19/05/14

Interview: Mark Stafford Smith sur science et changement climatique

Africa Climate change
Crédit image: Flickr/United Nations

Lecture rapide

  • Future Earth a pour mission de fournir aux décideurs les connaissances scientifiques propres à aider à élaborer des politiques d'adaptation
  • Les politiques d'adaptation ne sauraient constituer un frein au développement
  • Les difficultés des pays africains à s'approvisionner en énergie doivent être examinées à l'aune de l'impact des solutions proposées sur l'écosystème

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Mark Stafford Smith, président du comité scientifique de Future Earth sur l'adaptation au changement climatique, évoque le rôle de la communauté scientifique dans les processus décisionnels.

Future Earth est une nouvelle initiative de recherche internationale visant à développer les connaissances pour répondre efficacement aux risques et opportunités liés au changement climatique dans les prochaines décennies. Mark Stafford Smith, président du comité scientifique de Future Earth, compte plus de trente ans d'expérience dans l'écologie des systèmes de zones arides. Dans cet entretien avec SciDev.Net, réalisé en marge de la Conférence de Johannesburg sur le changement climatique (5-6 mai), il revient sur le rôle de la science dans les processus décisionnels liés au changement climatique. 

 
Le continent africain est l'une des régions les plus vulnérables au changement climatique. Comment Future Earth peut aider les gouvernements africains dans leurs efforts pour mettre en place une politique d'adaptation? 
 
Future Earth essaie généralement d'aider les gouvernements à avoir une vision plus intégrée sur la façon de répondre aux défis mondiaux liés à la durabilité.  En Afrique en particulier, nous espérons, à travers des rencontres comme celle-ci, obtenir des indications claires sur les questions les plus pressantes pour le continent et parmi ces questions figurent, entre autres, celles qui sont liées à l'organisation, à la sécurité alimentaire et à la préservation, ainsi qu'à la transformation des terres.
 
Pendant que nous essayons de mieux comprendre ces questions, il y a déjà une importante communauté scientifique qui est à l'œuvre et étudie ces sujets, mais pas toujours d'une manière propre à fournir aux décideurs des actions et des solutions. 
 
Nous espérons que Future Earth aidera à mobiliser ces chercheurs, dans le sens de travailler avec les décideurs, pour être en mesure de fournir ce genre d'informations de manière à ce qu'elles soient immédiatement utiles pour la prise de décision. 
 
L'autre façon – et c'est quelque chose qui pourrait être utile, particulièrement à un niveau national – est de comprendre les implications de certains de ces changements à l'échelle mondiale. 

Une autre façon dont la recherche pourrait aider est de fournir une compréhension de ce qui se passe dans un contexte mondial et d'expliquer pourquoi adapter la bonne approche en Afrique n'est pas important seulement pour le continent africain, mais également pour le reste du monde, afin que ce genre de informations soient prises en compte dans les négociations à l'échelle mondiale, ainsi que dans les discussions bilatérales avec d'autres pays.
 
Un certain nombre de gouvernements africains estiment que certaines des politiques d'adaptation proposées ne vont en fait qu'entraver le développement en Afrique. Qu'en pensez-vous? 

Mon point de vue est que si nous faisons bien les choses, cela ne devrait pas entraver le développement. 
 
Qu'entendez-vous par "bien faire" les choses? 

Cela implique d'essayer de nous assurer, par exemple, que nous fournissons de l'énergie pour tous, mais que nous le faisons de manière à ce que l'approvisionnement en énergie soit dé-carbonisé et que nous ne le fassions pas dans le sens d'accroitre l'impact croissant sur l'atmosphère. Si nous adoptons cette approche, je pense que nous développerons nos sociétés et nous le ferons de manière à éviter de dépasser certains de ces seuils planétaires critiques qui pourraient aggraver les choses à l'avenir.

L'alternative, c'est d'adopter une mauvaise approche et il y a deux façons d'y arriver aussi. La première consiste à insister pour que nous n'ayons aucune énergie et bien entendu, le développement est compromis et je ne pense pas que c'est quelque chose d'acceptable au niveau mondial. 
 

L'autre façon est de dire que nous n'allons pas tenir compte des avis sur les conséquences de l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère, de mener nos programmes de développement suivant les mêmes paradigmes que le monde occidental, ce qui a déjà causé les dégâts que nous observons dans le monde; de le faire et de se rendre compte que notre développement est en fait compromis, de toute façon, parce que nous aurons quatre degrés de réchauffement, plus de sécheresses, plus d'inondations, des températures encore plus élevées, etc
 
C'est une question qui requiert l'implication de tous, afin que nous adoptions une approche juste et raisonnable. Le problème est que malgré toutes les recherches et tout ce qui a été dit jusqu'à présent, rien ne semble aller dans la bonne direction.
 
Quelles sont, à votre avis, les mesures à prendre pour remédier à la situation immédiatement? 

Il y a évidemment ici beaucoup d'intérêts spécifiques interconnectés. Mais d'un point de vue de la recherche, je ne pense pas qu'il y a un besoin de plus d'informations sur le changement climatique. Nous savons qu'il y a un problème, nous l'avons identifié.

Il est certes possible d'apporter de nouvelles réponses et de nouvelles informations, mais la principale chose que nous pouvons faire est de fournir des orientations et d'agir par exemple sur les systèmes de gouvernance, en trouvant des mécanismes de vote différents au sein de certaines instances clés. Cela pourrait effectivement nous permettre de faire des progrès clés, plutôt que d'avoir une situation où chaque pays se dresse contre le reste du monde. 
 

Nous pouvons également explorer les possibilités d'une meilleure compréhension de ce que peuvent être les solutions alternatives: quelles sont les sources d'énergie les moins polluantes, comment peuvent-elles être déployées ? Nous pourrions aussi aborder la question de l'accessibilité de l'énergie à tous, sans causer plus de torts à l'atmosphère.  
 
Il s'agit de bien définir la quantité de carbone utilisée pour la production d'énergie, en tenant compte du fait que nous avons des objectifs qui prévoient, à l'échelle mondiale, des niveaux de dé-carbonisation à des taux donnés et du fait que si nous ne le faisons pas, nous courrons le risque d'aller au-delà d'un seuil acceptable.
 
Obtenir des mesures telles que celles-là, obtenir un bon suivi de la quantité de carbone émise dans l'atmosphère, c'est le genre de choses que nous pouvons faire et que nous allons sûrement faire pour faciliter la prise de décisions. 
 
Sur la question spécifique de l'énergie, vous savez que la plupart des pays africains sont touchés par une grave crise énergétique qui dure depuis des années. Dans ce cas précis, quel type de solution pouvez-vous recommander en tant que chercheur pour aider l'Afrique à accéder à des sources d'énergie durable? 

Il me semble que la chose la plus importante est d'évaluer les types de systèmes d'énergie éco-compatibles, en tenant compte des conditions particulières des pays africains et de comprendre si les systèmes proposés sont économiquement viables, et de faire en sorte que nous ne nous lancions pas dans la construction de grandes centrales électriques, sans étudier les autres alternatives ou comprendre les implications de nos choix sur l'environnement.