25/03/11

L’énergie nucléaire traverse une mauvaise passe

L'énergie nucléaire est sûre et essentielle dans la lutte contre les changements climatiques, mais elle doit être convenablement gérée Crédit image: Flickr/zugaldia

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Le monde a toujours besoin de l’énergie nucléaire, mais l’industrie se doit d’être plus sûre et plus transparente.

Au début de ce mois, un accident survenu dans une mine de charbon a causé d’énormes destructions, faisant plus de 40 morts…mais cet événement est passé presque inaperçu pour la plupart d’entre nous.

La mort des mineurs de charbon, à 4.000 pieds sous terre dans l’Ouest du Pakistan, a été éclipsée par toute l’attention accordée à une autre crise survenue dans le secteur énergétique, l’énergie nucléaire, au lendemain du séisme de grande amplitude survenu au Japon quand des ingénieurs ont perdu la maîtrise du refroidissement de plusieurs réacteurs à la centrale de Fukushima Daiichi.

A Fukushima, personne n’est décédé des suites d’irradiation, même si, hier, deux employés ont été hospitalisés.

Les accidents dans des centrales nucléaires sont rares. Par contre, les catastrophes des mines de charbon sont trop fréquentes pour mériter trop d’attention. En 2004, rien qu’en Chine, plus de 6.000 mineurs de charbon sont morts. Il est vrai que l’uranium tue aussi, mais à une moindre échelle.

En effet, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), si les processus de production de l’électricité à base de charbon, d’hydroélectricité, d’électricité à base de gaz et d’énergie nucléaire étaient analysés scrupuleusement, il en ressortirait que l’énergie nucléaire est la plus sûre.

L’impact sur les changements climatiques

La comparaison entre les risques posés par le nucléaire et le charbon est encore plus biaisée si l’on tient compte de l’impact de la combustion des carburants fossiles sur le réchauffement de la planète. Les décès causés indirectement par l’énergie produite à base du charbon sont plus nombreux que ne le montrent les estimations de l’AIE, puisque les gaz à effet de serre émis par sa combustion contribuent aux changements climatiques.

Selon l’OMS, les changements climatiques tuent déjà 150.000 personnes par an parce qu’ils aggravent les événements climatiques extrêmes et la portée géographique des maladies infectieuses, et mettent à rude épreuve les systèmes de production alimentaire à cause des sécheresses, des inondations et des variations de température.

L’accident survenu dans la mine de charbon au Pakistan n’a pas suscité des appels à la révision de la position du monde sur les centrales électriques à charbon. Par contre, l’accident de Fukushima a suscité une introspection sur le bien-fondé du nucléaire. Pour l’instant, l’Allemagne a temporairement fermé ses sept réacteurs, et la Chine a suspendu l’autorisation de construction de nouveaux réacteurs. Les groupes de pression opposés au nucléaire sont à pied d’œuvre pour influer sur la position des gouvernements à travers le monde.

La vérité est que toutes les options énergétiques comportent des risques. S’il est bien géré, le nucléaire reste une option relativement sûre. Et actuellement, il est la principale source d’énergie en quantité industrielle capable de nous aider à lutter contre les changements climatiques.

Tirer les leçons de Fukushima

La centrale de Fukushima a été détruite à la suite d’un tsunami de 10 mètres de haut qui a balayé la côte Nord-Est du Japon après un séisme d’amplitude 9 survenu le 11 mars.

Ce séisme a interrompu la principale ligne d’alimentation de la centrale en électricité tandis que la vague du tsunami l’a privé de ses sources d’alimentation électrique de secours, privant quatre bâtiments-réacteurs, y compris les piscines contenant les barres de combustible usé, de moyen de refroidissement.

Des leçons ont été déjà tirées de cette catastrophe. Par exemple, les réacteurs conçus dans les années 70 présentent des lacunes sur lesquelles les experts avaient déjà attiré l’attention, et devraient être modernisées ou démantelées. Les nouvelles technologies sont beaucoup plus sûres

Par ailleurs, il faut appliquer les règles de bonne gouvernance, l’ouverture et la transparence à la gestion des installations nucléaires si l’on veut garder la confiance du public. L’une des principales raisons de la forte inquiétude de la population japonaise suite à cette catastrophe tient à la réputation de la Tokyo Electric Power Company, l’entreprise qui gère la centrale, en matière de dissimulation d’informations embarrassantes sur ses opérations.

Au moment où le nucléaire s’exporte vers des pays moins développés qui ne disposent pas de réservoirs de compétences solides, nous devons réfléchir à la possibilité de confier à l’Agence internationale d’énergie atomique un rôle de réglementation, en remplacement de sa mission actuelle, qui consiste à aider les pays à mettre en place leur système de sécurité et se préparer aux urgences.

Besoin du nucléaire

Les anti-nucléaires tirent déjà de cette catastrophe des conclusions d’une plus grande portée. Comparant l’accident de Fukushima et la fusion du cœur du réacteur qui s’était produite à Chernobyl, ils soutiennent que Fukushima constitue la preuve que la dangerosité du nucléaire est inacceptable et cette énergie devrait abandonnée au profit d’autres sources.

Mais l’abandon du nucléaire risque d’entraîner une ruée sur les combustibles fossiles avec des conséquences catastrophiques, notamment l’émission de plus grandes quantités de gaz à effet de serre dans l’atmosphère qui en est déjà pleine. Cela pourrait également déboucher sur une forte demande prématurée de biocarburants, dont les formes actuelles risquent d’avoir un impact nocif sur l’offre alimentaire mondiale, voire, d’après certaines études, conduire à une nette augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

Les énergies renouvelables sont une autre alternative et d’importants progrès ont été accomplis dans leur développement. Les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord réfléchissent à la transformation de leurs déserts chauds en électricité solaire thermique, et le photovoltaïque contribue de manière non négligeable à l’alimentation de 1,5 milliards de pauvres qui ne sont pas connectés au réseau électrique dans le monde en développement.

Certes, les énergies renouvelables sont très prometteuses et pourraient un jour représenter une importante proportion des systèmes énergétiques plus propres. Mais elles sont confrontées à des obstacles de taille, et surtout, elles ne peuvent encore être produites en grandes quantités à partir de centrales comme les sources d’énergie qui font marcher l’industrie et l’infrastructure d’un pays. Avec du temps et des investissements, ces obstacles pourraient être levés. Mais pas avant plusieurs décennies.

Le monde, y compris les pays en développement, a besoin du nucléaire. Après Fukushima, les efforts doivent être concentrés sur la modernisation et la sécurisation, au moyen d’opérations transparentes intégrées à des sociétés bien gérées. L’engagement apolitique envers la transparence y jouera un rôle capital.

Comme toute source d’énergie, le nucléaire présente des risques qui doivent être convenablement gérés. Mais, en définitive, les changements climatiques représentent une menace beaucoup plus sérieuse. Choisir de les combattre sans recourir à l’énergie nucléaire serait encore plus risqué.

Aisling Irwin
Rédacteur en chef actualités et articles de fonds, SciDev.Net