06/10/08

Cyclones dans l’Océan indien: Faits et chiffres

Vents violents lors du passage du cyclone Nargis au Myanmar, en mai 2008 Crédit image: Azmil77/Flickr

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Greg O’Hare explique ce que sont les cyclones, pourquoi, quand et comment ils naissent, se développent et repense leurs effets en Asie du sud.

‘Cyclone tropical’ : c’est le terme général utilisé pour désigner les courants atmosphériques de basse pression sous les tropiques. Ils sont accompagnés de vents tournant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère nord et de vents tournant dans le sens des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère sud

Les cyclones tropicaux d’intensité faible à modérée amènent les pluies indispensables à l’agriculture dans toute la région septentrionale de l’Océan indien. Mais lorsque les cyclones tropicaux se renforcent, ils peuvent être à l’origine d’un grand nombre de pertes humaines et matérielles dans la région.

Structure des cyclones

Tous les cyclones tropicaux ont une pression atmosphérique faible au niveau du sol et un vortex de vents convergents et d’air ascendant. Ils ont tous d’importants nuages chargés de pluie constitués en couches (nimbostratus profond) et d’imposants nuages chargés de pluie , disposés à la verticale et appelés cumulonimbus.. Pourtant, malgré ces caractéristiques communes, les cyclones tropicaux en Asie du sud varient énormément par leur taille, leur fréquence et leur intensité, et ont des effets différents selon les terres traversées.

Le Tableau 1 montre quatre types de cyclones tropicaux. Ces systèmes atmosphériques forment un continuum – si les conditions sont bonnes et que la pression en surface baisse de manière progressive, une dépression atmosphérique peut se transformer en une dépression tropicale, puis en tempête tropicale et , enfin, en une tempête tropicale intense. En Asie du sud, comme dans le monde occidental, les tempêtes tropicales de très forte intensité portent le nom d’ouragans. Or, les courants les plus intenses dans le Pacifique sont qualifiés de cyclones, ce qui participe à la confusion.

Type de système cyclonique tropical

Vitesse (m/sec)

Taille (km)

Durée (days)

Largeur (km)

Fréquence

 

Précipitations (cm)

Dépression atmosphérique

<8

 

2–4

 

1–3

 

150–300

 

fréquente

 

5–10

 

Dépression

8–17

 

4–8

 

2–5

 

250–500

 

courante

 

10–20

 

Tempête

17–32

 

8–10

 

3–10

 

300–600

 

intermittente

 

20–50

 

Ouragan

>32

 

8–12

 

5–7

 

400–1000

 

rare

 

50–150

 

Tableau 1: Types de cyclones tropicaux en Inde [1]

Les dépressions atmosphériques et les dépressions sont les systèmes les plus fréquents, et sont à l’origine de la majeure partie des précipitations annuelles en Inde (près de 890mm). En effet, leurs précipitations de faible intensité constituent la colonne vertébrale de l’agriculture en Asie du sud.

Mais dans le cas d’une longue série de profondes dépressions tropicales (pouvant durer de trois à quatre semaines), les précipitations cumulées peuvent conduire à des inondations importantes, à des ruptures de digues et à des glissements de terrains. Au sud du Bangladesh, plus de 100 familles ont été emportées par les eaux quand une digue a cédé en juillet 2004. En 2008, les inondations consécutives à la mousson d’été et les glissements de terrain en Inde (en particulier dans l’Etat du Bihar) ont fait 1065 morts et touchés environ 7, 9 millions de personnes.

Comment naissent les ouragans

Les cyclones tropicaux qui touchent l’Asie du sud trouvent leurs origines dans les océans environnants, en particulier dans la baie du Bengale. Leurs naissance et développement sont conditionnés par au moins cinq exigences : une pression faible à la surface ; une abondance d’air humide capable de convection ou d’ascension dans l’atmosphère ; des températures à la surface des océans supérieures à 26-27 degrés Celsius ; une petite tension du vent – la vitesse à laquelle la force et la direction du vent changent avec l’altitude dans l’atmosphère ( notamment pour les systèmes plus élevés et plus intenses) ; et la puissance de la rotation de la Terre pour faire rentrer le système dans un vortex rotatif.

En Asie du sud, les cyclones tropicaux tirent leur principale énergie de l’intense évaporation qui s’opère au-dessus des eaux tempérées – et non pas, contrairement aux cyclones de moyenne latitude – des températures contrastées entre les masses d’air froid et les masses d’air chaud.

La vapeur d’eau, qui s’est évaporée de la mer, rentre dans le cyclone en formation. A mesure que l’air qui s’élève à l’intérieur du cyclone refroidit, l’humidité évaporée se transforme en nuage, formant des milliards de très fines gouttelettes d’eau. La transformation de la vapeur d’eau en gouttelettes d’eau libère une grande quantité de chaleur (latente), fournissant l’énergie qui permet au cyclone de se revigorer et de continuer à se développer.

Fréquence et régulation des mousson

Les cyclones tropicaux qui touchent l’Asie du sud font partie du système régional de vents de mousson. La mousson d’Asie du sud comporte des vents humides du sud-ouest provenant des océans austraux et soufflant au-dessus de la masse terrestre continentale d’Asie du sud en été, et des vents humides du nord-est, qui soufflent dans la direction opposée en hiver.

Le réchauffement différentiel de la terre et de la mer entraîne ce mouvement. En été, la terre chauffe plus rapidement que les océans, produisant une faible pression sur elle-même et une forte pression sur l’océan. La pression des vents s’opèrent du haut vers le bas, , amenant des vents puissants et humides des océans vers l’Asie du sud. Pendant l’hiver, le réchauffement différentiel et les systèmes de pression sont inversés, les vents du nord-est, forts et secs, finissent par souffler de l’Asie du sud vers les océans austraux.

La majeure partie des précipitations sur la région survient en été (de juin à septembre) et a pour origine des dépressions tropicales relativement faibles mais fréquentes.. Amenés par des vents de mousson, ces systèmes se déplacent en direction de la terre le long de la côte ouest de l’Inde, mais touchent plus fréquemment la côte est de l’Inde et du Bangladesh.

Les tempêtes et les ouragans tropicaux plus intenses, qui ont également tendance à se former principalement dans la baie du Bengale, se produisent la plupart du temps lors du passage de la saison d’été, humide, à celle de la mousson, période hivernale et sèche (octobre à novembre), quand le cisaillement du vent est faible. Les puissants cyclones, qui dominent dans l’atmosphère, ont du mal à se former au cours de la principale saison de la mousson (juin à septembre) le fort cisaillement du vent les déstabilisant et les détruisant.

Dégâts causés par les ouragans

Les régions de l’Asie du sud les plus exposées aux ouragans sont les basses régions côtières autour de la baie du Bengale (Bengladesh, Est de l’Inde et Myanmar). Ce sont les premières régions touchées par les tempêtes lorsque ces dernières atteignent la terre, et ce sont également quelques unes des régions les plus fertiles pour l’agriculture – et densément peuplées – en Asie du sud, y compris les deltas des fleuves côtiers tels que le Godavari, le Gange et l’Irrawaddy.

Les vitesses élevées des vents qui accompagnent les ouragans, les précipitations intenses et les ondes de tempête (niveaux de la mer exceptionnellement élevés) détruisent des vies et des biens, et peuvent laisser des régions sinistrées. Des vents, soufflant souvent à plus de 117 kilomètres/heure, emportent ou endommagent sérieusement les habitations fragiles.

La forte intensité des précipitations sur une période relativement courte (jusqu’à 50 centimètres , voire plus, sur une période de trois à sept jours) peut provoquer de graves inondations et la dégradation des cultures majeures. A l’instar des cyclones de moindre intensité, ces inondations peuvent accroître le nombre de pertes humaines et matérielles en cas de destruction des réservoirs et de glissements de terrains.

Cependant, la partie la plus destructrice d’un cyclone est l’onde de tempête qui se trouve à l’avant de la tempête, qui gagne de l’altitude à mesure qu’elle progresse à l’intérieur des terres. Les ondes de tempête d’ouragans puissants peuvent atteindre deux à trois mètres de haut le long de la côte est d’Andhra Pradesh, en Inde. Au bout de la baie du Bengale, où le littoral devient étroit, les ondes de tempête peuvent atteindre une hauteur stupéfiante de 12 à 13 mètres et tuer beaucoup de personnes (voir Tableau 2).

Région

Date

Nombre de morts

Andhra Pradesh

10 octobre 1679

20,000

Bangladesh

07 octobre 1737

300,000

Bangladesh

13 novembre 1970

500,000

Andhra Pradesh

26 novembre 1977

>10,000

West Bengal

29 avril 1991

140,000

Tableau 2: Nombre de morts causées par les cyclones dans la région de la baie du Bengale [1]

Les ouragans dans un monde qui se réchauffe

Les chances que les ouragans fassent plus de dégâts en Asie du sud à l’avenir sont grandes, en raison de l’accroissement de la densité des populations dans les régions côtières. Le nombre de personnes exposées pourrait également augmenter si les ouragans deviennent plus puissants à mesure que la planète et les océans se réchauffent.

Certaines études menées sur le sujet n’ont pas établit de preuve de l’augmentation de la fréquence ou de l’intensité des ouragans dans les Caraïbes. [2,3] D’autres études ont trouvé un faible changement de fréquence et d’intensité des ouragans dans le monde au cours de ces 20 dernières années. [4]

En revanche, d’autres indices solides, basés sur des données fiables, ont montré qu’au cours de ces dernières années, les ouragans, en particulier les plus puissants (de catégories 4 et 5), se sont intensifiés dans toutes les régions touchées par les ouragans, y compris dans le nord de l’Océan indien (Tableau 3). [5,6]

Bassin

1975–1989

 

1990–2004

 

 
Nombre

 

Pourcentage de tous les ouragans

Nombre

 

Pourcentage de tous les ouragans

Est du Pacifique

36

 

25

 

49

 

35

 

Ouest du Pacifique

85

 

25

 

116

 

41

 

Nord de l’Atlantique

16

 

20

 

25

 

25

 

Sud-ouest du Pacifique

10

 

12

 

22

 

28

 

Océan Indien

24

 

13

 

57

 

29

 

Tableau 3: Changements du nombre et du pourcentage des ouragans de catégories 4 et 5 pour les périodes 1975–89 et 1990–2004 dans les différents bassins océaniques. [5]

Populations vulnérables

Les populations les plus exposées aux ouragans à travers le monde sont celles qui jouissent d’un accès limité aux ressources économiques, et disposent de faibles niveaux de technologie, d’ informations et de techniques de mauvaise qualité, d’ infrastructures minimales et d’ institutions politiques instables ou faibles (Tableau 4). Ces groupes ne sont pas totalement capables de se préparer ou de se protéger eux-mêmes contre les ouragans, ni de réagir et de faire face à leurs impacts.

Les communautés de castes inférieures
Les minorités ethniques
Les femmes, en particulier celles qui seraient veuves ou abandonnées
Les personnes âgées
Les enfants, en particulier les filles
Les handicapés
Les personnes à faibles revenus
Les personnes endettées
Les personnes isolées par l’absence de moyens de transport, de communication et de santé

Tableau 4: Groupes sujets à des catastrophes en Inde [1]

Quand un ouragan de catégorie 4 a touché la région du delta de Godavari, à l’est de l’Inde, en novembre 1986, plusieurs groupes de personnes marginalisées ont réagi différemment aux effets de cet ouragan. Ainsi, les agricultrices pauvres qui travaillaient dans des rizières dévastées par les inondations ont dû vendre leurs maigres biens pour aller travailler comme domestiques dans les villages voisins, ou ont migré vers d’autres régions rizicoles pour s’en sortir. Par contre, les communautés pauvres de pêcheurs de la côte du delta (où de nombreuses personnes ont perdu la vie à cause des ondes de tempête) se sont tournées vers leurs familles et leurs proches pour trouver une aide financière, alimentaire ,renouveler leurs équipements de pêche et se remettre des effets de cet ouragan.

Les précautions de base

Il existe plusieurs façons de minimiser les effets des ouragans, qui vont probablement augmenter, dans la région. L’une des solutions est l’amélioration des structures physiques qui protègent les populations. Ainsi, un grand nombre de nouveaux abris anticycloniques sont en chantier le long de la côte est de l’Inde. Le nombre de décès dus aux ouragans baissera certainement si plus d’habitants de ces régions étaient encouragés à utiliser ces abris.

L’amélioration des dispositifs gouvernementaux de pré-alerte et d’évacuation permettra également de sauver des vies, bien que l’accès à ces dispositifs puisse être limité en raison de l’isolement d’un grand nombre de communautés, des barrières linguistiques, et du mauvais état des systèmes de transport et de communication (y compris de radio/téléphone). Cependant, c’est grâce aux améliorations, certes lentes, apportées par l’introduction et l’utilisation de ces systèmes que les ouragans, qui auraient probablement causé la mort de 10 000 personnes dans l’Andhra Pradesh à la fin des années 1970, n’en tuent plus que près de 1000 de nos jours.

Les gouvernements et les agences internationales peuvent également faire beaucoup pour atténuer les effets des tempêtes grâce à des politiques de réhabilitation, telles que la distribution d’aides de base (aliments, abri, huile de cuisson et eau potable). Il est également très important que les communautés affectées bénéficient de meilleures services de santé, la propagation des maladies d’origine hydrique (telles que la typhoïde et la dysenterie) après le passage des ouragans causant souvent plus de décès que les inondations, les glissements de terrains ou même les ondes de tempête.

Greg O’Hare est professeur de géographie à l’Université de Derby, au Royaume-Uni.

Références

[1] O’Hare, G. L’Ouragan 07b dans le delta de Godavari, Andhra Pradesh, Inde: vulnérabilité, atténuation et effets spatiaux. The Geographical Journal 167, 23–38 (2001)

[2] Michaels P.J., Knappenberger, P.C. & Davis, R.E. Températures à la surface des mers et cyclones tropicaux dans le bassin de l’Atlantique. Geophysical Research Letters 33, (2006)

[3] Hoyos, C.D., Agudelo, P.A., Webster, P.J. et al. Déconvolution des facteurs qui contribuent à l’augmentation de l’intensité des ouragans dans le monde. Science 312, 94–97 (2006)

[4] Klotzbach, P.J. Tendances de l’activité cyclonique mondiale au cours des 20 dernières années (1986-2005) Geophysical Research Letters 33, (2006)

[5] Webster P.J., Holland, G.J., Curry, J.A. et al. Changement du nombre, de la durée et de l’intensité des cyclones tropicaux dans un environnement en réchauffement. Science 309, 1844–1846 (2005)

[6] Elsner, J.B., Kossin, J.P. & Jagger, T.H. L’intensité croissante des plus puissants cyclones tropicaux. Nature 455, 92–95 (2008)