24/10/11

Le Nigéria fonde ses espoirs d’une révolution verte sur le manioc

[ABUJA] La campagne lancée il y a deux mois par le Nigeria pour améliorer la qualité et la transformation du manioc, dans le cadre d'un ambitieux projet visant à transformer le pays en une locomotive Crédit image: Flickr/IITA Image Library

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[ABUJA] La campagne lancée il y a deux mois par le Nigeria pour améliorer la qualité et la transformation du manioc, dans le cadre d’un ambitieux projet visant à transformer le pays en une locomotive de production alimentaire, est maintenant dirigée par un chercheur spécialiste du manioc.

Martin Fregene, le directeur d’une équipe de chercheurs connus sous le nom de BioCassava Plus au Donald Danforth Plant Center, aux Etats-Unis, a été nommé conseiller spécial du ministre nigérian de l’agriculture.

Pourtant, l’approche adoptée par le Nigeria par rapport à l’agriculture a été critiquée par un membre du conseil de l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA) parce qu’elle ne prend pas assez en compte les besoins et les capacités des agriculteurs.

Le ministre nigérian de l’agriculture, Akin Adesina – ancien vice-président de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique — a annoncé des projets pour transformer le secteur agricole du pays, à l’IITA, en août dernier (11-12 août).

Adesina a déploré l’absence du Nigeria sur le marché mondial du manioc, bien que ce pays en soit le plus grand producteur mondial, avançant la "mauvaise qualité du produit" pour expliquer l’échec de la tentative nigériane d’exportation vers la Chine.

Il a ajouté que les agriculteurs doivent chercher les moyens d’améliorer la valeur en trouvant les moyens de transformer leur manioc en produits, tels que la farine.

Nommé le mois dernier (15 septembre) pour mener à bien cette révolution et pour assister Adesina avec un plan d’action, Fregene a déclaré : "Nous devons … faire une révolution verte qui rendra le Nigeria autosuffisant dans le domaine de la production alimentaire".

Adesina a déclaré que la révolution mettra l’accent sur la fourniture et la disponibilité d’intrants comme les semences et les engrais, augmentant les rendements des cultures et créant des zones de traitement des cultures. Elle aura également pour objectif de réduire les pertes pré- et post-récolte, de fournir l’accès aux services financiers et aux marchés des capitaux, et d’améliorer les liens avec l’industrie.

Or John Pickett, un membre du conseil de l’IITA et chercheur au Centre de recherches agricoles Rothamsted Research du Royaume-Uni, se dit inquiet à l’idée que l’industrialisation de l’agriculture nigériane puisse avoir des conséquences "désastreuses" pour ses agriculteurs, s’ils ne participent pas à chaque étape du processus.

"Au sens large, il s’agit ici de tirer des bénéfices en faisant de l’agriculture à l’échelle industrielle. Je ne suis en aucune façon convaincu que la révolution verte ait beaucoup à offrir à la grande majorité des agriculteurs en Afrique".

"Ils n’achètent pas leurs semences ou de l’engrais et n’utilisent pas de pesticides. Parler des chaînes des valeurs est absurde quand vous avez affaire à des gens qui ne vendent rien. La plupart des [petits agriculteurs] vont au lit le ventre vide. La sécurité alimentaire est vraiment la base de toute agriculture. "

Pickett affirme néanmoins qu’il soutient certains des éléments de la révolution, comme l’accent placé sur les cultures des petits exploitants. Mais il ajoute que les petits agriculteurs auraient du mal à intensifier leur production s’ils ne peuvent acheter les entrants.

Il a affirmé que les techniques push-pull (repousser/attirer) sont un exemple à suivre. Des céréales comme le maïs sont ainsi intercalées avec une plante qui repousse les parasites, et bordées d’une autre plante qui attire ces parasites et les incitent à pondre leurs œufs sur cette plante piège plutôt que sur les cultures. Ce genre de technique push-pull  a selon lui permis à plus de 45 000 petits agriculteurs au Kenya d’intensifier leurs rendements.

Pour Fregene, la recherche et développement constituerait la force motrice de la révolution verte. Le projet prévoit le renforcement des institutions de recherche agricole, la formation d’une nouvelle génération de chercheurs et l’amélioration des partenariats avec les agriculteurs et le secteur privé "en vue de s’assurer que les produits de la recherche répondent aux besoins des parties prenantes".

Adesina affirme que la révolution mettrait également l’accent sur le développement des infrastructures, l’amélioration des institutions rurales, le renforcement des associations d’agriculteurs, ainsi que l’amélioration des conditions des femmes et des enfants.