17/04/15

Méningite: Les experts préconisent un changement d’approche

MenAfriVac
Crédit image: Flickr/PATH

Lecture rapide

  • L’OMS permet de recourir au MenAfriVac pour vacciner les bébés contre la méningite
  • Mais les professionnels estiment que la lutte doit s’accompagner d’un plan de prévention
  • Ils notent par ailleurs des risques de nouvelles épidémies liés à des plans de lutte inadaptés.

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Tout en saluant les progrès réalisés dans la lutte contre la maladie, les experts relèvent les freins à son éradication.

L’autorisation donnée par l’OMS, de vacciner les nourrissons contre la méningite, est considérée comme un tournant dans la lutte contre la maladie.
 
A l’avant-garde de la lutte se trouve le projet Vaccin Méningite, un partenariat entre l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’ONG Path et le Serum Institute of India Limited.
 
MenAfriVac, le nouveau vaccin issu de ce partenariat, a été approuvé le 9 janvier dernier pour une utilisation chez les nourrissons.
 
Il est utilisé depuis 2010 dans les programmes de vaccination de masse des enfants et des jeunes adultes âgés d'un à 29 ans. 
 
Lancé dans les pays dits de la “ceinture de la méningite”, il s’est déployé au Bénin, au Burkina Faso, au Cameroun, en Côte d'Ivoire, en Éthiopie, en Gambie, au Ghana, au Mali, au Niger, en Mauritanie, au Nigeria, au Sénégal, au Soudan, au Tchad et au Togo.

Selon Suresh Jadhav, directeur exécutif du Serum Institute of India Ltd, lors du lancement, en décembre 2010, des campagnes de vaccination au Burkina Faso, le vaccin MenAfriVac a été administré à 11,5 millions de personnes en seulement onze jours.

Suresh Jadhav se félicite du fait que suite aux premières campagnes de vaccination au Burkina Faso, aucun nouveau report de cas n’a été enregistré au sein des populations vaccinées.

A 0,50 centime de dollar US (environ 250 FCFA) la dose, la fabrication du MenAfriVac a été assurée par un don de 70 millions de dollars de la Fondation Bill et Melinda Gates, l'OMS, en partenariat avec PATH, une ONG américaine spécialisée dans le montage d'opérations médicales d'envergure, ainsi que l'UNICEF.

MenAfriVac appartient à une catégorie de vaccins qui assurent une meilleure immunité, en comparaison avec les vaccins des générations précédentes.

Selon Suresh Jadhav, “le MenAfriVac, est un vaccin à injection unique, spécifiquement conçu pour lutter contre les épidémies de méningite à méningocoques du groupe A, recensées en Afrique.”

Meilleure protection

D'après lui, il offre une protection plus longue qui couvre une période de dix ans, par rapport aux vaccins précédents qui couvraient une période de deux à trois ans.

Kathleen Neuzil, de l'ONG américaine PATH, renchérit: “Nous savons, grâce aux études sérologiques réalisées sur les sujets âgés d'un à 29 ans, que les anticorps du vaccin persistent pendant au moins 6 à 7 ans”.

Mais depuis le feu vert de l’OMS pour la vaccination des nourrissons, les spécialistes soulignent désormais l’importance de mesurer la durée de vie des anticorps dans cette couche d’âge.

PATH travaille d’ores et déjà avec certains partenaires sur les essais originaux, afin de mesurer la durée des anticorps dans le sang des nourrissons ayant reçu des doses de vaccin, il y a 5 à 7 ans.

“La prévention reste l'enjeu le plus important”

Yves Mongbo
Organisation ouest-africaine de la Santé

 

Pour ce qui est de la riposte à proprement parler, les experts distinguent deux méthodes conventionnelles: la vaccination réactive, qui consiste à composer des équipes pour réagir une fois que l'épidémie est déjà présente sur le terrain et la deuxième, qui privilégie la prévention.

Yves Mongbo, de l’Organisation ouest-africaine de la Santé (OOAS), relativise l'impact de la méthode réactive, estimant qu'il s'agit d'un processus lent et coûteux. En revanche, d’après lui, “la prévention reste l'enjeu le plus important.”

Forte mortalité

La méningite à méningocoque A est une infection bactérienne des membranes enveloppant le cerveau et les méninges. La maladie se traduit par de la fièvre, une raideur dans la nuque, des maux de tête et des vomissements.

Elle est causée par une bactérie très fragile qui circule entre les personnes par le biais des sécrétions respiratoires et dont la survie est très courte à l'extérieur de l'hôte.
Une fois dans l'organisme, la bactérie se loge au fond de la gorge, avant d'atteindre le cerveau.

Marie-Pierre Préziosi, directrice du Projet Vaccin Méningite, précise également que la méningite qui sévit en Afrique est particulièrement redoutable, car “elle a un lourd poids épidémique.”

Yves Mongbo estime pour sa part que malgré les traitements effectués sur les personnes qui en souffrent, elle est cause de 10 pour cent de décès chez les personnes atteintes.
Selon lui, “20% des personnes atteintes soignées finissent avec des séquelles permanentes telles que la surdité, des risques d'amputation de membres ou encore une régression de leurs facultés mentales.”

L'épidémie de méningite A sévit en période sèche, durant la saison de l’harmattan.

Les conditions climatiques et la promiscuité favorisent la circulation des bactéries qui sont transportées dans l'arrière-gorge ou dans le nez, avant de passer ensuite dans les méninges.
“En 1996, plus de 250 000 cas de méningite A ont été ainsi rapportés, dont 25 000 décès”, a déclaré Marie-Pierre Préziosi à SciDev.Net.

Risque de nouvelles épidémies

Par ailleurs, l’experte note que les 26 pays de la ceinture africaine  de la méningite, qui s'étend du Sénégal à l'ouest jusqu'à l'Ethiopie à l'est, sont frappés presque chaque année par des épidémies.

A la date d'aujourd'hui, 217 000 000 de personnes âgées d'un à 29 ans ont été vaccinées dans 15 des 26 pays de la ceinture de la méningite.

Cependant, Marie-Pierre Préziosi relativise ces avancées positives: “Les pays de la ceinture de la méningite ont une population jeune et d'ici 10 à 15 ans, si rien n'est fait, les personnes âgées de moins de 15 ans dans les pays affectés par la méningite A n’auront pas reçu le vaccin et l'épidémie pourrait repartir de nouveau.”

“Le risque que les épidémies resurgissent est bien réel. Un nombre croissant de nouveau-nés non protégés constituera, au fil du temps, une proportion importante de la population dans les pays affectés par la méningite A, d'où la nécessité de maintenir la vaccination de routine des nourrissons”, explique-t-elle.

Elle juge important de vacciner même les plus jeunes nourrissons, car chez ces derniers, la méningite A est souvent plus difficile à identifier.

Kathleen Neuzil de l'ONG américaine PATH, déclare quant à elle : “L'OMS, les Centres de Contrôle et de Prévention des maladies et les autres partenaires continuent de surveiller les causes de la méningite A en Afrique. Sur un autre plan, nous cherchons à vérifier s'il y a baisse de l'immunisation du vaccin avant que la maladie ne resurgisse, raison pour laquelle la réalisation des études sérologiques ci-dessus mentionnées est également importante.”

"Cependant, ajoute-t-elle, en comparaison avec d'autres vaccins similaires, nous prévoyons que la protection du MenAfriVac durera de nombreuses années. Et bien sûr, parce que nous avons procédé à la vaccination de tout le monde au sein des populations de moins de 30 ans, nous avons interrompu la circulation de la méningite A au sein de cette couche sociale et cette immunité réduit davantage les risques de récidive de la maladie.”

“En moins d'une décennie, nous avons prouvé qu'un vaccin efficace et sans risque pouvait être développé et déployé dans plusieurs pays à un prix acceptable”, explique encore Kathleen Neuzil.

Créé en juin 2011, le Projet Vaccin Méningite a été mis sur pied dans le but d'enrayer les épidémies de méningite A, considérées comme un problème majeur de santé publique en Afrique.

Pour l'OMS, l’objectif à travers le Projet Vaccin Méningite, consiste à assurer une transition des campagnes de masse vers des campagnes de routine, afin d'assurer le contrôle durable de la maladie.

Sept pays (le Burkina Faso, le Cameroun, le Ghana, le Mali, le Niger, le Nigeria et le Tchad) prévoient déjà d'introduire le vaccin dans leurs programmes de vaccination de routine, à partir de cette année.

Par la suite, d'autres campagnes de vaccination de masse se poursuivront jusqu'en 2016 dans les 26 pays appartenant à la ceinture africaine de la méningite A.