a pas de journalistes vraiment formés au traitement de l’information scientifique.

Il dit d’ailleurs avoir encore remarqué cette carence lors de la première édition du Next Einstein Forum (plateforme de promotion des chercheurs africains) qui s’est tenue dans la capitale sénégalaise en mars 2016.
 
Une carence renforcée par la rareté des rubriques scientifiques dans les journaux et des émissions scientifiques dans la grille des programmes des radios et des télévisions de la place.
 
Mamadou Ndiaye, chef du département de communication au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, a fait des études pour comprendre cette réalité.
 
"Au Sénégal, constate-t-il, quand vous zappez d’une télévision à une autre, vous voyez les mêmes types d’informations qui se résument en trois ou quatre domaines : la politique, le sport et dans une moindre mesure les faits divers et les programmes culturels".
 
Et d’expliquer : "à mon avis, les groupes de presse font dans la facilité ; mais, aussi, ils proposent des programmes qui sont plus vendeurs. Vous savez, l’information scientifique concerne l’élite d’une manière générale. Alors que cette élite-là ne pèse pas face à l’opinion du grand nombre."
 
Directeur de l’information à Walf TV et Walf FM, Ousmane Sène ajoute à ces raisons l’absence de sponsors pour des émissions scientifiques.
 
Mais, il tient à préciser que le groupe Walf (propriétaire d’un quotidien, d’une radio et d’une télévision) ne fait pas de discrimination.
 
"A notre niveau, nous avons toujours cherché à donner à la science sa place dans le traitement de l’information à travers nos éditions de journaux et nos différentes émissions", dit-il.
 
De toutes les façons, la situation n’est pas figée et il existe déjà des initiatives susceptibles d’accroître prochainement l’intérêt des journalistes pour la matière scientifique.
 
Ainsi, après avoir introduit dans son programme pédagogique des modules se rapportant au traitement de l’information scientifique, le CESTI, principale école de journalisme de la sous-région, s’apprête désormais à lancer un cycle de master en journalisme scientifique.

Sur le marché, un magazine entièrement consacré à la science et ses dérivés vient de voir le jour sous le titre STI Mag (Science, technologies & innovations).
 
Ce trimestriel gratuit constate dans l’éditorial de son premier numéro que "la pluralité médiatique au Sénégal n’est pas pour autant synonyme de diversité et de richesse dans l’offre informationnelle ; l’espace médiatique étant dominé par la politique et les faits divers".
 

Prise de conscience

Partant d’une série d’interrogations, l’éditorial en question, signé de Moustapha Sow, le promoteur de ce magazine, débouche sur la conclusion selon laquelle "il est temps d’orienter les projecteurs médiatiques sur la science afin qu’elle soit davantage accessible au public".
 
Interrogé par SciDev.Net, Moustapha Sow, parle d’un engagement personnel parti du fait que l’information scientifique est, à ses yeux, le parent pauvre des médias du pays actuellement.
 
Si Mamadou Ndiaye juge ces quelques initiatives encore "insuffisantes", tous les observateurs se félicitent de ce début de prise de conscience par les journalistes de l’intérêt de l’information scientifique.
 
Pour s’en convaincre, ils citent les nombreuses institutions de recherches nationales et internationales qu’abritent le pays et qui représentent autant de sources auxquelles devront venir s’abreuver les professionnels de l’information.