21/12/09

Analyse africaine : S’entendre sur des règles communes en matière de biodiversité

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Pour Linda Nordling, si les pays africains souhaitent atteindre les nouveaux objectifs en matière de biodiversité, ils devront combler les lacunes scientifiques et renforcer l'adéquation entre les objectifs et les accords climatiques.

En 2010, déclarée année internationale de la biodiversité par les Nations Unies, les Etats du monde devraient convenir sur de nouveaux objectifs pour la préservation des espèces.

La Conférence des Etats Parties à la Convention sur la Diversité biologique (CDB), prévue à la fin du mois d'octobre 2010 à Nagoya au Japon, aura pour objectif de mettre en place un cadre international pour garantir un accès et un partage plus équitables des ressources génétiques.

Mais comme beaucoup d'autres régions du monde, l'Afrique est d'ores et déjà assurée de ne pas pouvoir "réaliser, d'ici 2010, une réduction significative du rythme de la perte de biodiversité", le dernier objectif fixé par la CDB en 2002. Selon les scientifiques, les taux d'extinction s'accélèrent au lieu de ralentir et les zones à la biodiversité riche comme l'Afrique sont particulièrement vulnérables à cette tendance.

Les nouveaux objectifs fixés pour 2020 seront-ils davantage réalisables ?

Des objectifs tangibles

Les nouveaux objectifs pour 2020, actuellement sous forme d'ébauche, semblent meilleurs que les précédents, vagues et difficilement quantifiables.

Ils sont plus précis :  ainsi, la déforestation et la dégradation des forêts devra être réduite de 50 pour cent et la protection d'au moins 15 pour cent de la surface de la terre et des océans, notamment les habitats les plus critiques, devra être assurée.

Ils abordent aussi les causes profondes de la perte de biodiversité que sont les moteurs de l'économie, la pauvreté et le manque d'éducation. Cela est une bonne nouvelle pour l'Afrique.

Mais ces objectifs viendront également accroître la pression sur les pays africains afin qu'ils consacrent davantage de ressources scientifiques et politiques à la protection de la biodiversité.

L'Afrique doit s'engager

Note positive, en cherchant à évaluer le coût de la protection de la biodiversité afin d'inciter financièrement les pays en développement à protéger leurs ressources biologiques, les négociations de la CDB pourraient faciliter la récolte des fonds pour l'Afrique .

Mais les pays africains ont été lents à s'engager dans la définition de ces nouveaux objectifs. Très peu d'Etats du continent ont soumis des propositions initiales, révèle Robert Höft, responsable des affaires environnementales au Secrétariat de la CDB à Montréal au Canada.

La situation a pourtant évolué le mois dernier (11-12 décembre) avec la participation par une trentaine de pays africains à une réunion au Caire en Egypte pour débattre de la dernière ébauche de texte concernant ces nouveaux objectifs.

Les délégués se sont montrés particulièrement enthousiastes à l'idée de mettre en place des structures d'appui pour la mise en œuvre de la protection de la biodiversité. Pour Höft, il s'agissait notamment "des domaines comme le renforcement des capacités, le financement et le transfert des technologies".

Le renforcement des capacités est effectivement une chose essentielle pour la plupart des pays africains. Un rapport préparé par la Tanzanie en 2006 a conclu que le manque de ressources financières et d'expertise 'nuisent' ou 'nuisent gravement' à la mise en œuvre de tous les aspects de la CDB.

Un autre rapport établi par le Soudan au début de cette année identifiait comme principaux obstacles le manque de moyens accordés à l'éducation ou à la sensibilisation, la faiblesse de la coordination des politiques, et l'exploitation sauvage des habitats sensibles.

Des lacunes scientifiques

Mais l'Afrique est également handicapée par le manque de compétences scientifiques. La maîtrise du fonctionnement des écosystèmes africains est largement insuffisante, surtout lorsqu'il s'agit des animaux et plantes les moins charismatiques du continent – ceux que l'on n'observe pas depuis les jeeps d'un safari.

Pour John Donaldson, responsable principal de la recherche appliquée sur la biodiversité à l'Institut national sud-africain pour la Biodiversité, les connaissances sur les organismes souterrains, les parasites et les espèces envahissantes sont insuffisantes.

Or, ces espèces jouent un rôle essentiel dans la préservation de l'héritage biologique du continent, déclare-t-il. Les termites, par exemple, sont indispensables dans le recyclage des nutriments, créant des habitats pour d'autres organismes et constituant une importante source d'aliments pour les prédateurs.

La collaboration scientifique internationale pourrait aider à cartographier ces ressources biologiques. Mais la réglementation contre la 'biopiraterie', l'exploitation par des étrangers des ressources biologiques et à des fins commerciales, constitue un nouvel obstacle pour les scientifiques des autres continents désireux d'aider leurs collègues africains.

"C'est un équilibre difficile entre chercher à maintenir à l'écart des personnes souhaitant exploiter vos ressources naturelles pour leurs propres fins et inviter les scientifiques capables de mieux comprendre vos ressources" , estime Donaldson. Des règles claires sur l'accès et le partage des bénéfices devraient aider les scientifiques à contourner la réglementation rigide en matière de biopiraterie.

Il est également difficile de mettre en place un réseau d'experts africains, ajoute-t-il. Dans certains pays, il est souvent plus facile de nouer des contacts en finançant des projets depuis l'extérieur, mais ces programmes ne ciblent pas nécessairement les priorités et politiques locales.

Des objectifs communs de développement

Le manque de moyens, à la fois financiers et scientifiques, doit être pris en compte dans la définition des nouveaux objectifs de la CDB. Mais ces objectifs doivent être également en adéquation avec les objectifs de développement national, précise Donaldson.

Ainsi, des efforts considérables sont déployés par les défenseurs de l'environnement pour renforcer les liens entre la biodiversité et le bien-être de l'homme, en mettant l'accent sur les 'services' rendus par l'écosystème (les avantages offerts par la nature comme l'air pur ou le contrôle des inondations). 

"De tels objectifs devraient permettre aux pays africains d'établir un meilleur lien entre l'état de la biodiversité et d'autres questions prioritaires comme la pauvreté et le développement économique", explique Donaldson.

Le soutien extérieur sera déterminant, relève Höft. Mais il prévient que les nombreuses négociations en cours qui appellent les pays développés à soutenir les pays pauvres risque d'entraîner une certaine 'lassitude de l'aide'  chez les donateurs.

Ainsi, si la prochaine grande convention sur la biodiversité n'est pas en adéquation avec les accords climatiques et les flux d'aide, il risque tout simplement d'être ignoré par les ministres des finances des pays riches, prévient-il.

Les décideurs politiques africains devront convaincre les donateurs que l'appui dont ils bénéficient – que ce soit l'aide directe, les fonds d'adaptation aux changements climatiques ou les accords de partage des bénéfices de la biodiversité – contribuera aux mêmes objectifs de développement.

Pour l'Afrique, 2010 devra non seulement être l'année de la biodiversité, mais également celle d'une élaboration cohérente des politiques dans ce domaine.