11/11/11

Unesco: les programmes scientifiques menacés par la fin des contributions US

Bokova: « Je suis absolument prête à réviser l'ensemble de notre action, nos modalités de fonctionnement, nos structures au sein du Secrétariat » Crédit image: Flickr/Governo de Minas Gerais

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

Les programmes scientifiques de l'UNESCO subissent des gels et des réductions de financement suite à la décision des Etats-Unis de suspendre ses contributions.

L'impact des effets négatifs de cette décision est cependant difficile à évaluer pour l'instant dans la mesure où une part importante du financement des programmes scientifiques provient des contributions volontaires des Etats membres ne faisant pas partie du budget général de l'UNESCO, (l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture) et dont les Etats-Unis sont le plus gros contributeur.

Les contributions américaines ont été gelées suite à l'admission, au terme d'un vote, de la Palestine comme Etat membre de l'Organisation au cours de la conférence générale biennale qui s'est tenue la semaine dernière (31 octobre). Cette décision a immédiatement conduit à la prévision d'un déficit de trésorerie de US$ 65 millions d'ici la fin de l'année 2011 et à une baisse de 22 pourcent du budget de l'organisation pour l'exercice 2012-2013, ce qui correspond exactement la part de la contribution américaine,.

Irina Bokova, directrice générale de l'UNESCO, a déclaré pendant la conférence (9 novembre) que les budgets de divers programmes seront gelés jusqu'à la fin de l'année et toutes les activités seront passées en revues.

« J'ai temporairement interrompu certaines activités pour réviser leurs coûts », a-t-elle ajouté.

Elle a également procédé au lancement d'un fonds d'urgence auquel le gouvernement gabonais a été le premier à annoncer une contribution de US$ 2 millions.

Des responsables de l'UNESCO affirment, sous couvert d'anonymat, qu'ils ressentent déjà les effets négatifs de la décision américaine avec le gel de tous les voyages, qui affecte en particulier les bureaux régionaux, et l'incapacité des départements à signer de nouveaux contrats. De manière plus grave, l'impact du gel des contributions volontaires ou extrabudgétaires sur les programmes financés par l'UNESCO n'a pas encore été évalué mais il pourrait affecter les programmes scientifiques.

Cette incertitude est due au fait que l'essentiel des contributions extrabudgétaires, souvent réservées par les Etats membres à des programmes précis, va au secteur des sciences de la vie. Par exemple, le budget du programme science, technologie et innovation relevant de ce même secteur et qui s'élève à peu près à US$ 10 millions pour les années  2010-2011, a bénéficié de contributions volontaires supplémentaires de plusieurs pays d'un montant total de US$ 19 millions, soit presque le double du budget initial.

De même, le renforcement des capacités du programme scientifique destiné à  l'Afrique a reçu environ US$ 2,5 millions provenant du budget régulier et jusqu'à US$ 8,5 millions de contributions volontaires.

Selon Madame Bokova, le programme d'extension du système d'alerte rapide sur les tsunamis du Pacifique aux Caraïbes devrait être affecté par les gels.

« Les Etats-Unis apportent une contribution financière substantielle à ce système dans le Pacifique. Cette décision risque de ralentir les efforts d'amélioration du système », s'inquiète un responsable de l'UNESCO.

Ce programme est placé sous les auspices de la Commission océanographique inter-gouvernemantale (COI), l'un des plus vastes programmes scientifiques de l'organisation. Toutefois, la COI dispose de son propre financement, la Palestine ne fait pas partie de ses pays membres, et les avis divergent sur la gravité des effets attendus de la décision américaine.

« J'ai la certitude que de nombreuses activités de la COI, dont la nôtre, feront l'objet d'un examen attentif », affirme Brian Yanagi, spécialiste de la gestion des catastrophes au centre international d'informations sur les tsunamis à Hawaii ,financé par la COI et l'Administration nationale des Etats-Unis pour les questions océaniques et atmosphériques (en anglais NOAA, National Oceanic and Atmospheric Administration).

« Tous les groupes de coordination de la COI dans le Pacifique, l'Océan indien et les Caraïbes attendent de voir quel sera l'impact de ce problème [de gel] des contributions. Ses effets sur la collecte des données ne sont pas encore clairs », confie-t-il à SciDev.Net.

Lorna Innis, directrice adjointe de l'Unité de gestion de la zone littorale de la Barbade et présidente du Groupe de l'UNESCO pour la coordination intergouvernementale du Système d'alerte rapide sur les tsunamis et autres risques côtiers pour les Caraïbes et les régions avoisinantes fait remarquer que les Etats-Unis ont déjà versé une contribution substantielle au développement de ce système d'alerte dans les Caraïbes.

Elle a par ailleurs ajouté que le Nicaragua développe ses propres capacités d'alerte rapide, précisant que : « [s]i nous ne pouvons pas avoir un centre pour l'ensemble des Caraïbes, nous allons probablement devoir étendre le système déjà existant en Amérique centrale ».

Selon les responsables de l'UNESCO, le projet d'accès à l'eau douce en Afrique du Nord, qui est coordonné par la Jordanie avec la contribution financière du Service d'études géologiques des Etats-Unis (en anglais US Geological Survey), ainsi qu'un programme de cartographie pour les technologies géospatiales  en Afghanistan sont autant de programmes scientifiques susceptibles de souffrir gravement de cette situation.

Un nouveau programme sur l'ingénierie, qui a fait l'objet d'un débat cette semaine pendant la conférence, est également menacé. « L'on se demande si les Etats-Unis peuvent maintenant justifier une telle décision », s'interroge John Daly, ancien responsable de la science à l'agence USAID et vice-président de l'association Americans for UNESCO.

Mais pour Alec Boksenberg, ancien président de la Commission nationale du Royaume-Uni pour l'UNESCO et du Comité pour la science, la décision américaine est « regrettable mais ce n'est pas une catastrophe », puisque les Etats-Unis continuent à soutenir politiquement le travail de l'organisation et participent aux réunions et aux votes. Il estime que les réductions budgétaires, à court terme, risquent de se faire de manière « arbitraire».

« Les décisions de réduction des budgets des programmes seront presque inévitablement prises de façon aléatoire ».

Toutefois, il a ajouté que des économies peuvent être réalisées grâce à « une meilleure gestion…c'est l'occasion pour l'UNESCO de se réformer en profondeur ». Au début de cette année le Ministère britannique de développement international (DFID) a menacé de suspendre ses contributions à l'UNESCO, soit environ sept pourcent du budget total, si l'organisation ne procèdait pas à des réformes dans un délai de deux ans.

S'adressant à la conférence générale, Madame Bokova a déclaré : « Je sais très bien que cette situation est également l'occasion d'accélérer la réforme [de l'UNESCO]. Je suis absolument prête à réviser l'ensemble de notre action, nos modalités de fonctionnement, nos structures au sein du Secrétariat ».

Voir ci-dessous une vidéo de la déclaration d'Irina Bokova sur le gel des contributions américaines: