26/08/09

Analyse africaine : comment obtenir un accord juste sur le climat mondial

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Pour Linda Nordling, il reste peu de temps aux pays africains pour s'assurer que le futur accord sur le climat mondial prendra en compte leurs besoins.

A ce jour, l'Afrique peine à tirer profit des initiatives globales visant à aider les pays en développement à faire face aux changements climatiques.

Le continent n'accueille en effet que 32 projets sur près de 1,800 financés par le Mécanisme pour un Développement propre, un programme défini par le Protocole de Kyoto en vertu duquel les pays riches récompensent les pays en développement pour l'exécution de projets susceptibles de réduire les émissions.

Cette situation pourrait changer, grâce aux discussions sur le nouveau mode de financement engagées dans le cadre des négociations sur le climat mondial qui culmineront lors du sommet sur le climat, à Copenhague en décembre. Le sommet devrait déboucher sur des accords internationaux pour limiter les émissions après 2012, date d'expiration des obligations consenties sous le Protocole de Kyoto. 

L'Afrique est donc aujourd'hui engagée dans une course contre la montre pour s'assurer que les défis particuliers auxquels le continent fait face – notamment une pauvreté endémique et un manque de compétences et de ressources – sont pris en compte dans les nouveaux accords.

Un objectif commun

La faible influence exercée par le continent lors des négociations passées sur le climat a encouragé ses dirigeants à adopter une position de négociation commune en préparation pour Copenhague.

Cette position, adoptée en juillet dernier, insiste sur la nécessité pour les pays riches –dont la responsabilité pour les changements climatiques excède celle de l'Afrique – de soutenir les mesures d'adaptation et d'atténuation prises dans les pays pauvres.

Les Etats africains, qui se disent prêts à réduire leur contribution aux changements climatiques, souhaitent par ailleurs que la communauté internationale finance leurs efforts d'atténuation à hauteur de US$ 67 milliards par an d'ici 2020.

L'adoption d'une position commune pourrait contribuer à la prise en compte des besoins de l'Afrique dans tout accord futur sur le climat. Mais pour que ces thèmes, assez vastes, arrivent sur la table de négociation, ils devront être traduits en propositions plus détaillées. 

Aucune proposition nouvelle ne sera examinée à Copenhague.Les pays africains devront donc présenter leurs propositions lors de l'une des deux réunions préparatoires au sommet – elles se tiendront à Bangkok fin septembre et à Barcelone début novembre.

Ceci ne laisse aux pays africains que peu de temps pour mettre au point les détails de leurs exigences et les partager avec le reste du monde. 

Profits partagés

Une occasion de ce faire se présentera lors d'une réunion le 3 septembre entre dignitaires africains et représentants de plusieurs pays de l'Organisation pour la Coopération économique et le Développement en Europe, à Addis Abeba, en Ethiopie, dans l'objectif de promouvoir la position du continent par rapport aux changements climatiques. 

Les délégués africains devront non seulement y présenter leurs besoins, mais également faire des propositions concrètes pour les satisfaire.

Ainsi, une question clé pour l'Afrique concerne le mécanisme de réduction des émissions issues de déforestation et de la dégradation (REDD), qui propose d'indemniser les propriétaires fonciers pour qu'ils n'exploitent pas les aires boisées (voir Réduction des émissions issues des forêts).

Toutefois, la forme de REDD prônée par les pays industrialisés s'applique principalement aux forêts denses telles que les forêts tropicales humides.

Sous cette forme, le programme profiterait aux pays extrêmement boisés comme la République démocratique du Congo, excluant les pays comme la Tanzanie où les terrains boisés sont plus clairsemés.  Un  tel résultat serait clairement non souhaitable pour le continent dans l'ensemble.  

En outre, dans les pays où de nombreuses personnes vivent de l'agriculture de subsistance, le moyen d'assurer une distribution équitable de la compensation provenant de REDD demeure incertaine.

"Il est envisageable que les personnes aisées achètent systématiquement des terres pour réclamer des compensations", affirme Pius Yanda, directeur de l'Institut d'Evaluation des Ressources, à l'Université de Dar es Salaam, en Tanzanie. Ces paiements forfaitaires pourraient ainsi avoir des effets dévastateurs sur les communautés pauvres, ajoute-t-il.

Des problèmes d'accessibilité similaires sont à envisager avec d'autres instruments de financement destinés aux pays en développement. C'est le cas pour exemple pour les programmes visant à contribuer au transfert de technologies respectueuses du climat et pour le Fonds africain pour le Climat, idée soutenue par certains gouvernements africains.

Réunir les preuves 

Un obstacle majeur entrave les efforts pour faire face à ces préoccupations: le manque de données sur les probables effets locaux des changements climatiques en Afrique. Cette absence affaiblit par ailleurs l'efficacité globale de la position commune de négociation du continent. Ce n'est pas un problème que l'Afrique peut résoudre à court terme, mais il est essentiel de se préparer pour l'avenir.  

Ainsi, la communauté internationale cherche à limiter l'augmentation de la température de la planète à deux degrés Celsius au maximum. Pour certains experts, un tel plafond serait pourtant beaucoup trop pour l'Afrique.

"Nous ne savons pas suffisamment au sujet des effets au niveau local. Deux degrés sont peut-être trop pour des systèmes critiques, comme les bassins fluviaux partagés en Afrique", explique Belynda Petrie, directrice générale de OneWorld Sustainable Investments, une société du Cap qui gère le Programme régional pour le Changement climatique en Afrique australe (Southern African Regional Climate Change Programme ou RCCP).

Le RCCP réalise des études d'impacts dans trois bassins fluviaux en Afrique australe – le Zambèze, le Limpopo et l'Okavango – dans le but d'évaluer l'impact des changements climatiques. Mais il est peu probable que les données soient prêtes à temps pour influencer la contribution de l'Afrique au sommet de Copenhague.

Il appartient aux pays régions africains de prendre des dispositions pour produire les preuves dont ils ont besoin pour déterminer leur position quant aux émissions et au développement durable, souligne Petrie.

"Nous ne devrions pas rester assis à attendre que la communauté internationale le fasse. Nous devons aussi engager nos propres ressources", poursuit-elle.

Linda Nordling est l'ancienne rédactrice en chef de Research Africa.