09/09/08

La meilleure façon de modéliser les risques cycloniques locaux

Le cyclone Indlala se dirigeant vers Madagascar, le 14 mars 2007 Crédit image: NASA/MODIS Rapid Response Team

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Pour Mark Tadross, l’association des modèles statistiques et physiques présente la meilleure chance de prédire les changements en matière de risques cycloniques locaux dans l’Océan indien.

Les cyclones tropicaux concernent un grand nombre de personnes. Ils peuvent tuer, ils causent souvent des dommages de grande ampleur, et entraînent habituellement des pertes économiques. Cela est particulièrement vrai dans les pays en développement tels que Madagascar, où les cyclones touchent en moyenne 250 000 personnes chaque année et causent des dommages estimés à US$ 50 millions. Eu égard aux prévisions relatives au réchauffement de la planète et au changement climatique, il est légitime de s’interroger sur l’augmentation du nombre des cyclones à l’avenir et des risques y afférant. .

Il est difficile de prédire de quelle manière le phénomène du changement climatique affectera les cyclones, notamment parce que les systèmes de modélisation du climat sont relativement approximatifs et peinent à représenter les cyclones à leur stade initial. Même ainsi, il subsiste des liens entre le caractère évolutif des conditions climatiques à grande échelle – telles que les températures des océans et de l’atmosphère – et la fréquence et la puissance prévisibles des cyclones.

Dans tout le sud-ouest de l’Océan indien, ces rapports suggèrent qu’avant la fin de ce siècle, on enregistrera une baisse du nombre de cyclones en période estivale. Toutefois, ils relèvent également que les cyclones pourraient devenir plus violents, avec des vents encore plus forts. Ces faits correspondent aux résultats des études réalisées à travers la planète.

Malheureusement, de telles relations entre les climats à grande échelle et les cyclones ne sont effectives que dans des zones étendues et ne peuvent être utilisées pour prédire avec exactitude les changements qui pourraient se produire dans des régions ou des pays. Le changement à ce niveau dépend souvent des changements intervenus dans les trajectoires probables des cyclones.

Pour obtenir des résultats précis à un niveau local, il faut réduire l’échelle des modèles globaux. Cela est possible grâce à l’utilisation des versions régionales du modèle global (utilisation basée sur la modélisation du flux complexe de chaleur, d’humidité et de la quantité de mouvement entre la terre, l’atmosphère et les océans) ou des modèles statistiques qui tentent d’établir des rapports mathématiques directs simplifiés entre, par exemple, la température en surface ou le vent de surface et le climat local (en supposant que la température en surface ou le vent de surface puissent avoir un grand effet sur le climat local).

Modélisation régionale

La modélisation physique a l’avantage de pouvoir déterminer un bon nombre des composantes physiques du climat telles que les vents, l’humidité et la température, et fournir des informations sur les différents aspects du climat. Toutefois, la représentation des processus physiques par le truchement de petites résolutions que le modèle initial ne peut traduire directement peut conduire à des représentations incorrectes. Ainsi, la manière dont s’opère le transfert de la chaleur et de l’humidité entre l’océan et l’atmosphère ou le calcul du bilan énergétique à partir de la représentation de la pluviométrie et des nuages pourraient être erronés.

La mise en place des versions régionales des modèles globaux nécessite également des ressources informatiques étendues. Pour la fiabilité des résultats, les chercheurs devraient effectuer des simulations régionales à partir de différents modèles globaux, dans le cadre de scénarios climatiques actuels et futurs. Cette option n’est pas viable pour les pays en développement tels que Madagascar, qui ont des infrastructures informatiques limitées.

Préférence pour l’utilisation des statistiques

L’autre option consiste à combiner des modèles statistiques et physiques pour simuler des milliers de trajectoires de cyclones et des vents accompagnant ces derniers. Le service météorologique malgache adopte cette approche, en utilisant des données produites par des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology, aux Etats-Unis.

Cette deuxième option offre aux chercheurs la possibilité d’utiliser des statistiques sérieuses pour évaluer de probables changements d’orientations de trajectoire et des vents dans les futurs scénarios climatiques. L’obtention d’une excellente résolution spatiale signifie que des prédictions peuvent être faites à l’échelle des régions. Mais un problème subsiste : les prédictions diffèrent souvent en fonction du modèle physique auquel les statistiques sont associées.

Pour avoir confiance en leurs prédictions, les chercheurs doivent évaluer parmi les modèles réduits ceux qui sont cohérents. Cette opération reste un défi — est-ce suffisant si quatre modèles sur sept concordent sur le changement ou à-t-on besoin de cinq ou six modèles concordant ?

Même ainsi, eu égard aux incertitudes et au coût élevé du matériel informatique nécessaire à la modélisation physique, les approches statistiques semblent offrir la meilleure chance de prédiction de changements régional et local à court terme.

Populations vulnérables

Mais ceci n’est qu’une partie du casse-tête. En effet, il ne suffit pas simplement d’améliorer notre système de modélisation et de compréhension des cyclones. Pour évaluer les risques que ces cyclones représentent pour des populations réelles, nous devons également  déterminer quelles sont les populations les plus vulnérables, quels moyens de subsistance seront le plus durement touchés, et quelles infrastructures sont les plus exposées (les cartes des zones de vulnérabilité pourraient permettre de réduire le nombre de morts dus aux cyclones).

La définition de la vulnérabilité sur une échelle spatiale réduite peut être difficile, en particulier dans les pays en développement où les bases de données et les statistiques à long terme sont souvent inexistantes. Ainsi, il pourrait être nécessaire de procéder à une estimation des pertes agricoles régionales dans les régions frappées par les cyclones – jusqu’ici, seules les données à l’échelle nationale sont disponibles. A Madagascar, quand notre équipe a essayé d’évaluer quels bâtiments étaient vulnérables aux cyclones aux puissances variables, les seules informations faciles d’accès portaient sur les dommages subis par les établissements scolaires lors du passage du cyclone Gafilo en 2004.  

Par conséquent, même si nous réussissons à modéliser des cyclones à une échelle spatiale parfaite, il subsistera toujours des interrogations relatives à la possibilité de pouvoir fournir des informations sur les zones de vulnérabilité avec une précision similaire . En cas de réponse négative, nous ne serons alors capables d’évaluer que les changements relatifs aux risques dans les régions les plus vastes, là où les risques liés à la vulnérabilité et les changements dans les caractéristiques des cyclones peuvent être quantifiés avec précision.

Mark Tadross est un chercheur chevronné au Département des sciences environnementales et géographiques de l’université du Cap, en Afrique du Sud.