26/01/12

Analyse Asie-Pacifique : Soyez proactifs dans la préparation aux catastrophes

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L'Asie du Sud-Est souffre d'une insuffisante préparation aux catastrophes naturelles. Les gouvernements doivent prendre au sérieux les alertes et agir dès maintenant, selon Crispin Maslog.

Au cours des derniers mois de l'année 2011, des inondations provoquées par le typhon Washi ont en une nuit fait sur l'île de Mindanao au Sud des Philippines quelques 1500 morts et au moins 2000 disparus.

L'île de Mindanao est rarement touchée par les typhons, seulement une fois tous les quarante ans environ. Mais Washi a frappé avec violence. Les articles de journaux font état d'une situation dramatique, évoquant des 'pans entiers d'habitations de fortune dans les villes les plus durement touchées… disparaissant sous des torrents mortels de limon et de boue marron' [1].

LA Thaïlande, quant à elle, a connu son pire déluge depuis un demi-siècle, avec des inondations gonflées par les moussons du Nord-Est du mois d'octobre frappant 65 des 77 provinces thaïlandaises, y compris Bangkok, et faisant au moins 800 morts par noyade et plus de 12 millions de déplacés. La Banque mondiale a estimé le montant des dégâts à 1,4 mille millions de bahts (environ US$ 44,8 milliards), ce qui en fait l'une des catastrophes les plus coûteuses de l'histoire de l'humanité.

Des inondations qui ont submergé non seulement les Philippines et la Thaïlande mais aussi le Cambodge, le Laos, le Vietnam et la majeure partie de l'Asie du Sud-Est vers la fin de l'année 2011 sont non seulement un signe précurseur, mais aussi un signal que le moment est venu pour les gouvernements d'agir, et d'adopter une approche sérieuse et judicieuse de planification.

Une catastrophe annoncée

La triste vérité c'est que les décès et les dégâts auraient pu être limités si les gouvernements et les institutions internationales avaient pris au sérieux les premières alertes.

Les inondations soudaines ayant touché les villes de Cagayan de Oro et d'lligan sur l'île de Mindanao n'étaient qu'une catastrophe annoncée. Il y a trois ans, l'organisation Philippine Imperative for Climate Change (PICC), le Fonds mondial pour la nature-Philippines (WWF) et des scientifiques philippins ont procédé à une simulation des effets des phénomènes climatiques extrêmes liés aux changements climatiques.

Les résultats de la simulation ont été présentés aux législateurs philippins en 2009 et au Président nouvellement élu Benigno Aquino III lors de sa prise de fonction en 2010.,Pourtant le gouvernement a rejeté ces alertes, les jugeant 'trop alarmistes', selon le PICC. [2]

A cette mauvaise préparation s'ajoute une faible réponse. En Thaïlande, les écologistes ont défié le gouvernement afin qu'il assume la responsabilité d'une trop lente réaction à la catastrophe. 'La nature est à 30 pourcent responsable des inondations – la mauvaise gestion des autorités à 70 pourcent', affirme un représentant de l'association thaïlandaise Stop Global Warming. [3]

Elément préoccupant, cette série de catastrophes n'est que la première manifestation, selon les prévisions de certains spécialistes des changements climatiques, de phénomènes climatiques extrêmes plus fréquents pour certaines parties de l'Asie du Sud-Est.

Avec les typhons, les Philippines devront faire face à des vents plus violents, des pluies plus abondantes, des inondations plus fréquentes et des glissements de terrain plus graves. Les scientifiques prévoient des effets similaires dans toute la région et annoncent d'autres inondations, exacerbées par une croissance urbaine incontrôlée dans les villes côtières ou de basse altitude, la montée des océans, des tempêtes plus violentes et des ondes de tempête.

Quel sera le point de basculement ?

Comment les pays font-ils face à cette menace ? Jusqu'à présent, il semblerait que la réponse de la plupart des gouvernements d'Asie du Sud-Est soit davantage réactive que proactive, notamment dans la gestion des catastrophes naturelles.

Le public et les décideurs politiques s'accordent pour dire que la solution consiste à limiter les causes des changements climatiques, en réduisant par exemple les émissions de carbone qui détruisent la couche d'ozone, ,en limitant la pollution de l'air ou en adoptant les énergies vertes. Autant d'actions inspirées par les pays puissants du monde, et qui ont constitué jusqu'à présent la voie à suivre.

Mais, nous avons probablement atteint le point de basculement. Les catastrophes récentes suggèrent que l'Asie du Sud-Est commence en effet à subir les effets les plus graves d'une planification négligée et d'une stratégie purement réactive.

La science pourrait bientôt proposer une réponse, avec la mise au point d'un système de prévision des phénomènes climatiques extrêmes plus rapide et plus précis. Ainsi, les chercheurs développent actuellement une méthode de prévision d'ensemble pour les cyclones, la sécheresse et les inondations dans les tropiques associant plusieurs modèles pour obtenir des prévisions moyennes jusqu'à 10 à 15 jours à l'avance.

Mais une planification judicieuse devra jouer un rôle clé dans ce processus. Les villes d'Asie du Sud-Est s'étendent à un rythme incontrôlé, et les bidonvilles qui poussent le long du littoral et des rives des fleuves sont les zones les plus vulnérables aux inondations. Les gouvernements doivent élaborer des stratégies de gestion de cette croissance urbaine.

En outre, ils doivent améliorer la gestion de l'eau destinée à l'irrigation, l'industrie et aux besoins des ménages. Les pays d'Asie du Sud-Est ont construit des barrages pour stocker l'eau en saison des pluies afin de l'utiliser en saison sèche. Mais maintenir les réservoirs à plein peut s'avérer catastrophique quand arrivent les pluies, et l'eau stockée doit être relâchée malgré les inondations. [4]

Un scénario de ce type serait l'une des principales causes des récentes inondations en Thaïlande intervenues à peine un an après la sécheresse qui a frappé le pays. Un enchaînement similaire s'est produit aux Philippines quelques mois avant le typhon Washi. Trois précédents typhons avaient causé des inondations dans la région de Luzon Central au Nord de Manille, non seulement à cause des fortes pluies mais aussi de l'eau lâchée par les barrages avoisinants.

Les gouvernements doivent systématiquement appliquer les connaissances issues de la recherche scientifique pour mieux se préparer et s'adapter aux catastrophes. Et ils doivent faire davantage pour faire face aux conséquences des grandes inondations en mettant par exemple en place des plans d'évacuation, ou en venant en aide à ceux qui ont perdu leurs habitations.

Ils doivent adopter une gestion proactive plutôt que réactive des inondations et d'autres catastrophes. Le changement climatique n'est pas un problème d'avenir. C'est un problème actuel.

Crispin Maslog

Crispin Maslog, basé à Manille aux Philippines est consultant auprès de l'Institut asiatique du journalisme et de la communication. Il a été journaliste, professeur de journalisme, défenseur de l'environnement, journaliste scientifique auprès de la Fondation de la presse en Asie et consultant en communication auprès de l'Institut international de recherche sur le riz

Références

[1] Government hit for failure to act on flood peril (Philippine Daily Inquirer, 2011)
[2] ‘Sendong’ disaster foretold 3 years ago (Philippine Daily Inquirer, 2011)
[3] Thailand seeks flood prevention plan as Bangkok clean-up operation continues (Guardian, 2011)
[4] Webster, P. and Jian, J. Environmental prediction, risk assessment and extreme events: adaptation strategies for the developing world. Philosophical Transactions of the Royal Society 369, 4768–4797 (2011)